De Benedetti poursuit en justice les « bonnes » affaires d’Alain Minc et Pierre Bergé

15/01/2008Par

La presse n’aime guère parler d’elle-même. Surtout quand des dirigeants de groupes célèbres, fussent-ils en sursis, sont en cause. Est-ce pour cela que nul ne s’est intéressé à une affaire qui devait venir le jeudi 29 novembre 2007 devant le Tribunal de grande instance de Paris, et qui, du fait de la grève des magistrats contre Rachida Dati, a finalement été reportée au 24 janvier ? L’histoire est pourtant révélatrice de certaines pratiques du monde des affaires. Et aussi des pratiques d’une figure connue du monde de la presse.

 

Opposant une cascade de sociétés et de coquilles financières toutes plus méconnues les unes que les autres – Ciga Luxembourg d’un côté, Hosmoz, Soparfi ou encore Oléron Participations de l’autre -, l’affaire n’est en apparence pas de nature à susciter la curiosité. Et même si la première des sociétés reproche, selon les mots de son conseil, Me Patrick Atlan, à ses adversaires d’avoir engagé à son encontre des « manœuvres » dont « le caractère [est] fondamentalement frauduleux », on n’est guère enclin à s’y intéresser.

Pourtant, les protagonistes sont beaucoup plus célèbres que ne le suggère le nom des sociétés qui sont en bataille les unes contre les autres. Avec d’un côté l’industriel italien et actionnaire du quotidien La Repubblica, Carlo de Benedetti, qui est le vrai plaignant ; et puis dans le camp d’en face, Alain Minc (président du conseil de surveillance du Monde, conseiller de nombreux grands patrons français ainsi que de Nicolas Sarkozy), Pierre Bergé (le cofondateur de la maison Yves Saint-Laurent) ou encore Michel de Guillenchmidt (avocat, directeur d’université) dont l’épouse, Jacqueline, est membre du Conseil constitutionnel.

Ce face-à face judiciaire Benedetti-Minc est très inattendu. Car les deux hommes, qui ont une longue histoire commune, avaient jusqu’à présent pris soin de ne pas faire étalage des différends qui les opposent. Dirigeant dans la seconde moitié des années 1980 la holding française de l’industriel italien, Cerus, Alain Minc a été le principal instigateur de la célèbre et calamiteuse OPA sur la Société générale de Belgique, en janvier 1988, qui s’est soldée par un désastre financier. Quelques années plus tard, Carlo de Benedetti avait évalué le coût de cette OPA ratée à plus de 800 millions d’euros. Et longtemps après, en 2000, dans un livre d’entretien intitulé « Carlo de Benedetti l’Européen »(éditions Balland), l’industriel italien avait laissé percer sa colère à l’encontre d’Alain Minc : « Faire de lui un chef d’entreprise ou un président-directeur général, c’est comme confier à un sociologue la gestion d’une charcuterie », avait-il lâché.

Cette pique mise à part, Carlo de Benedetti s’est toujours gardé d’accabler celui qui l’avait entraîné dans ce désastre. Mieux que cela. S’il finit par évincer Alain Minc de son groupe, en 1991, il n’en est pas moins généreux et lui signe un chèque de 10 millions de francs lors de son départ – de seulement 6 millions, selon Alain Minc. L’intéressé peut alors démarrer une nouvelle vie, en fondant sa petite structure, AM Conseil. 

Sa petite société a une double fonction, l’une publique, l’autre plus officieuse. D’abord, AM Conseil est la société au nom de laquelle Alain Minc facture les conseils qu’il va alors commencer à prodiguer aux grands patrons français. Et puis, c’est par le truchement de cette structure qu’il fait des investissements plus discrets : en particulier, AM Conseil participe en 1996 à la création d’une autre société, Oléron Participations, aux côtés du cofondateur d’Yves Saint-Laurent, son ami Pierre Bergé. Oléron Participations va prendre des participations dans de nombreuses sociétés. De fil en aiguille, Alain Minc va ainsi se retrouver administrateur d’une grosse PME de Romanrantin, Rasec (mobiliers et gondoles pour grandes surfaces), dont le PDG est un dénommé Patrick Gentil (un ancien condisciple d’Alain Minc à Sciences-Po) ; et dans laquelle Oléron Participations a pris une participation (25%).

