Laurent Chemla : « La gratuité des sites est un mythe »

06/12/2007Par

Après avoir créé avec trois autres associés, en 2000, la société Gandi, un bureau d'enregistrement de noms de domaines, Laurent Chemla publiait deux ans plus tard, chez Denoël, sa Confession d'un voleur, livre qui eut un écho par son contenu même, mais aussi parce qu'il se trouva dès sa sortie en accès gratuit sur la toile. « Je suis un voleur, écrivait-il alors. Je vends des noms de domaines. Je gagne beaucoup d'argent en vendant au public qui n'y comprend rien un simple acte informatique qui consiste à ajouter une ligne dans une base de données. » Le lancement du projet MediaPart a fait réagir un certain nombre d'internautes sur le modèle économique choisi. Il nous a paru intéressant d'interroger Laurent Chemla sur ce point. D'abord parce qu'il soutient cette initiative. Ensuite parce qu'il fut le premier citoyen français inculpé et  relaxé pour piratage informatique. 

Que vous inspirent les réactions à l'annonce du projet MediaPart, site payant d'informations et de débats ?


Laurent Chemla
. Mon point de vue n'a pas changé. La gratuité des sites professionnels est un mythe. Elle n'a jamais existé. Si l'on peut dire qu'avec Internet, il y a une évolution historique vers la gratuité et l'abaissement des coûts, il faut admettre aussi que tout travail qui a un coût doit se rémunérer quelque part. Il y a forcément un paiement différé. Toujours. Ce qui est gratuit, c'est le partage des ressources, la coopération, l'échange, le lien. Mais dès lors qu'il y a production, il y a un coût, donc un prix. Qui plus est quand il s'agit d'une information à valeur ajoutée.  

Les mythes ne meurent jamais… Est-ce à dire que c'est un débat sans fin ?

C'est un débat normal. Il est normal que les gens ne souhaitent pas payer. La télévision et la radio semblent gratuites: les gens acceptent de payer autrement, en supportant la publicité. Il y a une information d'investigation qui est présente sur les blogs et qui n'est pas payante. Il y a des passionnés, qui ne sont pas journalistes, qui passent un temps fou à faire des enquêtes lourdes sur tel ou tel sujet et qui en livrent le contenu sur leur site. C'est formidable parfois, pas toujours, et il n'y a rien à en dire d'autre que : continuez si ça vous fait plaisir. Mais ce n'est pas contradictoire avec un site comme MediaPart qui affiche son indépendance par rapport aux pouvoirs de l'argent et de la publicité, et qui a besoin de payer les gens qui vont travailler avec des règles professionnelles précises. Là aussi, il n'y a rien à en dire d'autre que : soyez bons, précis, exigeants.  

Certains voient une contradiction entre l'utopie du départ, un village global connecté, ouvert et libre, et l'intrusion de l'argent et du commerce. Et cette contradiction, pour eux, s'apparente à une agression.

C'est encore autre chose. Quand, en 1995, Internet a cessé d'être financé par les Etats et s'est privatisé, il y a eu deux arrivées, celle des entreprises privées et celle des particuliers. Chacun est venu avec sa logique. De cette concurrence s'est dégagée une tendance: la baisse des coûts est l'une d'entre elles. Mais il n'a jamais été question de rendre tout gratuit. C'est absurde. Prenez le cas du logiciel libre. L'outil est libre, mais l'utilisation de l'outil peut donner lieu à commerce. Et heureusement. Il faut bien que quelqu'un paie. C'est la même chose pour l'information. Sa diffusion doit être libre mais son accès, quand il s'agit d'une information à forte valeur ajoutée, doit être payante. Je trouve normal de rétribuer quelqu'un pour produire de l'information. Après, c'est une question de prix. Par exemple, je suis abonné au site de Que Choisir parce que leurs essais n'existent nulle part ailleurs. Où est le problème ?  

Une partie des gens sont habitués à lire gratuitement le contenu de certains journaux sur Internet.

