En panne d'enseignants, le rectorat de Créteil sonne le rappel des retraités

12/02/2008Par

Parce qu'il manque de professeurs remplaçants, le recteur de l’académie de Créteil, Jean-Michel Blanquer, vient de lancer un appel à des enseignants retraités, pour leur proposer d’assurer des cours en collège et lycée.

 
Dans un récent courrier, que MediaPart s’est procuré, le numéro un de l’Education nationale dans les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne invite les « anciens » de quatre disciplines (anglais, allemand, philosophie et lettres classiques) à reprendre du service.

C'est une opération inédite en France -en tout cas depuis vingt ans. Les retraités volontaires seront embauchés comme simples vacataires et toucheront 28 euros net de l’heure, cumulables avec leur pension. Cette initiative fait évidemment bondir le Snes, principal syndicat du secteur : « C’est un scandale, quand on sait que l’Etat supprime des postes et restreint le nombre de places ouvertes aux concours enseignants, déclare Valérie Sultan, responsable académique de l'organisation. Ces retraités coûteront certes moins cher que des titulaires, puisque l’Education nationale ne verse là aucune cotisation sociale, mais on marche franchement sur la tête ! C’est l’histoire du pompier pyromane ».

A la rentrée 2008, plus de 600 postes seront supprimés dans les collèges et lycées de l’académie (11.200 sur l’ensemble du territoire national), pour répondre aux exigences de « rationalisation » budgétaire émises par le gouvernement.
 

 

 

                                                       Extrait du courrier :

 

« Je vous informe que vous avez la possibilité (…) de reprendre une activité enseignante. (…) Si vous souhaitez bénéficier de cette opportunité, je vous invite à faire acte de candidature à l’adresse suivante : recrutement-retraite@ac-creteil.fr ou directement auprès des services de la division des personnels enseignants auprès de Mme L... (tel : 01 57 02....). Votre candidature fera notamment apparaître la discipline dans laquelle vous souhaitez dispenser un enseignement, vos disponibilités horaires et vos préférences géographiques.

Je vous prie d’agréer l’expression de ma parfaite considération.

Le recteur de l’académie de Créteil,
Jean-Michel Blanquer »

 

 

 

En décembre et janvier derniers, quelque 250 ex-professeurs ont ainsi été sollicités par le rectorat, pour assumer une charge d'enseignement qui ne devrait pas dépasser 6 heures hebdomadaires, mais pourrait s'étendre sur plusieurs mois, en remplacement de collègues partis en congé de maternité, de longue maladie, voire en retraite (!)... Seules des personnes ayant cessé leur activité au cours des deux dernières années ont été sélectionnées, pour garantir un minimum de "fraîcheur" aux élèves. 

Certains volontaires ont d’ores et déjà été affectés dans des classes, y compris au sein d’établissements difficiles classés en ZEP (zones d’éducation prioritaire). D’évidence, la multiplication des heures supplémentaires, encouragée par la rue de Grenelle, ne suffit plus à combler les trous, pas plus que le recours aux contractuels et vacataires traditionnels : « On fait feu de tout bois, glisse-t-on dans les services du rectorat. Si l’opération rencontre un certain succès, d’autres disciplines pourraient être concernées »

Dans le passé, quelques retraités du secondaire avaient déjà pu, ponctuellement, conserver des heures à l’Education nationale, en sollicitant spontanément leur hiérarchie. « Cette fois, c’est différent, puisque nous avons l’initiative et que nous changeons d’échelle », explique un fonctionnaire du rectorat de Créteil. S’il souligne « le nombre encore faible d’individus concernés », il reconnaît aussi la portée symbolique de l’opération, condamnée à braquer les syndicats enseignants qui réclament des moyens spécifiques et des équipes stabilisées dans les quartiers sensibles. 

Joseph Spagnoli, 60 ans passés, professeur d’anglais ayant rendu son tablier en septembre dernier, a bondi en recevant "sa" lettre, le 14 janvier : « La plupart des collègues partent fatigués, après 37,5 années d’un exercice épuisant, souffle-t-il. Avec 1800 euros mensuels de pension, moi je n’accepterai jamais, bien que j'ai toujours aimé enseigner. Travailler encore pour gagner plus, c'est non ! ».