Pour Alain Minc, une nouvelle vie commence. Et officiellement, ses chemins ne croiseront plus jamais ceux de Carlo de Benedetti. Plus jamais ? Eh bien si ! Sans que nul ne le sache, les deux protagonistes, qui officiellement se font bonne figure, sont entrés en bataille judiciaire l’un contre l’autre. Et c’est précisément Oléron Participations, la structure au travers de laquelle Alain Minc et Pierre Bergé gèrent une partie de leur fortune personnelle, qui est au centre du litige ; laquelle Oléron Participations a son siège social 10, Avenue Georges V, tout comme... AM Conseil ! 

Le litige remonte à mars 1992. A l’époque, Carlo de Benedetti apporte une nouvelle preuve de sa magnanimité à l’égard de celui qui a criblé son groupe de dettes. Il accepte que la banque Duménil Leblé (qui fait partie de son empire Cerus - et longtemps dirigée par Alain Minc) accorde un prêt bancaire de 125 millions de francs à une société dénommée Final, qui est présidée par l’ami d’Alain Minc, Patrick Gentil. Le prêt a pour objectif de permettre à Final, avec l’appui d’une autre banque, de faire un « LBO » (reprise d’une entreprise par ses cadres dirigeants) sur une autre société, dénommée Sofarpi, qui contrôle à 100% un seul actif vraiment intéressant, une société dénommée Hoyez. 

En clair, c’est Hoyez la véritable cible du « LBO ». Et c’est de sa rentabilité que va dépendre la capacité de sa maison-mère, Final-Sofarpi, de rembourser les emprunts contractés, notamment auprès de la banque Dumenil Leblé. Or, c’est ici, pour Carlo de Benedetti, que tout va se gâter. D’abord, son empire industriel continue d’être ébranlé par les répliques du tremblement de terre financier, dont Alain Minc est l’un des premiers responsables. Et notamment, la banque Dumenil Leblé engage une descente aux enfers, qui va la conduire à la liquidation : les créances détenues par la banque sur Final-Sofarpi sont alors rétrocédées à Ciga Jersey, la filiale de défaisance de l’empire Benedetti, avant d’être transférées dans une autre structure, Ciga Luxembourg (la structure qui a donc été à l’origine de la procédure judiciaire).

Et puis surtout, les dirigeants de l’empire Benedetti ont vite le sentiment que les hommes d’affaires à qui ils avaient consenti un prêt, mettent à profit cette période de turbulences pour procéder à un tour de passe-passe pour ne pas avoir à rembourser une bonne partie de leur dû.

En 1996, les dirigeants de Final-Sofarpi décident en effet de vendre Hoyez, le seul actif significatif sur lequel ils peuvent compter pour honorer leur dette à l’égard de Carlo de Benedetti. Aussitôt, les dirigeants du groupe italien demandent à leur avocat à Paris, Me Atlan, de s’opposer par tous les moyens de droit à une vente qu’il qualifie de « frauduleuse »car elle va nécessairement siphonner la maison mère, Final-Sofarpi, et lui interdire de rembourser l’emprunt. Mais Patrick Gentil fait la sourde oreille et conteste à Ciga sa qualité de créancier.

Et à qui la société Hoyez, au cœur de la dispute, est-elle vendue ? C’est là que l’histoire se corse. La structure qui en fait l’acquisition en 1996 est une toute nouvelle société qui vient de se créer et qui a pour nom... Oléron Participations, la société d’Alain Minc et de Pierre Bergé ! En asséchant financièrement Final-Sofarpi, qui a souscrit l’emprunt, et en faisant racheter Hoyez par Oléron Participations, les initiateurs du projet font donc une double mauvaise manière à Carlo de Benedetti. Ils en ont d’ailleurs conscience. Dans un compte rendu de réunion, en date du 19 mars 1996, versée dans la procédure, Patrick Gentil fait en effet ce constat : «  L’investisseur (P. Bergé, YSL, A. Minc) et son banquier (Le Crédit lyonnais) ont pleine conscience que l’on ne fait pas une bonne manière aux créanciers »

Le 17 juillet 1996, le même Patrick Gentil écrit une lettre à Alain Minc, versée aussi dans la procédure, dans laquelle il use de la même franchise : «Je n’ai jamais pensé que ton ancienne société [Cerus] resterait sans réagir à ce qui n’est tout de même pas une ″bonne manière″ (...) En définitive, comme dans toute entreprise, il faudra se battre et faire preuve de sang froid avant de récolter les fruits de la victoire ». 