Avant Internet, les journaux, les médias avaient le monopole de la parole. Soudain, ils se sont trouvés en concurrence avec leurs propres lecteurs. Tout le monde avait accès à la parole. Il était très compliqué de ne pas suivre le mouvement. La diffusion de ce travail sur Internet a constitué un progrès en termes d'échanges, mais c'est vrai qu'elle a fragilisé les entreprises et perturbé le statut de journaliste. Je crois qu'on est mûr en France pour qu'émerge un nouveau modèle, un modèle payant. Je reçois des informations, mes pages sont débarrassées de l'intrusion publicitaire, je bénéficie d'un certain nombre de services. Je paie. Et je n'ai pas de problème, si cette information se trouve versée rapidement dans le domaine public. 

Comment faire pour combiner cette culture du lien hypertexte et la viabilité d'un modèle payant ?

Je propose que tous les abonnés de MediaPart puissent créer un lien gratuit à partir de n'importe lequel des contenus qui se trouveront sur le site. Ce lien pourra être limité dans la durée, ou dans son nombre de connexions. On pourra aussi dire que ce lien est éternel et l'on fait payer l'abonné ou alors on fera payer celui qui voudra y accéder. Ces choix seront contrôlés par l'éditeur, mais l'abonné conservera sa liberté de faire partager le travail qu'il aura acheté. C'est un système nouveau qui mériterait d'être expérimenté. Encore une fois, il n'y a aucune honte à faire payer quelque chose qui a une valeur. Vous vendrez une information sans l'apport de la publicité, tout le monde comprend ce modèle et ceux qui voudront y accéder s'abonneront. Mais il faut veiller à garder la richesse originelle du web, la diffusion doit rester libre.  

Je suis un dinosaure du Web.

Et je connais, à ce titre, à la fois l'angoisse de finir dans un musée où des personnes comme vous, Gérard Desportes, proposent de m'enfermer et la peur de disparaître d'un monde virtuel qui a subi des bouleversements qui sont, pour moi, catastrophiques.

J'ai vu le jour dans le monde du lien, à l'heure où nous nous tutoyions tous entre nous, non seulement par respect fraternel, mais aussi par économie de bande passante qui, dans sa sagesse primordiale plus que dans sa trivialité, fait qu'un "vous êtes" coûte le double en caractères qu'un "tu es". Nous avions alors et effectivement commencé ensemble à créer une culture du lien, une place grandissante à l'intelligence collective apportant réponses à certaines de nos questions, à certains de nos besoins et donnant un sens à notre communauté. Si l'élite avait fait l'effort alors de nous rejoindre, j'ai la certitude que le monde actuel aurait une toute autre figure. Mais elle nous a, au pire, snobés, au mieux, regardés comme une étrange curiosité.

Avec le progrès technique, l'aube de la démocratisation s'est levée, un nouveau monde est né qui a peu à peu fait exploser le nôtre: celui du clic avec sa propre culture. Ce monde a entraîné la crise médiatique que nous connaissons, cette crise a amené sur le Web une certaine élite qui ne trouvait ou n'avait plus sa place dans les médias classiques. L'espoir renaissait. Il fut, hélas, de courte durée: à notre innocente fraternité, elle a substitué le discours policé. Nous avons dû connaître et subir, pour avoir la permission d'échanger avec cette élite, la modération, nous avons dû réapprendre des règles purement formelles dont nous nous étions libérés avec tant de bonheur. Si cela avait été tout, cela n'eût pas été bien grave mais cette modération a trop souvent servi d'alibi à une censure. Censure qui brise le lien essentiel à l'intelligence collective. Du communautaire, le Web est devenu communautariste, et a fini sectariste.

Tout ceci est très long, peut-être trop long, mais j'avais envie de vous l'écrire pour vous dire que, malgré tout cela, je ne me résigne pas à assister un jour à la naissance sur Internet, parce qu'il ne peut exister ailleurs, d'un lieu où élite politique, intellectuelle, artistique et masse puissent se rencontrer grâce à la médiation de professionnels. MédiaPart est, selon moi, le projet qui s'approche le plus de cette utopie sartrienne. Mais je refuse qu'on m'enferme dans un musée, je refuse qu'un abonnement s'érige en barrière contre cette fameuse exigence radicalement démocratique, je refuse que, pour préserver, sauver la culture du lien, vous abandonniez la culture du clic. Ces cultures doivent et peuvent évoluer pour n'en former qu'une.