Mardi 12 février au soir, le cabinet du recteur, sollicité depuis la veille, n'avait toujours pas donné suite à nos demandes d'entretien.

Un enseignant retraité, dans certains états des Etats Unis, bondirait sur l'annonce, pour l'amour du métier certes, mais aussi parce que pour compléter sa retraite et assurer le financement de ses médicaments, "mieux vaut faire ça que prendre un job de pousseur de caddie de supermarché comme les copains".

Mais nous, en France, n'en sommes pas encore là...

C'est vrai, mais pour combien de temps?

dianne

28€ de l'heure pour se retrouver en GAV si les nerfs craquent ?
Car un prof retraité est lessivé !
Les volontaires ont intérêt à se trouver un avocat avant de répondre à l'annonce.

Dans le cadre d'une reprise d'études en lettres modernes à l'université, je constate le désarroi des étudiants qui s'interrogent sur les projets de suppression des concours comme le C.A.P.E.S. ou l'agrégation en lettres.

Il est vrai qu'à l'université Paul Valéry Montpellier-III la chute des effectifs serait considérable, de l'ordre de 2 400 inscrits à 1 200 aujourd'hui (chiffres à confirmer).

Hier après-midi l'université était quasiment désertée. La filière littéraire a vraiment besoin de défenseurs mais le plan « Réussite en licence » est-il la réponse appropriée?

On peut se poser la question.

Et ce n'est qu'un début !!! Après avoir viré les seniors par wagons entiers (ça continue d'ailleurs...), ces employeurs de m... (public ou privé) vont bientôt se prostituer pour les faire revenir car après leur avoir trouvé tous les défauts, ils vont les parer de toutes les qualités, manque de main-d'oeuvre oblige.
Il faudra banquer messieurs les imprévoyants imbéciles !!!

Personnellement ce qui me choque le plus c'est que l'on aille d'un côté chercher des personnes à la retraite en raison d'un manque d'effectifs et que de l'autre on supprime des postes:
"A la rentrée 2008, plus de 600 postes seront supprimés dans les collèges et lycées de l’académie (11.200 sur l’ensemble du territoire national)"

Est-ce là de l'incohérence? Au contraire, tout cela est très cohérent. Payer 28€ de l'heure un professeur retraité c'est bien moins cher que de payer un professeur en activité. Notre gouvernement pourra alors s'enorgueillir d'avoir fait des économies. Quant à l'éducation de nos enfants et tout ce qui s'y rapporte, cela semble être un sujet de peu d'importance...

Si vous voulez connaître les aventures d'un jeune professeur certifié de 25 ans (ce n'est pas moi, j'ai 56 ans) bénéficiant du statut de Titulaire de Zone de Remplacement (TZR) rendez-vous sur http://tzrrad.unblog.fr

Un article de fond sur l'emploi fait par l'éducation nationale des jeunes profeseurs débutants sur les académies de Créteil, Melun,...seait très utile. Comment l'EN envoie les plus jeunes s'occuper des classes les plus difficiles...pour un salaire....

Les protocoles de remplacement interne en vigueur depuis quelques années dans les établissements scolaires pour pallier aux absences de courtes durées, les titulaires en zône de remplacement que l'on trimbale de collège en lycée et à qui l'on demande d'être disponible dans la demi-journée, les assistants d'éducation que l'on assigne à remplacer des enseignants au pied levé en fonction de leurs compétences, les stagiaires IUFM qui se retrouvent isolés dans certains établissements parce qu'ils viennent combler des manques... aujourd'hui des retraités que l'on va chercher pour répondre à des manques que l'Institution a elle même générés. Qu'y a-t-il de surprenant à tout cela? La gestion des ressources humaines dans le domaine de l'Education Nationale est une véritable comédie. Aucune reflexion qui prenne en compte les besoins des élèves, censés être au centre su système éducatif depuis bientôt 20 ans , pas plus que les besoins des enseignants qui malgré les quelques privilèges concédés vivent des situations souvent difficiles. Les premières années de pratiques professionnelles dans des coins très éloignés de leur vie familiale, affective, sociale; dans des zônes désertées par les anciens (après 7 ou 8 ans) parce que trop difficile d'y enseigner... tout cela sans vouloir verser dans le catastrophisme. Les suppressions de postes annoncées, les vacataires et les contractuels que l'on ne renouvelle pas, ceux que l'on remplace à mi-temps pour économiser quelques frais de fonctionnement. Il est important de dénoncer les pratiques en vigueur dans certaines académies comme celle du recours aux frais retraités, mais là encore c'est l'arbre qui cache la forêt.

