Cuba: l'après-Castro est minutieusement organisé pour sauver le régime castriste

19/02/2008Par

À 81 ans, Fidel Castro a annoncé, mardi 19 février, son désir de ne pas être reconduit à la tête de Cuba. Ce faisant, il poursuit la transition, initiée il y a un an et demi, qui permettra au castrisme de survivre sans lui.

Si Fidel Castro voulait quitter le pouvoir - ou cette planète - sur un coup d’éclat retentissant façon «Après moi le déluge !», il a raté sa manœuvre en beauté. Si, au contraire, le Caballo entendait transmettre paisiblement le pouvoir à ses héritiers, habituer les Cubains à son absence, perpétuer le socialisme tropical, désespérer les Américains et peut-être s’offrir une retraite tranquille de vieux sage à la Mandela, il a réussi au delà de toute espérance.

Il y a moins d’un an, les gardes-côtes américains répétaient pour la seconde fois l’Opération Vigilant Sentry (Sentinelle Vigilante). Leur objectif : parer à une immigration massive de Cubains fuyant une île à feu et à sang pour se réfugier en Floride, ou venir récupérer leurs proches ; et empêcher, dans l’autre sens, les Cubains-Américains de voguer vers La Havane pour tenter de prendre le pouvoir par les armes. Ces manoeuvres se fondaient sur un scénario précis : la mort de Fidel Castro allait provoquer un vide du pouvoir et une période de chaos.

Aujourd’hui, on ne peut que sourire face à ce scénario-catastrophe tellement éloigné de la réalité. Non seulement le vieux Caïman n’est pas mort en dépit d’une grave maladie dont le détail n'a toujours pas été rendu public. Mais il a su s’effacer sans que son enfant chérie, la Révolution Cubaine, ne soit illico démembrée. Non seulement Fidel Castro a inventé une forme particulière de totalitarisme communiste pendant près d’un demi-siècle, mais il a également imaginé une passation de pouvoir sans équivalent dans les pays de l’Est et la Russie post-1989.

«Il faut bien comprendre que la transition à laquelle nous assistons a été préparée dans le détail, insiste Jeannette Habel, spécialiste de Cuba à l’Institut des hautes Etudes de l’Amérique Latine. La maladie a précipité son déroulement, mais le scénario de la passation de pouvoir à Raúl Castro était écrit depuis longtemps.» De fait, après le « choc » de la maladie, annoncée le 31 juillet 2006, la partition de l’éclipse progressive a été jouée à la perfection. La transmission «temporaire» du pouvoir à son frère, les images le montrant en vie mais affaibli, les faux espoirs savamment entretenus de le voir apparaître à telle ou telle commémoration (anniversaire de la Révolution, de la mort du Che…), les rencontres télévisées avec Hugo Chavez, les lettres récurrentes dans le quotidien Granma sur tous types de sujets, sa candidature aux élection parlementaires en janvier, et le renoncement final à la présidence du Conseil d’Etat et au commandement des forces armées… Tout ces éléments ont fait partie d’un effacement progressif, destiné à accomplir la mue de Comandante en Jefe en paisible retraité de la révolution.

Même le tempo de cette ultime annonce, qui tranche l’un des derniers liens institutionnels du Vieux avec le gouvernement, n’est pas dû au hasard, selon Jeannette Habel. «En annonçant, cinq jours avant l’élection de dimanche, qu’il ne veut surtout pas être élu, il désamorce tout désordre potentiel de la part de ses fidèles qui renâcleraient à se ranger derrière Raúl. Ensuite, il donne des gages à la société civile émergente, et notamment aux jeunes qui réclament du changement. Enfin, son départ lui permet de ne pas être associé aux réformes économiques en cours dont il n’a jamais été un chaud partisan.»

Ce faisant, il continue à jouer son rôle préféré d’épine dans le pied du voisin américain. Les récentes élections primaires américaines en Floride ont permis de constater que la plupart des candidats à la Maison-Blanche sont toujours aussi obtus sur la question de l’embargo et de la politique à l’égard de Cuba. Mais, en se retirant du jeu officiel, Fidel fait mine de tendre une perche aux Etats-Unis. «Vous avez toujours clamé que vous ne vouliez pas discuter avec le Diable, leur dit-il en substance. Maintenant que je pars, vous n’avez plus de raison de vous réfugier derrière cet argument. Venez causer !» Une fois de plus, Fidel Castro met le pied sur le tuyau des élus américains qui rejouent sans cesse l’arroseur arrosé. Et, au passage, il donne un coup de pouce (ou un coup de pied ?) à Barack Obama, le seul des candidats à accepter le principe de discussions avec les «ennemis de l’Amérique»: Cuba, Iran, Corée du Nord.

Aujourd’hui, tous les spécialistes de l’île sont convaincus qu’une libéralisation économique très limitée, très contrôlée et très encadrée est en marche afin de desserrer la pression qui pèse sur les onze millions de Cubains. L’ouverture politique, elle, reste incertaine et peu probable dans un avenir proche. Quelques  mesures visant à lâcher du lest, comme la libération récente de quatre opposants, verront le jour, mais certainement pas d’avantage.

Au final, Fidel Castro s’est arrangé pour échapper au travers qu’il avait tant dénoncé en tant que jeune avocat, mais auquel il avait succombé, le caudillismo, règne sans partage du chef militaire charismatique et populiste. En se retirant le Lider Maximo garantit, pour le meilleur et pour le pire, selon le regard que l’on porte sur son régime, que sa chère révolution lui survivra.

l'embargo des etats-unis d'amérique est considéré par les instances internationales compétentes comme un acte de guerre,vous semblez l'oublié,ajouté à ça, les dizaines de tentative d'assassinat de fidel castro, plus l'attaque de la baie des cochons,les sabotages divers et variés sur le sol cubain,expliques en grandes parties les méfiances du régime en direction d'une certaine ouverture à une opposition organisée. fidel castro est considéré en amérique latine comme un héros par les gens qui vivent de leur travaille 'ainsi que de la gauche des pays de l'amérique du sud y compris les dirigeants
socialistes de ces pays.pensez-y plus souvent et demandez vous pourquoi!si je peux vous suggérer une piste,comparez cuba, avec haïti, saint- domingue ,et quelques autres etats que je vous laisse le soin de chercher.

Bravo pour cet article sans complaisance. S'il fallait définir castro comme un héros parce les gens qui n'ont connus que lui le considèrent comme un héros, alors nous aurions tout faux. je rappelle que c'est le propre des dictateurs d'être acclamés et pleurés par leur peuple. Et s'il fallait comparer le régime de Fidèl à toutes les dictatures existantes pour atténuer ses excès nous oublirions sans doute qu'il existe des petits pays où le pluralisme es une réalité en politique, où le peuple est composé de citoyens qui peuvent voter librement... Cuba n'était- pas seul en lutte contre un ogre américain...La russie n'était pas loin. Et si effectivement les tentatives d'assassinats et autres coups d'Etats expliquent les excès du régime, ne doutons pas que les histoires de héros, d'axe du bien et du mal n'est pas propre à la réthorique américaine, c'est une réthorique bel et bien partagé par Fidèl.

kairos

La thèse de la forteresse assiègée comme justification de la dictature semble inhérente aux régimes qui se veulent révolutionnaires...