L'information a un coût, personne ne dira le contraire. Mais il est important, pour des raisons culturelles, mais aussi pour des raisons éthiques parce que l'information s'adresse, en démocratie, à tout le monde, de faire porter ce côut ailleurs que sur les épaules d'abonnés.

Je suis pour l'information payée par le lecteur, comme seul moyen d'assurer une information indépendante d'intérêts financiers qui s'immiscent partout et peuvent mettre en danger notre liberté politique et le caractère démocratique de nos sociétés.

Je suis tout de même très réticent à l'idée que ceux qui ne paient pas n'aient pas le moyen d'accéder à cette information riche et objective. Cela créerait comme deux espaces d'information: l'un gratuit où les intérêts des annonceurs orientent toute publication, y compris sur les blogs devenus des espaces à 'monétiser', un autre payant, réservé à l'élite volontaire et éclairée, dont le contenu ne serait même pas imaginable par celui qui n'a pas fait le pas d'y accéder, n'a pas eu la chance de faire toute la démarche de réflexion et d'éducation citoyenne qui lui fasse prendre conscience de la fragilité des contenus auxquels il a accès.

Un des moteurs du web 2.0 est, à mon sens, "donne un peu de ton temps et de ton savoir, les autres te le rendront au centuple".

Comme le dit très bien Xandinha, celui qui gagne un temps précieux est content de donner de l'argent. Le temps c'est de l'argent, ça n'a rien de nouveau.

Et si celui qui donne du temps à MediaPart pouvait gagner le droit de le lire ?

Et si celui qui donne de l'argent à MediaPart pouvait avoir le pouvoir d'offrir la lecture d'un article à tous ? y compris à ceux qui ne savent pas à côté de quoi ils passent ?

Pour le passé, je partage vos regrets et vos espérances déçues.

Mais ici, "payer est un bien" que nous nous faisons à tous, nous nous réservons un espace dans lequel nous choisissons de lire et d'écrire avec responsabilité! Poster un billet dans un espace public n'engage pas, et je ne crois pas que les adhérents qui accepteront de payer pour ne pas lire et le plaisir de déverser quelques billets d'humeur seront longtemps nombreux.

Cordialement

Bonjour,
je trouve très intéressant l'exemple donné par Laurent Chemla, qui se dit abonné au site de Que choisir? parce qu'il y trouve des infos qu'il ne trouve nulle part ailleurs.
Il me semble que le débat ne peut se réduire à : l'info doit-elle être payante?
Mais "pour quelle info suis-je prêt(e) à payer"?
Il me semble que le défi d'un site comme Médiapart est de permettre aux internautes non pas de surfer sur l'info,( lire ça ou autre chose , ici ou là, c'est pareil) mais d'ancrer l'info dans la réalité. J'entends par là, une info hiérachisée et contextualisée, suffisamment bien présentée pour satisfiare ma curiosité sur mes sujets de prédilection mais ausssi m'inviter sur des terrains qui ne sont pas ceux vers lesquels j'irai spontanément parceque je n'en mesure ni l'urgence ni l'importance. Un effort de pédagogie ( pourquoi pas avec différents niveaux de lecture et de complexité, dans les liens, renvois, images, etc) me semble indispensable pour permettre à chacun de s'emparer de l'information rapidement, facilement mais pas superficiellement.
Personnellement, j'ai passé beaucoup de temps sur internet, jusqu'au jour où je me suis aperçue que malgré cela je n'étais pas bien informée. Pourquoi ? Parceque l'usage d'internet favorise l'exploration obsessionnelle d'une thématique ou d'une polémique, au détriment d'une vision globale, hiérachisée et sensée de l'information.
Il me semble que si tous les matins, en me connectant sur Médiapart, j'ai l'essentiel de l'actu traitée avec un logiciel neuf (ne feignons pas d'être dupes, ne feignons pas de savoir, ne feignons pas d'avoir des interlocuteurs qui n'oublient jamais que les journalistes sont pressés...), avec des enquêtes que je ne trouverai pas ailleurs, un travail de mémoire ( des nouvelles des nouvelles...), des clefs pour me pencher en 5 minutes sur un thème, quelques astuces pour créer du lien, le soir, et le sentiment d'appartenir à une communauté qui vit et respire, je m'abonne pendant des années !

