Parce qu'il manque de professeurs remplaçants, le recteur de l’académie de Créteil, Jean-Michel Blanquer, vient de lancer un appel à des enseignants retraités, pour leur proposer d’assurer des cours en collège et lycée.
Dans un récent courrier, que MediaPart s’est procuré, le numéro un de l’Education nationale dans les départements du Val-de-Marne, de
C'est une opération inédite en France -en tout cas depuis vingt ans. Les retraités volontaires seront embauchés comme simples vacataires et toucheront 28 euros net de l’heure, cumulables avec leur pension. Cette initiative fait évidemment bondir le Snes, principal syndicat du secteur : « C’est un scandale, quand on sait que l’Etat supprime des postes et restreint le nombre de places ouvertes aux concours enseignants, déclare Valérie Sultan, responsable académique de l'organisation. Ces retraités coûteront certes moins cher que des titulaires, puisque l’Education nationale ne verse là aucune cotisation sociale, mais on marche franchement sur la tête ! C’est l’histoire du pompier pyromane ».
A la rentrée 2008, plus de 600 postes seront supprimés dans les collèges et lycées de l’académie (11.200 sur l’ensemble du territoire national), pour répondre aux exigences de « rationalisation » budgétaire émises par le gouvernement.
Extrait du courrier :
« Je vous informe que vous avez la possibilité (…) de reprendre une activité enseignante. (…) Si vous souhaitez bénéficier de cette opportunité, je vous invite à faire acte de candidature à l’adresse suivante : recrutement-retraite@ac-creteil.fr ou directement auprès des services de la division des personnels enseignants auprès de Mme L... (tel : 01 57 02....). Votre candidature fera notamment apparaître la discipline dans laquelle vous souhaitez dispenser un enseignement, vos disponibilités horaires et vos préférences géographiques.
Je vous prie d’agréer l’expression de ma parfaite considération.
Le recteur de l’académie de Créteil,
Jean-Michel Blanquer »
En décembre et janvier derniers, quelque 250 ex-professeurs ont ainsi été sollicités par le rectorat, pour assumer une charge d'enseignement qui ne devrait pas dépasser 6 heures hebdomadaires, mais pourrait s'étendre sur plusieurs mois, en remplacement de collègues partis en congé de maternité, de longue maladie, voire en retraite (!)... Seules des personnes ayant cessé leur activité au cours des deux dernières années ont été sélectionnées, pour garantir un minimum de "fraîcheur" aux élèves.
Certains volontaires ont d’ores et déjà été affectés dans des classes, y compris au sein d’établissements difficiles classés en ZEP (zones d’éducation prioritaire). D’évidence, la multiplication des heures supplémentaires, encouragée par la rue de Grenelle, ne suffit plus à combler les trous, pas plus que le recours aux contractuels et vacataires traditionnels : « On fait feu de tout bois, glisse-t-on dans les services du rectorat. Si l’opération rencontre un certain succès, d’autres disciplines pourraient être concernées ».
Dans le passé, quelques retraités du secondaire avaient déjà pu, ponctuellement, conserver des heures à l’Education nationale, en sollicitant spontanément leur hiérarchie. « Cette fois, c’est différent, puisque nous avons l’initiative et que nous changeons d’échelle », explique un fonctionnaire du rectorat de Créteil. S’il souligne « le nombre encore faible d’individus concernés », il reconnaît aussi la portée symbolique de l’opération, condamnée à braquer les syndicats enseignants qui réclament des moyens spécifiques et des équipes stabilisées dans les quartiers sensibles.
Joseph Spagnoli, 60 ans passés, professeur d’anglais ayant rendu son tablier en septembre dernier, a bondi en recevant "sa" lettre, le 14 janvier : « La plupart des collègues partent fatigués, après 37,5 années d’un exercice épuisant, souffle-t-il. Avec 1800 euros mensuels de pension, moi je n’accepterai jamais, bien que j'ai toujours aimé enseigner. Travailler encore pour gagner plus, c'est non ! ».
Mardi 12 février au soir, le cabinet du recteur, sollicité depuis la veille, n'avait toujours pas donné suite à nos demandes d'entretien.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/mathilde-mathieu
[2] http://www.mediapart.fr/files/lettre-rectorat.jpg