Concrètement, la société Ciga est informée en avril 1996 qu’Oléron Participations a fait une offre de 65 millions de francs pour racheter Hoyez pour un montant qu’elle juge notoirement sous-évalué. Elle refuse donc cette vente à un prix si bas, mais la vente intervient malgré tout. Ce qui conduit à l’épilogue prévisible. Du même coup, sa maison-mère, ayant perdu son principal actif, ne peut plus faire face à ses dettes et est acculée au dépôt de bilan. Quant à l’acquisition de Hoyez, elle est vite réalisée. C’est la société Oléron Participations qui en est au cœur de l’opération. Mais au dernier moment, une société nouvelle est créée pour finaliser l’achat. Dénommée Avelinvest, elle est à l’origine présidée par Alain Minc, et est contrôlée directement ou indirectement par Patrick Gentil et ses principaux associés. Parmi eux, on relève aussi le nom de Michel de Guillenchmidt, qui après avoir été l’avocat de Final, a pris aussi des intérêts dans Avelinvest, au travers d’une petite structure créée par lui, en association avec l’épouse de Patrick Gentil. Puis, pour finir, à la mi-1999, une nouvelle société, Hosmoz, dont Patrick Gentil est administrateur, rachète Avelinvest et Hoyez.

Pour Me Atlan, toute l’histoire permet donc d’établir « le caractère fondamentalement frauduleux des manœuvres »que Patrick Gentil et ses associés « ont organisé en 1996 au préjudice des créanciers de Final et grâce auxquelles certains des codéfendeurs ont réalisé des profits considérables ». Soit, selon les évaluations de l’avocat, un profit de 74,6 millions de francs pour Patrick Gentil et Michel de Guillenchmidtet 45 millions de francs pour Oléron Participations, la société d’Alain Minc et Pierre Bergé. Interrogés, les défenseurs des adversaires de Ciga n’ont pas souhaité répondre et donner leur version de l’histoire.

Au terme d’une interminable procédure, émaillée de rebondissements innombrables, Me Atlan demande donc 13,9 millions d’euros en réparation pour ses clients. Les juges accèderont-ils à sa demande ? Même si Alain Minc n’est pas le seul personnage en cause dans cette histoire, qui se plaide au civil, il en est l’acteur le plus connu. Et dans les turbulences multiples qu’il traverse depuis plus d’un an – de Vinci jusqu’au Monde -, il a fait depuis peu le choix de se montrer beaucoup plus discret dans la vie des affaires. Autant dire que l’affaire Hoyez risque de contrarier son nouveau souci de confidentialité. Et lui faire, de nouveau, une inopportune publicité.

Bel article, bonne enquête, qui me rappelle l'excellent livre "Petits conseils", où Tintin-reporter, alias Laurent Mauduit, remonte avec talent la piste des agissements bizzaroïdes d'Alain Minc depuis 20 ans. On y découvre qu'Alain Minc partage un trait distinctif avec la famille Lagardère: la multiplication des faillites et échecs industriels (La Cinq, le Matra-Racing, Airbus, Matra-Nortel... et Le Monde). Autre ressemblance, la tendance à prélever une dîme sur les entreprises, comme au Moyen-Age, alors qu'un investisseur en capital est censé ête payé au résultat.

Bravo pour ces infos (un peu compliquées, mais bon!).
Laissons Minc conseiller Sarkozy... avec un peu de chance la faillite n'est pas loin

J'apprécie la brièveté et la justesse de ces quelques lignes que j'espére prémonitoires !