Cher dinosaure,

J'étais membre du conseil de surveillance du journal Libération quand celui-ci décida de mettre ses contenus rédactionnels en ligne, les débats y furent vifs, et malgré mes doutes sur l'opération, Libération fut le premier des "grands" organes de presse a donner sur le support numérique ce qu'il vendait le lendemain sur le papier. Il aurait eu tord de ne pas le faire. C'était il y a un siécle, en 1995. La planète Web s'honorait d'avoir dix millions d'ordinateurs connectés. J'ai été ensuite responsable de Libération.fr jusqu'en 2001. Je me considère donc de l'histoire que vous nous racontez là. Si vous en êtes d'accord, j'appartiens au même troupeau que vous et -à ce titre - je vais vous parler franchement.
La culture du clic dont vous parlez, je croyais l'avoir subie au-delà de ce que vous pouvez imaginer, parce qu'il fallait en faire des clics pour grapiller de la pub, surtout que Le Monde et TF1 ne tardèrent pas à rappliquer dans le décor. Mais c'était rien à côté de ce que vivent ceux qui ont pris la suite.
Au début, on ne parlait pas en "visiteurs uniques", en clics, on parlait en liens hyper-textes. Le rêve, c'était le lien. C'est à dire la rencontre, le partage et je suis d'accord avec vous pour continuer de rêver.
Mais que s'est-il passé? Ces sites d'information dits de "qualité" ( sauf le Figaro qui progresse) ont stagné en termes d'audience, rattrapés par d'autres ( Google notamment). Nous avons assisté à une uniformisation de l'information ( pour un Rue 89, combien de blogs bavards et de sites approximatifs?), une certaine concentration, une chute de la qualité des forums par une absence ou une externalisation de la modération...et les supports papier de ces journaux ( Libé, Le Monde,...) ont vu leur audience s'éroder.
A titre d'exemple, je vous encourage, cher reptile, à reprendre les posts publiés il y a un mois à l'occasion du faux diplôme de Rachida Dati dans des colonnes pourtant établies pour leur sérieux et les valeurs humanistes qu'ils défendent.Consternant.
Voilà pour moi où mène le clic, la gratuité et la recherche de la pub par l'audience à tout prix. Ce sera toujours moins. De qualité, d'intérêt, de dignité.
Alors vous parlez de la barrière du prix. La guerre sur le prix est une guerre juste si le coût d'un bien ou d'un service n'est pas en adééquation avec sa valeur. Mais si un bien ou un service a un coût, notamment s'il n'y a pas de monopole, pourquoi n'aurait-il pas un prix?
Je ne vois pas le problème. Je ne comprends pas vos raisons culturelles ou éthiques. "Faire porter le coût ailleurs"? Je suis prêt à discuter avec vous de ce que cela veut dire...concrétement.
Je vous quitte cher dinosaure. Le premier qui rêve réveille l'autre.

Vous avez une expérience du Web assez exceptionnelle, cher Gérard. N'y voyez aucune flagornerie, ceci est un simple constat. Et c'est riche de cette expérience que vous pouvez réussir à faire la différence. Elle vous sera utile pour éviter les erreurs du passé. Vous n'avez pas à craindre la culture du clic tant que vous avez conscience des limites qu'il ne faudra pas dépasser, vous êtes la garantie que MediaPart peut produire une information de qualité sur un site attractif. Mais il vous faudra passer par le financement par la publicité. Inévitablement. Et il faudra le faire au plus tôt. Je vois plusieurs raisons à cela:

- La raison culturelle: la gratuité est un principe sur le Net, que cela soit pour les anciens du liens ou pour les nouveaux du clic. On ne lutte pas contre une culture, on l'accepte. Tous les exemples de sites payants fournis ici par François Bonnet, dans son dernier article, ont aussi une vitrine presse ou autre que MediaPart n'aura pas. Je vous parlerai, moi aussi, franchement: je doute que dans ces conditions vous arriviez à obtenir un nombre d'abonnés suffisant à la concrétisation de vos ambitions.

