Pierre Rosanvallon : « Un journal doit organiser l’espace public et produire des révélations »

08/02/2008Par

L’actualité politique quotidienne montre à quel point crise démocratique et crise de la presse entrent en constante résonance. C’est cette articulation que nous avons entrepris de mieux comprendre en interrogeant un ensemble de chercheurs et d’intellectuels. Notre premier intervenant est Pierre Rosanvallon.

A travers ses livres sur l’histoire intellectuelle de la démocratie et sur le modèle français depuis la Révolution, l’historien a montré combien on ne saurait résumer ce régime politique aux seules élections. Professeur au Collège de France et directeur de recherche à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Pierre Rosanvallon revendique aussi haut et fort le statut d’intellectuel. Après avoir longtemps travaillé à la CFDT puis créé la Fondation Saint-Simon, il préside désormais la République des idées, un atelier intellectuel auquel on doit depuis cinq ans une belle série d’ouvrages de recherche et d’interventions ainsi qu’un récent site Internet de très grande qualité, www.laviedesidees.fr.

 Vous avez montré comment, à côté des élections, la démocratie repose sur bien d’autres dispositifs, parmi lesquels un espace public fort. Quelle appréciation portez-vous aujourd’hui sur notre espace public ?

 Depuis le début de la Révolution française, l’animation de l’espace public a été considérée comme le cœur de la vie démocratique. Les réflexions sur la représentation qui croisent les aspects institutionnels avec ceux qui concernent les modes de prises de parole et de délibération sont parmi les plus novatrices de cette période historique. Il y a notamment un petit groupe, Le Cercle social qui, dès 1791, a eu l’intuition qu’avec l’explosion du nombre de journaux à la Révolution, on était passé des salons du XVIIIème à un véritable espace public citoyen. 

Dans ce club, des parlementaires et des journalistes ont posé ensemble la question de la démocratie et du journalisme dans ce nouvel âge politique. Ils ont d’abord constaté une chose simple : avec la multiplication des titres, à Paris en province, la représentation politique avait changé de nature. Il ne s’agissait plus seulement d’une délégation organisant l’espace parlementaire. C’était désormais une économie générale de la représentation qu’il fallait penser – avec tous les registres qu’elle impliquait. Registres institutionnels bien sûr, avec l’organisation des élections, mais registres plus intellectuels aussi destinés à produire la compréhension de la société, registres de l’échange social également, de la production journalistique… Ce qui est frappant c’est qu’au cœur de cette matrice de la démocratie que fut la Révolution française, la question du journalisme fut immédiatement posée.

 Ce qui ne serait, selon vous, plus le cas aujourd’hui, du moins en ces termes ?

 Aujourd’hui, on réduit le journalisme à ses pathologies, à ses infirmités les plus manifestes. Et le fait de parler au singulier du journalisme est devenu l’obstacle le plus dirimant à la compréhension de ce qu’est l’espace public. A simplement dénoncer, d’ailleurs souvent à juste titre, les dérives de la presse écrite ou audiovisuelle, on ne réfléchit plus au journalisme en tant que fonction d’organisation de l’espace public et donc, au sens large, de la représentation. 

Le journal doit remplir ces deux fonctions : organiser l’espace public mais aussi produire des révélations. Révéler d’abord au sens de tendre un miroir à la société, pour qu’elle prenne conscience de ce qu’elle est véritablement. C’était très net au moment de la Révolution française, parce que les citoyens avaient le sentiment d’entrer dans une société nouvelle. Le journaliste était alors un explorateur direct sur le terrain de cette société en train de se faire. Révéler aussi au sens de faire la lumière, de mettre le doigt là où cela fait mal. Le journalisme doit être la plaque ultrasensible des problèmes de la société. 

Ainsi compris, assumant ses missions d’organisation de l’espace public et de révélation de la société, le journalisme devient une fonction politique et démocratique extrêmement importante. Il apparaît comme une fonction sociale à valoriser, et non comme un métier infériorisé.