il serait temps de légiférer sur toutes ces manoeuvres dans ces inombrables sociétés , par exemple en exigeant que chacune d'elle se démerde toute seule et si elles ont des problèmes et bien ceux qui ont mis des billes vont en perdre , c'est la vie , c'est logique .....ils n'ont qu'à faire gaffe à ce qu'ils font et se comporter en vrai gestionnaire responsable ....seulement ils font n'importe quoi et ensuite veulent quand même le beurre et l'argent du beurre .Ce minc fait la leçon à tout le monde et en fait il se conduit comme le dernier des dernier sans aucune morales et venez pas me dire que la morale ne va pas de pair avec le bisness .Quoi que le tribunal decide il aura toujours largement de quoi vivre alors qu'il n'a jamais rien fait de bon .....bel exemple pour les jeunes ....et pendant que tout ces messieurs font mumusent et se chamaillent quelques million d'euros les emploi valsent ici puis réappparaissent ailleurs souvent moins nombreux et après on va expliquer aux travailleurs de la france d'en bas qu'il faut faire preuve de flexibilité , moderniser le travail et patati et patata .....je suis abasourdi , estomaqué , écoeuré , effondré que des lois qui se contredisent les unes les autres et sont volontairement floues dans certains domaines , laissent en fait un vide juridique qui leur permettent de s'en sortir avec un bon pote avocat ....
Soit on change tout cela , soit on change la devise de notre pays ...SVP

Oui, bel article, parfaitement documenté ... où il appert que Monsieur P. Bergé traite des affaires avec M. A Minc!
Très partisan de S. Royal, cette constatation me dérange beaucoup compte tenu des "bonnes manières" (bureaux et autres) que P. Bergé lui a faite.
Cette aspect n'est pas traité dans cet article?

Merci, cher Odiber, pour votre message d'encouragements, qui m’inspire plusieurs remarques :
1. En accordant beaucoup de place à l’enquête, et notamment à l’enquête économique, le projet Mediapart, quand il verra le jour, aura précisément pour ambition de susciter la réaction qui est la votre : apporter des faits nouveaux, peu ou pas connus, de nature à éclairer nos lecteurs, contribuer à former leur jugement, à le confirmer ou l’infirmer.
2. Non, c’est exact, l’article, centré sur une histoire très particulière, n’évoque pas les « bonnes manières » de Pierre Bergé à Ségolène Royal. Et sans doute cette question mériterait-elle une enquête particulière : j’en retiens l’idée. D’ici là, immodestement, je me permets de vous renvoyer au livre que j’ai écrit (« Petits Conseils », Stock), qui apporte de nombreux éclairages complémentaires sur les relations entre Alain Minc et Pierre Bergé. Des éclairages qui risquent d’accroître encore plus votre étonnement.

Excellent, bravo, et non, je ne trouve pas cet article trop compliqué. Il reflète simplement fidèlement les moyens employés par ces systèmes de sociétés-écrans etc, pour noyer le poisson et pour habiller de belles paroles et de beaux atours pleins de sérieux et de superbe à la Mercedes avec chauffeur, ce qui en clair est tout simplement du vol.
Je trouve même que pour un néophyte comme moi sur ce genre de sujet, Laurent Mauduit est très pédagogue et facile à déchiffrer.
Encore bravo!

Il est étonnant que De Benedetti n'est pas attaqué Alain Minc et Pierre Bergé au pénal...
Cette affaire est peut-être plus profonde qu'il n'y paraît.

Article intéressant où l'on découvre que les puissants ne le sont pas tant que cela puisqu'ils se heurtent à d'autres puissants comme du temps des monarchies absolues. Un bonne nouvelle sur le monde des affaires et le Monde en général. La toute puissance que l'on pourrait dire perverse, l'emprise au fond que M.Minc exerce toucherait ses limites. Et c'est M. de Benedetti qui les lui montrerait. Brave homme!

J'aime beaucoup cet article, pour un non initié dans ce domaine c'est très bien fait et compréhensible.

L'intérêt serait peut-être maintenant de le faire évoluer en fonction de "l'histoire" ?

Merci

Petit détail : il semble que Pierre Bergé ait quitté le conseil de surveillance d'Oléron Participations en janvier 2003 - modification de structure publiée au Bodacc (annonce n° 1323, Bodacc 044B du 25/3/2003). On ne sait pas s'il a aussi quitté le capital, et s'il est resté "l'ami" d'Alain Minc. L'amitié (entre guillemets) des deux personnages semble en effet assez bizarre, chacun conseillant un des deux principaux candidats aux présidentielles récentes... Le business est le business, mais tout de même !