- La raison éthique: faire payer des individus pour une information sur une façon de mieux consommer, de mieux gérer son patrimoine ne me semble pas problématique. Mais MediaPart a surtout vocation à délivrer une information politique. Cette information doit donc s'adresser au plus grand nombre. Et j'ajouterai, particulièrement dans le contexte actuel. Je ne connais pas personnellement Edwy Plenel mais j'ai, de plus, comme l'impression qu'il y a chez lui une réelle volonté de faire en sorte que MediaPart puisse à terme peser dans le monde médiatique. Cela ne se fera pas si MediaPart reste un site confidentiel.

- La raison médiatique: chaque média a sa propre place, sa propre spécificité. L'interactivité est celle du Web. Et elle n'est pas encore exploitée à fond. Il vous faudra innover, trouver un nouveau rythme , de nouveaux concepts pour proposer autre chose que ce qui est aujourd'hui proposé sur le Web (et qui reste assez uniforme) et pour ainsi vivre plutôt que survivre.

- Le raison technique: la publicité sur le Web a fait d'immenses progrès. De pollution visuelle, elle est parfois devenue un régal pour les yeux. Vous aurez le choix, vous pourrez choisir ce qui correspond le mieux à votre site, à vos internautes. Le libéralisme économique contribue à une offre publicitaire telle que c'est lui qui garantira votre liberté éditoriale.

Attention!

Je commence déjà, après une seule petite semaine, à regretter
de m'être jeter de suite dans une aventure aux contours flous.

L'idée est belle. Je la soutiens.
Et 9 euros en attendant le lancement final, pour ceux qui peuvent
se le permettre, le jeu en vaut la chandelle.

En tous cas, de mon côté, je suis prêt à perdre 9 euros,
car si l'essai est transformé, alors j'en serais ravi.

Maintenant... prenez garde tout de même à ne pas aller trop loin dans
vos justifications. Le débat n'en a que trop duré. Le sujet devrait être clos.

Au delà, vous prenez des engagements que vous ne pourrez tenir.

"Vous payez, mais ce sera pour un très grand journal de très haute
qualité. etc etc".

Nous ne sommes pas des lanternes mais ne nous prenez pas pour des
vessies.

Que ceux qui ont envie de payer payent.
Nous payons pour voir.

Nous vous laissons 4 mois.

Montrez nous.

Et merci d'avance pour les efforts qui seront fournis.

La gratuité est peut-être un mythe. C'est surtout une perception de la part des utilisateurs et cela ne date pas de l'Internet. La radio, la télévision ont été les premiers médias à proposer de l'information "gratuite". Il faut écouter les utilisateurs. Ils ne veulent majoritairement plus payer l'information, fût-elle de qualité. Ceux qui sont prêts à payer sont sans doute très peu nombreux. Il faut d'ailleurs "qu'ils en aient pour leur argent" c'est à dire que la valeur ajoutée de leur journal (en ligne ou pas) soit très importante. Il doivent trouver là 'linformation qu'ils n'auront pas ailleurs. Par ailleurs les abonnés (ou adhérents) ça ne vient pas tout seul. Les premiers oui, par curiosité, par bouche à oreille, par viralité... il faut ensuite fidélsier ces derniers, les choyer, leur apporter leur pain quotidien d'informations exclusives et originales. Et puis les autres il faut aller les chercher. Pour cela il est nécessaire d'utiliser les outils de marketing et de vente comme le fait la presse papier mais de manière différente. Dans une aventure comme Médiapart il va falloir être imaginatif non seulement sur les aspects éditoriaux mais aussi sur les aspects "business" (ce n'est pas un gros mot, c'est vital). Vous savez combien d'abonnés à le site de Que choisir ? 35.000 (source Que Choisir) et ça plafonne. Ils ne lésinent pas sur les incitations à recruter des abonnés et ce depuis plusieurs années. C'est une réalité, il est extrêment difficile de faire payer l'information sur le WEB.

Juste une brève réponse concernant QueChoisir:
Je suis abonné, et c'est presque uniquement parce que j'oublie de me désabonner d'un mois sur l'autre.
Car à mon sens, c'est un site qui ne propose aucune valeur ajouté à l'abonné, si ce n'est l'accès à des archives sans se déplacer.
L'information pourrait y être bien plus riche, détaillée que sur le support papier (forcément limité par sa pagination), le dialogue avec les internautes et leurs contributions pourraient être bien plus animées (combien de forums sur internet sont farcis de conseils d'achats et de comparatifs produits par exemple ? ceux de QueChoisir sont bien squelettiques en comparaison).
Mais rien de tout cela. Juste un labyrinthe avec beaucoup d'articles surannés dans lesquels la recherche de la nouvelle fraiche est souvent laborieuse.