 Le journalisme serait davantage une fonction qu’un métier ?

 Il existe bien sûr des personnes qui font du journalisme leur métier. Mais il me semble que les fonctions du journalisme doivent être assumées plus largement, par les intellectuels et non par les seuls journalistes de métier. Inversement, les journalistes de profession doivent accepter et revendiquer le caractère intellectuel de leur travail de représentation, de signalement, d’échange.
 
Si l’on prend, par exemple, Camille Desmoulin, rédacteur de ce très beau journal qu’était Le Vieux Cordelier, il assume une fonction proprement démocratique. Son journal est instrument d’élucidation de ce qui se passe, un élément de réflexion sur le langage de la politique du moment. Je ne vois intrinsèquement aucune différence entre cette activité et une fonction proprement intellectuelle. Certes il existe des professions, avec leurs univers, leurs codes et leurs procédures, mais il doit demeurer un espace commun au travail intellectuel et au travail journalistique. Mais pour le comprendre aujourd’hui, il faut débarrasser le terme de journalisme de ce qui fait ses caricatures. 

Il est facile de dénoncer une certaine presse, une certaine radio, une certaine télévision, qui s’avèrent davantage des éléments de divertissement, d’abrutissement ou d’abaissement. Mais ce n’est pas le cœur du sujet. Le problème dans notre société n’est pas la dénonciation de ces caricatures ridicules. Pas besoin d’un grand livre de sociologie ou d’essais enflammés pour comprendre que TF1 ne propose pas en soirée le modèle d’une télévision intéressante…

Récemment, le philosophe allemand Jürgen Habermas s’inquiétait aussi de l’affaiblissement de la presse de qualité dans l’ensemble des démocraties occidentales. Dans le cas français, on peut avoir le sentiment que la situation est pire qu’ailleurs, comment l’expliquer ?

Oui, on peut faire le constat d’un certain abaissement. Mais ce n’est pas le résultat d’une force extérieure qui s’abattrait sur ces titres par je ne sais quelle malédiction liée au marché ou à un supposé abêtissement du public. Je n’y crois pas. C’est d’abord un problème d’offre journalistique, ce sont les journaux eux-mêmes qui sont en cause. La société n’est pas plus bête, le problème est donc d’imaginer de nouveaux projets pour repenser le journalisme. On ne peut certes jamais être contre la dénonciation de ce qui apparaît scandaleux dans la société. Mais s’il y a de l’énergie à dépenser, il me paraît préférable de l’utiliser à produire des choses nouvelles. Renouveler le journalisme, ce n’est pas dénoncer la médiocrité mais travailler à produire de la qualité.

Depuis quelques années maintenant des politistes diagnostiquent une crise de la représentation politique. Quelle est la part de responsabilité du journalisme ?

Il me semble que les journalistes ne réfléchissent plus assez à leur métier. Ce ne fut pas toujours le cas. J’ai très bien connu Gilbert Mathieu, le responsable des pages économiques du Monde dans les années soixante et soixante-dix. C’était un grand journaliste et un grand militant. Le matin il lui arrivait de distribuer très tôt des tracts du PSU à la sortie du métro, avant d’aller à la conférence de rédaction... Ses pages furent une véritable école de formation pour beaucoup de lecteurs. Il avait un vrai grand projet pédagogique qui l’a conduit, par exemple, à publier des séries restées très célèbres sur les revenus, l’impôt, le logement… Des dossiers à chaque fois alimentés par les tous derniers travaux statistiques, les toutes dernières analyses de la littérature grise produite à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et des laboratoires… 

C’était un journalisme directement branché sur la production de connaissances et sur la vie intellectuelle, un journalisme encore empli de l’idéologie (au très bon sens du terme) de l’éducation populaire, de la pédagogie sociale. A cela, il ajoutait une culture de l’irrespect à l’égard des institutions, une véritable posture d’exigence critique. Il avait donc un vrai projet intellectuel.