Pour ne pas compliquer un papier déjà chargé de détails, je n'avais pas apporté ces précisions, mais vous avez raison sur le conseil de surveillance. A l’origine société en commandite par action, cette société Oléron Participations s'est, à ma connaissance, transformée en 2002 en société par actions simplifiée, avec pour actionnaire AM Conseil, et Berlys, appartenant à Pierre Bergé. Mais cela ne change rien au fond de l'histoire: Oléron Participations a toujours les mêmes actionnaires; son siège social est toujours situé dans les bureaux qu'occupe également Alain Minc; et le gestionnaire d'Oléron est toujours Jean-Francis Bretelle, qui est depuis des lustres le bras droit de Pierre Bergé.
Quant à l'amitié entre Alain Minc et Pierre Bergé, il en existe des preuves nombreuses. Un seul exemple: conseiller secret d'Edouard de Rothschild, le nouvel actionnaire de Libération, Alain Minc l'a beaucoup aidé à mettre au point son dernier "tour de table", voici un an. D'où la présence de nombreux amis d'Alain Minc dans ce plan de financement: Pierre Bergé ou encore Bernard-Henri Lévy. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes -ou des conflits d'intérêt! - : ainsi le président du conseil de surveillance du Monde a-t-il oeuvré au plan de financement du grand quotidien... concurrent!

Voilà qui est passionnant ! Il serait intéressant de suivre le parcours de ces deux éminences grises : sont-ils plutôt Pinault ou Arnaud ? Bouygues ou de Benedetti ? Lagardère ou Dassault ? Bouton ou Pebereau ? ou peut-être sont-ils copains avec tout le monde ?
Plus sérieusement, comment se fait-il qu'un de Benedetti s'attaque à tel duo ? sont-ils vraiment si fâchés pour qu'une transaction à l'amiable n'ait pas été possible ? 10 millions d'euros en jeu ... est-ce une broutille ou un véritable fromage ?
On attend avec impatience la séance du 24 janvier... Tenez-nous au courant.

Bonjour

Ce type d'affaire n'est-elle pas révélatrice d'uen ceratien spécificité française. Y a t-i lun autre pays ou les grand capitaine d'industrie ou les personnes qui les conseillent sont former aux mêmes ecols que les hauts fonctionnaires. Mr Minc est énarque, MMe Parisot est titulaire d'un diplôme de droit administratif et a fait science po. Les dirigeants d'entreprise allemands ou anglais ou américains ont-il les mêmes parcours que leurs hauts fonctionnaires?

Bien à vous

Encore...

Il y a sans doute un problème de formation des élites dans notre pays mais en l'occurrence la cas de M. Minc évoque plus un problème de déformation que de formation . Cette omnipotence, cette certitude en soi, cette aptitude à pouvoir tout faire, tout dissimulé et en même temps tout dire. Cette faculté à être d'un côté et de l'autre de la barrière et puis, tout à coup,de tous les côtés à la fois. De plus, ça n'a pas l'air de le fatiguer.

Si un expert pouvait nous éclairer sur ce genre d'animal tout en ego et à l'activité mentale hypertrophiée...

Le feuilleton me passionne un peu comme la chronique d'une chute annoncée. Mais, chuttt, ne vendons pas la peau de l'ours et lisons Laurent Mauduit.

Suivons le comme Roultabille dans le mystère de la chambre jaune. La suite vite SVP.

Et merci pour ces bons moments.

L’audience au Tribunal de grande instance de Paris, qui devait se prononcer sur cette affaire, jeudi 24 janvier, a finalement été reportée au 22 mai.
Nous publions par ailleurs ci-dessous la lettre datée de ce même 24 janvier que nous a adressée l’un des acteurs de l’histoire, Patrick Gentil.
LM

La lettre de Patrick Gentil :

