Lettre de Mathieu Amalric aux César : Canal Plus se défend de toute « censure »

24/02/2008Par

Mathieu Amalric a reçu, vendredi 22 février, le César du meilleur acteur pour son interprétation dans Le Scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel. Retenu à Panama sur le tournage du prochain James Bond, l’acteur, déjà récompensé trois ans plus tôt pour son rôle dans Rois et Reine d’Arnaud Desplechin, avait fait parvenir un texte de remerciement, dans l’éventualité d’une nouvelle victoire. Il avait également demandé à l’animateur de la cérémonie, Antoine de Caunes, de le lire lui-même, ce qui fut fait. Problème : la lecture a été tronquée.

L’intégralité du texte, mise en ligne dimanche sur le site des Cahiers du Cinéma, montre que les deux paragraphes passés à la trappe sont également les plus politiques. Amalric y vante notamment le travail des salles de cinéma indépendantes, ce « travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et ont envie de faire tellement d'exploitants de salles (et qui) se voit de plus en plus nié aujourd'hui ». Allusion directe à l’actuel climat d’hostilité de certains grands groupes à l’égard des exploitants indépendants, mais aussi à la grogne de beaucoup de professionnels face à la menace d’une forte réduction des subventions allouées, en région, aux festivals de cinéma. « Mathieu m’a appelé, il était très en colère. Il voulait faire passer des idées qui ne sont pas simples à faire passer dans une telle soirée. Les idées les plus chères à ses yeux ont été coupées. Nécessairement, il se pose la question de la censure… », raconte le réalisateur Nicolas Klotz, qui a fait tourner Amalric dans La question humaine (2007).

A Canal Plus, la chaîne productrice de la soirée, on nie toute volonté de censure. « Les coupes qui ont été décidées n’ont rien à voir avec le contenu politique des dernières lignes du texte », affirme Michel Denisot, directeur artistique de la cérémonie, à Mediapart. Renaud Le Van Kim, producteur exécutif, confirme : « Mathieu Amalric nous a appelés dans l’après-midi pour faire savoir qu’il enverrait un texte. L’assistante de son agent, Jean-François Gabard, n’a réceptionné son mail que vers 22 heures 30. Le texte est arrivé entre mes mains alors que le prix allait être décerné dans six minutes. Il a fallu retaper l’ensemble pour qu’Antoine de Caunes puisse le lire confortablement, en gros caractères. Et il a fallu couper, avec Laurent Chalumeau, parce que c’était très long. L’ensemble a été fait en accord avec son agent. Je pensais au contraire que Mathieu Amalric nous remercierait de nous être adaptés de la sorte en cours de soirée… ». Dimanche en fin d’après-midi, l’agent de l’acteur réalisateur n’avait pu être joint pour confirmer cette version.

L’incompréhension prévalait dimanche, au sein du bureau de l’Académie des César, présidée par Alain Terzian, qui n’a semble-t-il pas été prévenu de la décision de raccourcir le texte d’Amalric. Une réunion extraordinaire du bureau a été convoquée lundi pour prendre position sur l’affaire, selon une source proche du dossier.

Ponctuée de quelques piques à l’encontre de Nicolas Sarkozy (notamment le mot de la fin de de Caunes promettant à l’ensemble des nommés « le Fouquet’s, des plats chauds et un grand concert à la Concorde avec Faudel et Mireille Mathieu »), la 33e édition des César n’a finalement offert qu’un très petit espace d’expression aux mobilisations en cours. Rien d’équivalent à l’ample tribune de Pascale Ferran, l’an dernier, qui s’était inquiétée du fossé grandissant entre l’économie des films d’auteur et de ceux à gros budgets. Pourtant, chose rare, quelque 200 salles indépendantes ont gardé portes closes en France vendredi soir, en signe de protestation contre la volonté du ministère de la culture de réduire les subventions régionales au cinéma. Un texte s’alarmant de la situation, signé par bon nombre d’associations de professionnels, devait être lu au cours de la cérémonie. Mais l’intervention a été annulée in extremis, faute d’accord entre l’Académie et la Société des réalisateurs français (SRF). La polémique autour du texte tronqué de Mathieu Amalric aura peut-être ce mérite-là : faire parler d’une mobilisation qui peine pour le moment à être entendue.