Interesssant comme certains commentateurs (et sans nul doute beaucoup plus de commentateurs de gauche sur Le Monde, Libe et Nouvelobs) se polarisent immediatement sur le concept ecule (et faux) de la quantite fixe de travail. "scandaleux de licencier quand on offre du boulot". D'apres ce que j'ai vite lu, on offre quelques heures par semaine a des individus qui peuvent avoir envie de travailler quelques heures par semaine. Cela n'est pas different d'avoir des offres dans le batiment et des chomeurs dans le spectacle. Ca s'appelle l'economie.

Triste et cynique vision des choses. C'est bien pour cela que la politique doit reprendre le dessus. L'économie est au service des hommes et non l'inverse.
http://tto45.blog.lemonde.fr

Dans une société civilisée, on devrait réfléchir à mettre en place des retraites progressives :
Sur une durée comprise entre entre 55 à 65 ans, pour prendre une fourchette, et en tenant compte de critères tels que la pénibilité, sans perte de revenus.
Afin d'aménager le temps de travail lorsque la fatigue se fait sentir alors qu'on conserve le désir de travailler encore.
Cette mesure relèguerait cet effet d'aubaine produit par le rectorat de Créteil au rang d'archaïsme social.

Je suis d'accord avec vous Peneloppe. D'autant plus que cela permettrait d'atténuer le traumatisme que peut représenter pour beaucoup de personnes le passage brutal du travail à temps complet à la retraite.

Tout à fait d'accord. Le commentaire de "pabcbc" est bien triste. Nous parlons de l'éducation nationale. Si même l'éducation de nos gamins doit d'abord et avant tout devenir "économiquement viable", ou disons le carrément "rentable", alors l'économie devient notre seule loi. Et nous nous boufferons les uns et les autres avant longtemps. Ce qui m'effraie le plus c'est le peu de mémoire des hommes. La plupart des gens qui critiquent le manque de rationalité du "paquebot éducation nationale" sont la plupart du temps ceux qui ont bien réussi à l'école pour bien réussir ensuite dans un monde libéral. Ce sont ceux-là mêmes qui ont le mieux profité du confort gratuit d'une éducation de qualité qui sont aujourd'hui les premiers à taper sur leurs anciens profs.
C'est triste, égoïste et ingrat.
Mais finalement c'est bien la seule morale du Dieu économie : fais du fric, ne pleure pas trop sur le malheur des pauvres, il l'ont bien mérité, et finalement quand toi tu as réussi ta vie, t'as intérêt à ce que peu de gens suivent tes pas, car plus il y a de pauvres, plus on est riche.
Animal, on est mal. On a le dos couvert d'écailles.

Hélas Philip,
vous êtes déjà en retard d'un cynisme:

"Si même l'éducation de nos gamins doit d'abord et avant tout devenir "économiquement viable", ou disons le carrément "rentable", alors l'économie devient notre seule loi."

L'économie, ce serait déjà dur, mais c'est dépassé.
Aujourd'hui, après être passés de "l'économiquement viable" au "rentable", nous en sommes maintenant au "profitable". L'aboutissement de la vision des Thatcher+Reagan, où même les chefs d'entreprises soit-disant "exploiteurs", ne sont plus que des proies que ces prédateurs écrasent sans pitié, tous les jours, au profit de personne
(car on ne peut pas dire que les travailleurs chinois en profitent beaucoup...)
que de quelques voleurs déguisés et titrés.

Pour eux, tout a un prix, y-compris l'Education, mais ceci serait dépassé. Pour être exact, c'est:
"Pour eux, tout doit être profitable"...

Ce cas montre la difficulté à diriger un paquebot nommé Education nationale

Sur le fond, ce n'est probablement pas la bonne manière cependant que doit-on préférer ?