« A différentes reprises, vous associez mon nom ou celui d’entreprises dans lesquelles j’exerce ou ai exercé une fonction avec Alain Minc.
Permettez-moi quelques précisions :
1. Alain Minc détient indirectement (à travers un fonds) 2% du capital de GROUPE RASEC. Selon le même dispositif, il a détenu 5% de la société HOYEZ. Réduire tout problème entre ces sociétés ou leurs dirigeants avec un tiers à un conflit « Minc contre X » relève de l’amalgame journalistique. Dans le contentieux personnel qui m’oppose (avec d’autres) à CIGA, Alain Minc n’a jamais été mis en cause. Idem pour Pierre Bergé. Titrer "De Benedetti poursuit en justice les bonnes affaires d’Alain Minc et de Pierre Bergé" est donc faux.
2. En juin 1996, CIGA Luxembourg ne s’est pas opposé à la cession d’HOYEZ. Pourtant elle en a été informée préalablement par l’administrateur judiciaire en charge du dossier. Une attestation, versée aux débats, du mandataire français de CIGA (la société SOGA) le précise expressément.
3. Le prix de cession a été validé par des experts de premier plan.
4. Pendant sept ans, CIGA Luxembourg n’a entrepris aucune mesure d’exécution pour recouvrir la partie du prix qui lui revenait. 40 MF sont restés en souffrance sur un compte bancaire. Son confrère, MIDLAND BANK, a bien sûr accepté la cession et encaissé immédiatement son dû.
5. Bizarrement, dans ce dossier « frauduleux », vous n’indiquez ni l’existence d’une plainte au pénal, ni sa conclusion par un non-lieu en 2005, encore moins le nom du juge (peu sarkozyste) : M. Van Ruymbeke. Dans son ordonnance, il précise :
- « La seule cession d’un actif d’une société dont serait victime un créancier, en l’espèce le banquier (qui ne s’est du reste pas manifesté durant une longue période, puisque, selon la plainte, l’arrête de la cour d’appel de Paris a rendu exigible sa créance dès le mois d’avril 1999) ne pouvant constituer un acte de détournement au sens pénal du terme. »
- « Au surplus, la cession d’une entreprise à un tiers dans le cadre d’un projet industriel ne répond à aucune des qualifications pénales alléguées par la partie civile. »
6. CIGA Luxembourg reporte depuis de longues années l’issue de ce contentieux cherchant à compléter sa défense par tous moyens, y compris médiatique.
Au final, tout ceci est banal. Un des deux banquiers prêteurs dans un LBO a refusé de transiger, en période économique délicate, croyant mettre à genoux un petit industriel. Douze ans après, une fois la situation retournée, il refait les comptes et essaye d’obtenir sa part de bénéfice, sachant qu’il a refusé de participer au risque. Nous sommes loin d’une « Affaire » entre people. L’instrumentalisation est évidente. »

A la suite du courrier de Patrick Gentil, publié ci-dessus, nous avons reçu une correspondance de Me Patrick Atlan, conseil de Ciga Luxembourg, la partie adverse. Voici cette correspondance:

"En guise de réponse à votre article intitulé "De Benedetti poursuit en justice les bonnes affaires d’Alain Minc et de Pierre Bergé" paru récemment sur le site Mediapart, monsieur Patrick Gentil, initiateur et acteur principal du dossier concernant la vente de l’entreprise Hoyez intervenue en 1996, vous a écrit pour s’indigner du titre choisi, lequel relèverait selon lui de « l’amalgame journalistique ».
En fait d’amalgame, monsieur Gentil, qui se présente modestement comme un « petit industriel », prétend vous apporter des « précisions » dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles relèvent davantage de la fantaisie ou de la méthode Coué que de la réalité objective. Il ne saurait toutefois être question de discuter « en ligne » des éléments d’une affaire dont est actuellement saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris et qui doit, en principe, être jugée à partir du mois de mai prochain.
Qu’il nous soit cependant permis de corriger ici l’une des contre-vérités les plus saillantes énoncées - avec beaucoup d’aplomb – dans cette correspondance. La plainte pénale déposée en 2004 par Ciga Luxembourg et instruite par le juge Van Ruymbeke ne concernait pas la vente frauduleuse de 1996, mais le sort curieux des 40 MF soi-disant réservés à Ciga, et dont l’essentiel (5 M€) a opportunément été noyé en 2003 dans les eaux troubles d’un port du Montenegro, disparition sur laquelle la lumière judiciaire, souvent longue à venir, reste encore à faire.
Si, comme l’écrit monsieur Gentil, « tout ceci est banal », si un ingénieux tour de passe-passe visant à spolier un créancier doit être considéré comme une opération industrielle ou financière ordinaire, c’est sans doute qu’en affaires, comme en cosmologie, la morale a définitivement succombé aux assauts de la théorie de la relativité générale…
Patrick Atlan

Merci pour le suivi,
et un grand merci à Me Patrick Atlan pour l'éclat de rire de la semaine! :-)
(quoique je ne savais pas qu'il y avait une morale en cosmologie?..)

Il est très intéressant d'avoir les points de vue des différentes parties de cette affaire!
Merci pour ce suivi en continu.