Je serais plus curieux de savoir combien d'abonnés à lemonde.fr . Ca me semblerait plus comparable.

Commentaire gratuit: Un journaliste mange tous les jours.

Le magazine Marianne n'était pas cher au début.
Aujourd'hui, il n'a pas de prix je ne peux plus m'en passer !
Aujourd'hui, soutenir "un journalisme totalement indépendant, de qualité, et dans le cadre d’un site participatif" pour 9 euros par mois (ou moins) est un pari sans doute gagnant.

Et demain, il n'y aura pas assez de publicité pour tout le monde.

Le modèle gratuit... Un mythe ?

En précisant "pour les sites d'information"... Je suis d'accord, car la publicité et surtout les publicitaires influencent fatalement la qualité et l'indépendance des articles.
C'est d'ailleurs la raison de mon soutiens à ce projet... Un espoir (peut-être naïf) d'y trouver du vrai journalisme.

Mais vous semblez généraliser...

La notion de "gratuité" pour l'utilisateur repose sur le fait qu'il ne paie pas... Et la publicité, comme moyen de financement, est parfaitement légitime si elle ne pervertie pas le service.

De nombreux services Internet restent excellent en reposant sur ce modèle.

J'avoue "prêcher pour ma paroisse" en étant fondateur d'un site reposant sur ce modèle... Mais j'y crois fermement :-)

Si vous voulez réussir et être différent, vous devez absolument mettre en place un contrôle qualité des articles. Celui-ci il va à l'encontre du journalisme éclairé prôné par Mediapart. Ici l'interviewer ne connaît pas suffisamment le sujet pour poser les questions pertinentes qui pemettrait de casser le mythe que Laurent Chemla tente de promouvoir.

Car, entre terme de vente de noms de domaine La réalité est que les ventes s'y effectue dans un marché organisé où certains privilégiés acquièrent très chèrement un droit de vente, ventes qu'ils organisent grâce à des revendeurs comme Gandi qui servent d'interface avec le client final. Le système marche parce que le client est captive, il n'a pas le choix : pour déposer un nom de domaine, il doit passer par ceux-là.

Mais pour la Presse, pas de client captif, sauf ceux qui se sont engagés par leur abonnement.

Pour Médiapart c'est s'engager sans savoir la qualité de ce qu'on achète! Pour l'instant, Mediapart met en oeuvre une entreprise de séduction, mais les discours, les manières et les contenus semblent toujours et étrangement les mêmes. L'attachement au modèle papier semble indépassable et freine la compréhension de l'éco-système internet. Il faut tout revoir de fond en comble, faire sa révolution pour permettre un modèle économique viable. Peut-être qu'en guise de révolution préparez-vous un chemin inversé : de l'Internet vers l'édition papier?

Excusez-moi d'être si rude mais pour réussir il faut accepter une critique sans complaisance.

La gratuité existe, je l'ai rencontrée... mais est-ce bien la question ?

Le choix éditorial qui a été fait en titrant l'entretien avec Laurent Chemla « La gratuité des sites est un mythe » est quelque peu irritant, d'autant plus que ce choix s'inscrit dans le contexte d'une posture inutilement défensive de MediaPart quant au modèle économique du projet, qui fait obstacle me semble-t-il à l'émergence d'un débat autrement plus intéressant sur ce pour quoi l'on paye, et l'usage qu'on peut en faire.

Je ne trouve pas choquant qu'on me propose de payer 9 € par mois pour accéder à volonté à une information « indépendante et de qualité » produite par une équipe de professionnels salariés. C'est une proposition commerciale que j'accepte ou refuse, mais dont je n'aurais pas l'idée de discuter le principe. D'ailleurs, pendant des décennies, j'ai consenti à payer nettement plus pour recevoir sur support papier une information dont l'indépendance et la qualité n'ont pas toujours été garanties.

Produire cette information a de toute façon un coût, et l'équipe MediaPart a choisi de couvrir ce coût en reproduisant le modèle de la presse papier. Pour autant, d'autres modèles sont possibles, même s'ils sont peut-être moins adaptés à ce projet précis, et en nier l'intérêt voire l'existence est un peu vain.