Des élèves sans professeurs ? mon fils est en 6ème à Strasbourg et n'a pas eu cours d'allemand au cours du 2ème trimestre ; raison : impossible de trouver un enseignant capable de remplacer un professeur malade ? A quelques mètres de la frontière allemande ? On croit rêver...

L'éducation nationale doit probablement repenser son mode de recrutement : le mode par concours CAPES est il encore pertinent ? ; ne doit-on pas pouvoir dans certains cas recourir à un système de remplacement plus souple ? ; ne peut-on pas ici comme ailleurs instaurer un système de VAE après qqs années comme enseignant vacataire ?

La réponse doit être trouvée par les partenaires (enseignants, parents d'élèves, recteurs d'académie, ministère) sur la base d'une concertation.

Ce défi doit être relevé et surtout très vite : c'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu. A un moment, il ne s'agit plus de droite, de gauche ou d'ailleurs mais de notre volonté d'aboutir en se posant les bonnes questions. Je ne pense pas que l'efficacité ait une couleur politique.

Le problème c'est que Sarkozy l'a dit haut et fort "on va réduire les budgets" ! Donc quelques soient les bonnes idées, il manquera toujours le nerf de la guerre. Et les retombées économiques de ces services publics qu'on sacrifie (école, hôpital) ne semblent pas prêtes de se faire sentir matériellement parlant.

Le métier de prof est particulier. C'est un métier d'ouvrier en ce sens qu'on doit être présent tous les jours à une certaine heure (et pas 10 minutes plus tard). Et c'est en plus un métier de cadre au sens où un prof ne peut pas être remplacé par n'importe quel prof d'une heure à l'autre en cas d'absence.
En tant que cadre du privé, si un jour je me sens flagada parce que j'ai fait la banboula la veille, il m'est possible de téléphoner au bureau pour dire que j'arriverai 1 ou 2 heures plus tard. tout le monde s'en fiche du moment que je finis à 20h30, après avoir perdu 2 ou 3h par jour en discussions stériles autour de la cafetière, en réunion inutile, ou à présenter une enième fois à mon chef (économiste) l'intérêt technique d'un projet.
Un prof travaille la plupart de son temps chez lui, il ne perd pas plus de temps que nécessaire. Et face à une classe , il n'y a pas de temps mort.
J'ajouterais à cette spécificité du métier, que c'est le genre de job sur lequel tout parent pense pouvoir mieux faire que ce qui est fait, c'est donc un métier naturellement très critiqué.

Alors la spécificité du métier de prof nécessitait un corps de remplaçants qu'on a supprimé. La mesure de remplacement au sein d'un même établissement est trop utopique (même si ça fait bonne figure, c'est de la garderie pure et simple). Que faire ?

Et pourquoi ne pas augmenter le nombre de profs, pour des classes plus légères, où on puisse enfin donner de l'éducation à ceux qui n'en veulent même plus ? Pourquoi ne pas prendre à bras le corps le problème de la dégradation générale du sens civique, des règles de politesse, de respect, etc. Pourquoi ne pas donner encore leur chance à nos enfants, pour obtenir qu'enfin ils s'intéressent à des sujets qui seront leur culture (et autre que l'économie et l'informatique qui leur seront de toute façon imposés tôt ou tard) ?

Et bien parce qu'il faut quand même pouvoir dégager suffisamment de fric pour assumer une perte sèche de plus d'un milliard d'euro de recette fiscale sur l'affaire de la Société Générale, pour pouvoir arroser les syndicats, pour pouvoir reverser grassement des marchés publics aux copains fortunés, etc.

Il me semble qu'un candidat aux grandes oreilles avait proposé un autre chemin, mais lui on l'a vite oublié, pour se perdre bien vite dans les yeux de madame Sarkozy.

en début d'année, j'avais envoyé une demande d'emploi pour un poste de vacataire mais, n'étant pas de nationalité française, le rectorat n'avait pas jugé utile de me répondre. or, je proposais de dispenser des cours en français et en philosophie. n'empêche que je ne suis pas surpris par cette aberration. pour ma part, je suis toujours disponible.