oui malheureusement cette réduction drastique des subventions allouées à la culture n'est pas encore clairement visible du grand public
les salles de théâtre et les compagnies sont parfois violemment touchées
(70, 80, voire 100% de réductions de budgets!)
ces réductions sont généralement annoncées par téléphone et les motifs ne semblent pas correspondre à des critères identifiables
les acteurs culturels du 93 se mobilisent
mais la guerre à l'intelligence semble déclarée,
en tous cas la guerre à la démocratisation de la culture

C'est toujours pareil, des acteurs qui réclament (et obtiennent) des millions d'euros pour faire leur travail donnent des leçons de moral. Madame Jeanne Moreau a touché un cachet monstrueux pour son rôle dans un téléfilm récent (les rois maudits) et vient ensuite pleurnicher à la télévision. Subventions, subventions, subventions.... la culture française n'est-elle estimée qu'à la hauteur de ce que les contribuables lui donnent ?

Un peu fatigué de lire toujours les mêmes contre-vérités façon café du commerce. Les subventions vont à des associations ou des organismes sur des projets (festivals, formation, animation de salle, etc.). En matière de cinéma, les aides sur les films sont des aides économiques à la production qui sont une redistribution de l'argent généré par le compte de soutient. Argent qui n'est PAS de l'argent public mais une part prélevée sur les recettes des films en salle (plus certains dispositifs comme les taxes sur la copie privée). En d'autres termes, c'est la richesse produite par la profession qui génère les aides de la profession. C'est un système original et efficace qui a fait ses preuves.
Madame Moreau et monsieur Amalric reçoivent donc un salaire en échange d'un travail, comme n'importe quel autre employé et ce salaire fluctue en fonction du succès de ce travail. Rassurez vous donc, ils ne se la coulent pas douce avec votre argent. Et compte tenu de ce qu'ils doivent payer comme impôt (au vu de leur succès respectifs) il y a plus de chance que ce soit vous qui leur soyez redevable. D'autant que ce ne sont pas eux qui cherchent l'exil fiscal en Belgique ou en Suisse si vous voyez ce que je veux dire.

Bonne journée.

Nous sommes cependant confrontés à la confusion entre argent public et argent privé, en particulier avec le détournement du statut des intermittents des spectacles par des producteurs privés . Il faut sans doute protéger l'exception culturelle Française mais nous sommes face à la révolution numérique qui modifie radicalement l'accés à la culture. Il faut en tenir compte.

C'est vrai que le procédé est petit.
Ce texte était court, s'il (M. Amalric) avait pu être présent, il l'aurait dit lui-même sans qu'on l'arrête et il a dû se sentir manipulé. Et A. De Caunes, a été complice malgré lui.
Surtout qu'il était presque plus "subversif" de s'allumer une clope sur scène !
On est à l'ère de la censure molle.

Sans être puriste, je constate que certaines fautes d'orthographe brouillent parfois les messages de leurs auteurs.

Quand Ludovic Lamant parle de "pics à l'encontre de Nicolas Sarkozy", évoque-t-il des sommets, des moments forts ou des allusions moqueuses ou blessantes ? Veut-il dire que les quelques piques citées ( allusions au Fouquet's...) ont constitué les moments forts de la 33ème édition des Césars ?

Les "leçons de moral" dont nous parle Yves Robert visent-elles bien à améliorer l'état psychologique de leur destinataire ? N'auraient-elles pas plutôt comme but de faire évoluer ses règles de conduite ?

Soyons donc tous vigilants, faisons l'effort de nous relire attentivement pour transmettre notre pensée de la manière la plus précise. C'est un problème de respect des autres et de soi-même.

Oui, c'est juste : je m'empresse de corriger cela.
Merci. Ludovic

Je suis tout à fait d'accord avec vous : si l'on souhaite transmettre un message clair on a tout intérêt à le formuler avec des mots justes et apropriés. La langue est notre outil de communication, mais pas seulement : elle est aussi un outil de construction de la pensée. et d'émancipation. Je vous remercie de placer le débat sur cette question, ce que je n'osais pas, bien que régulièrement gênée au cours des lectures de certains commentaires.

kairos

N'est-ce pas "appropriés" qu'il faut lire? Sans rancune..

oui mille excuses