Outre le financement intégral par la publicité, dont les inconvénients ont été largement évoqués sur ce site, il y a par exemple des modèles reposant sur la contribution financière volontaire et optionnelle des utilisateurs et/ou le mécénat pour couvrir les coûts de l'infrastructure matérielle et informationnelle, et sur la contribution non rémunérée en connaissances et compétences d'une communauté pour produire le contenu : c'est le modèle de nombreux projets dans le monde du logiciel open source, ou de Wikipedia.

Au contraire, dans le projet Public Library of Science, ce sont les producteurs de contenu qui paient pour être publiés, c'est-à-dire pour bénéficier de la plus-value du processus éditorial (revue par les pairs, etc.) et de la visibilité que procure la publication, l'accès aux articles publiés étant ensuite libre et gratuit.

Quant à l'éditeur Inventaire/Invention, il réussit depuis plusieurs années à équilibrer la mise à disposition gratuite en ligne d'oeuvres littéraires courtes et la vente de ces même oeuvres en librairie, les deux modes de diffusion s'émulant plutôt que s'excluant.

Tout cela pour illustrer le fait que si la gratuité absolue est sans doute un mythe, puisque comme l'indique Laurent Chemla, toute production a un coût, je ne le suivrai pas lorsqu'il affirme dans la foulée « ...donc un prix. », en tout cas s'il entend par là un prix que tout utilisateur doit payer en espèces sonnantes et trébuchantes. Dans les quelques exemples que j'ai cités, la gratuité d'accès et d'utilisation de la ressource est bien réelle.

Plutôt donc que de pourfendre inutilement le « mythe de la gratuité », il serait préférable d'assumer le choix du modèle économique de MediaPart, qui est peut-être le mieux adapté à ce projet précis, et se saisir des questions et propositions que formule Laurent Chemla dans la dernière partie de l'entretien : il est prêt à payer pour la production d'une information de qualité, et en même temps, à mettre gratuitement à disposition une part de cette information qu'il a pourtant achetée ! Voilà qui peut paraître irrationnel dans une logique purement marchande appliquée à des biens matériels.

Mais il s'agit là de bien informationnels, dont la duplication et le partage non seulement ne coûte rien mais de plus ne diminue pas la valeur de l'original, tout au contraire : dans le cas précis de MediaPart, pouvoir diffuser librement un article de qualité pourra éventuellement attirer de nouveaux adhérents, de nouveaux contributeurs, et en tout cas élargir la diffusion et le débat d'idées, sans pour autant spolier de quoi que ce soit les actionnaires et les payeurs.

La possibilité de diffuser librement les articles ne rendra pas l'adhésion payante moins séduisante (au contraire), si celle-ci offre des services à forte valeur ajoutée comme cela est esquissé dans la description du projet : accès à l'intégralité du site, y compris des archives avec un moteur de recherche performant, accès à un fil d'agences de presse, à des liens pertinents, possibilité de participer au contenu dans un cadre structuré et animé, etc.

Il reste néanmoins une importante zone d'ombre, dans la description du projet, sur la question sensible du rapport entre le « dedans » - ce à quoi ont accès exclusivement les abonnés - et le « dehors » - ce qui de MediaPart sera accessible librement et gratuitement, car je n'imagine pas que l'entreprise soit viable sans une vitrine bien garnie et des échanges intenses avec le monde extérieur.

Merci à l'équipe de MediaPart de nous en dire plus à ce sujet, cela rendra sans doute le débat sur la gratuité vs. les 9€ mensuels sans objet...

Vous avez parfaitement posé le probléme de l'information sur internet, et il l'a été également évoqué dans les différents posts.

1-L'accroche de l'article ne concerne que le modèle économique de Gandi

2-Médiapart est une initiative de journalistes qui viennent de la presse et qui raisonnent avec un modèle économique et professionnel qui date d'un pouvoir economico-médiatique dominé par la presse papier.

3-Si le projet de production d'une information qui ne soit pas le seul reflet de communiqués de presse mais qui soit une vraie presse d'opinion libre et contradictoire j'adhère, comment ne pas adhérer !

