Neuf ans après, le meurtrier d'un sans-abri est condamné à un an de prison ferme

12/02/2008Par

Le verdict a stupéfié les associations d’aide aux sans-abris et n'a pas intéressé les médias. Pour avoir tué un SDF, un agent de nettoyage du métro lillois vient d'être condamné à un an de prison ferme et quatre ans avec sursis.

 
« On ne demandait pas la perpétuité, explique calmement Patrick Pailleux, de l’ABEJ (Association baptiste pour l’entraide et la jeunesse). http://www.abej-lille.com Mais il a quand même tué quelqu’un, et d’une façon moralement extrêmement choquante. »

Le verdict, qui date de fin décembre 2007, n'a été appris qu'avec retard par les associations, et au terme d'un procès demeuré confidentiel. Les faits, eux, remontent au 23 juin 1999. A 1 heure du matin, Hervé Lahaye, un SDF handicapé mental d’une cinquantaine d’années, dort dans le métro lillois. Des agents d’une société de nettoyage le jettent dehors de force. Hervé Lahaye, aviné, revient s’adosser à la porte du métro fermé. Mais les agents ne veulent pas qu’il reste dormir là. L’un d’eux va chercher dans le camion de la société de l’alcali, un ammoniac puissant, et jette le composé chimique sur ou autour du clochard, sans qu’il soit vraiment possible de le préciser. «Il en a juste versé à proximité de Hervé Lahaye pour le faire fuir, certifie Hervé Corbanesi, l’avocat de l’agent. Mon client n’avait pas du tout la haine des clochards, il les aidait même parfois en leur offrant une cigarette.» 

Toujours selon son avocat, «ce chef de service zélé et toujours très bien noté», âgé de 45 ans au moment des faits, aurait ressenti ce soir-là «le besoin impérieux de rendre la place nette. Or l’homme représentait un obstacle à son travail bien fait». Selon l’avocat, le SDF, «très alcoolisé», se serait endormi. Puis dans son sommeil, il se serait roulé dans la flaque du produit. Au petit matin, un Lillois découvre Hervé Lahaye mort, étouffé par les vapeurs du produit, la peau brûlée.


Une enquête est ouverte. Quelques mois plus tard, l’agent de nettoyage, qui ne s’était pas présenté à la police, est placé en détention provisoire, poursuivi pour homicide, puis libéré au bout d’un an. La juge d’instruction «égare» ensuite le dossier, selon certains, l’ «oublie» selon d’autres. Ne le reprend, en tout cas, que quelques années plus tard. Fin 2007, soit 9 ans après les faits, l’agent comparaît donc enfin devant la cour d’assises de Douai. «C’est un délai exceptionnel», admet Me Corbanesi. 

Pour l’ABEJ, le fait qu’il n’y ait pas eu de famille, pas de proche, a bien évidemment joué: «Nous étions scandalisés par les faits. Nous attendions le procès. Mais nos statuts ne nous permettaient pas de nous porter partie civile. Et petit à petit, l’affaire est tombée dans l’oubli.» A tel point que quand le dossier est enfin instruit, la prescription de trois ans met à l’abri les trois autres agents initialement poursuivis pour non assistance à personne en danger et non dénonciation du crime. Convoqués à l’audience comme témoins, ces agents ont entendu l’avocat expliquer qu’ils «n’avaient jamais eu de formation sur la dangerosité de ces produits»

L’avocat général a lui estimé que l’agent de nettoyage était «un honnête homme qui avait eu un moment de faiblesse». En face, il n’y avait pas de partie civile. Pas de famille. Pas d’associations. Et donc pas de plaidoirie. Ce n’est qu’après coup que Patrick Pailleux et l’ABEJ ont appris le verdict de la cour d’assises de Douai. La peine de prison ferme couvre juste la durée de détention provisoire de l’époque. «Les faits avaient été requalifiés, explique Me Corbanesi. Mon client n’était plus poursuivi pour homicide mais pour coups volontaires avec arme ayant provoqué la mort sans intention de la donner. Mais c’est vrai qu’il était quasiment impossible de renvoyer mon client en prison près de dix ans après les faits »

Ce jugement ne satisfait pas du tout Cécile Rocca de l’association Les morts de la rue. www.mortsdelarue.org/ « C’est à se demander ce que vaut la vie d’un SDF. Si elle a le même prix que celle de tout être humain ». Pour l’APEJ, qui ne comprend pas cette « justice inquiétante », l’histoire, passée inaperçue, « aurait dû faire au moins autant de bruit que la polémique autour du maire d’Argenteuil qui a voulu chasser des SDF avec du Malodor ».  Patrick Pailleux souffle : « Un homme s’est servi d’un produit pour nettoyer une tâche. Comme si Hervé Lahaye, un être humain vulnérable, était une tâche dans notre société. »

Une justice à deux vitesses en temps réel : si rapide pour traiter d'un vol de scooter d'un fils de ministre pas encore président, avec test adn et moyens technologiques performants, et si lente et faiblarde, pour la manière, dans la rue de "nettoyer" un être humain....

Merci de l'avoir fait exister au moins un peu, au moins virtuellement dans un article.
Hervé Lahaye, un être humain vulnérable, n'a pas eu de chance ce soir-là: il est tombé sur un autre être humain apparemment encore plus vulnérable...

Petit meutre entre amis
Cordialement

Ritme
Merci pour cette info circonstanciée, ça nous change de "la nouvelle info" celle des "chiens écrasés" où aucun détail émotionnel ne manque mais est vide de tout contexte, de l' historique et de toute opinion d'ailleurs aussi.

Merci pour lui. Merci pour eux. Merci pour l'image de la presse.
Manon

Si ça c'est pas la justice à deux vittesses
Avec Sarko 1er, on aura bientot la santé, les universités, etc à deux vitesses