4-Il existe une presse magazine qui s'appelle Marianne qui a fait appel à ses lecteurs pour fonder l'actionnariat de départ et qui pour moi rentre parfaitement dans le point 3 ci-dessus.

5-Personnellement le modéle économique sur lequel vous êtes parti - payer pour voir - lire , sur internet est livré à l'échec avant même de commencer et nous sommes vous l'avez lu plusieurs à faire cette analyse.

6-Voila une suggestion, je vous l'accorde avec une vue très extérieure à votre projet :

>je serai prêt à devenir un petit actionnaire d'une structure journalistique qui inscrirait dans ses statuts " la garantie absolue de rester une presse d'opinion libre et contradictoire, quelque soit les difficultés rencontrées"

>Je ne paye plus pour voir je paye pour faire et je serai fier d'avoir contribuer à ce projet, et c'est complètement différent.
Actionnaire du projet je suis conscient de la nécessité de la viabilité du projet.

>Je ne suis pas par principe opposé à la publicité, je suis opposé à la subir et en plus à subir celle qui ne m'apporte rien.

>Je vous donne donc ici des pistes déjà utilisées où les messages des annonceurs peuvent être , notés, évalués, validés, par les actionnaires et/ou lecteurs de Médiapart.
La puissance que vous donnerait ce systéme ( en y mettant bien sur des garde-fous) poserait Médiapart en sélectionneur des annonceurs et non pas l'inverse. (ceux qui voient votre Pub l'ont choisi et pas uniquement avec une case à cocher)

>Ce systéme de financement adossé à d'autres comme effectivement des dossiers spéciaux ( édition papier car on ne peut pas lire ou voir un reportage scotché à son écran pendant des heures) commandés en Ligne, à recevoir chez son libraire ou marchand de presse du coin de la rue, vous permettrait j'en suis intimement persuadé d'avoir une totale indépendance.

>D'autre part il vous faut intégré immédiatement la dimension vidéo reportage, car sinon les sites comme Dailymotion, Youtube, vous distanceront, donc il vous faut des moyens.
De plus la vidéo est l'accroche émotionnelle obligée ,aujourd'hui, pour guider l'internaute vers des textes d'une lecture plus approfondie.

Si j'ai pu contribuer à faire évoluer votre débat interne, merci quand même de nous le faire savoir.

Une proposition "utopiste" ou "naïve", vous me direz ?

Si l'on doit payer, payons. Personnellement, je n'ai pas les moyens aujourd'hui de verser 5€ par mois soit 60 euros par an car je souhaite aussi continuer d'acheter aussi souvent que possible des quotidiens, de la presse magazine (veillons aussi au pluralisme), des livres, mais aussi du pain, des légumes... Bref, moi, précaire, l'abonnement ne me correspond pas. Ceci dit, je veux bien comprendre qu'il s'agit là d'un moyen quasi essentiel pour assurer la pérennité d'un tel média.

J'imaginais quelque chose d'autre : n'avons nous pas aujourd'hui les moyens d'estimer (de "prévisionner") le coût minimum permettant de rendre Médiapart pérenne. En gros, à partir d'une fréquentation moyenne estimée, combien faudrait-il que chaque internaute paye pour "payer tout le monde" ? Si cette somme est affreusement élevée ou ridiculeusement basse, pourquoi - de toute façon - la cacher ? Et, pour finir, n'y aurait-il pas un moyen, de régulièrement augmenter ou diminuer l'offre (d'abonnement, ou de coût d'achat à l'article), c'est-à-dire de la réévaluer en étant bien-sûr aussi "juste" que possible, c'est-à-dire au "prix le plus bas possible" compte-tenu à la fois des frais fixes, et du nombre de ceux qui auront pu, ou pourront (dans quelle mesure pourrait-il y avoir rétroactivité) mettre la main à la poche pour l' "intérêt général".

Ce n'est pas seulement compter sur la générosité de quelques uns. C'est plutôt rendre les internautes "responsables" de la pérennité (également économique) d'une aventure. J'imagine que cela ressemblerait un peu à une "mutuelle" mais dans le domaine du journalisme...

Blind

Je paie 9€ pour voir.
Une question tout de même: comment va fonctionner la rédaction? De qui sera-t-elle composée et comment sera-t-elle structurée?

Amitiés

MY