C’est souvent ce qui manque aujourd’hui ?

Le journalisme est devenu un métier comme un autre, c’est beaucoup moins qu’avant un engagement. Dans les années soixante-dix, beaucoup de journalistes que j’ai connu vivaient leur pratique comme une forme d’engagement citoyen. Aujourd’hui, beaucoup sont journalistes comme ils exerceraient n’importe quel autre métier. De ce point de vue, la télévision a certainement joué un rôle déterminant car elle nécessite une certaine forme de savoir faire technique, notamment en matière de présentation de soi. Une redistribution complète des qualités s’est opérée. Mais il reste une différence énorme entre un journaliste de plateau qui se contente d’attiser le conflit entre deux invités pour produire du spectacle et un autre qui a lu des livres et se pose la question de savoir comment restituer de manière profonde et ouverte un vrai contenu intellectuel.

La question se pose aussi pour les intellectuels et les chercheurs…

Bien sûr. Il ne s’agit pas là encore de dénoncer mais plutôt de profiter des changements technologiques pour diffuser notre travail. Au Collège de France, on podcaste désormais tous nos cours. Et lorsqu’ils sont diffusés de 6 heures à 7 heures du matin sur France Culture, il se trouve quand même 100 000 personnes pour les écouter. C’est la preuve que des gens sont prêts à écouter des choses intéressantes et exigeantes. Il est des moments où l’on préfère écouter un CD de Keren Ann ou de je ne sais qui plutôt que de lire un livre de métaphysique – et parfois c’est l’inverse. On fait les deux dans la vie. C’est ce que j’ai appris dans ma vie militante d’abord, puis avec l’expérience plus récente de la Vie des Idées : si l’on fait écrire par les meilleurs chercheurs du moment des livres très travaillés dans la forme et l’écriture, des livres qui ne sont pas des livres de vulgarisation mais des ouvrages présentant des choses originales, alors on reconstruit un public.

Avec Bill Clinton, Tony Blair et Nicolas Sarkozy, on a vu tour à tour apparaître un nouveau style de communication politique dans les démocraties occidentales. Comment le journalisme doit-il s’adapter à ces nouvelles pratiques, notamment de contrôle de l’agenda ?

La question se pose pour les journalistes comme pour les intellectuels ! Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle politique de communication mais bien d’une nouvelle définition de ce que gouverner veut dire. Gouverner aujourd’hui, ce n’est pas simplement prendre des décisions, c’est agir d’une façon qui apparaît honnête à l’opinion, agir d’une façon qui apparaît prendre en compte ce que vivent les gens… On passe d’une politique de la représentation à une stratégie de la présence: la définition même de gouverner change. Cela pose bien entendu des exigences intellectuelles et journalistiques inédites : le problème n’est plus seulement de rendre compte de l’activité politique, il est, d’abord, de démonter cette façon de gouverner et, ensuite, de montrer tous ses manques. 

Quand on voit que le président de la République va se faire photographier avec tel groupe, telle personne dans le malheur, telle victime, on oublie les réalités qui sont occultées à ce moment-là. Si, comme journaliste, je faisais une page ou une colonne sur une visite de ce genre du Président, je ferais deux colonnes à côté pour dire voilà les situations occultées du jour. Il faut analyser les choix de présence : pas juste rendre compte de l’activité d’une personne, mais montrer ce que cette façon de gouverner manque comme réalité de la société. Voilà bien la fonction de révélation du journalisme. 

De ce point de vue, il n’y a pas de différence entre journaliste et sociologue. Même si les métiers n’ont pas recours aux mêmes méthodes et aux mêmes temporalités, les missions sont communes. Les styles d’intervention sont différents mais pas forcément les objets d’intervention. Je ne souscris pas du tout à l’idée selon laquelle il y aurait deux univers: d’un côté, l’univers silencieux de la science dont l’intérêt serait proportionnel à son obscurité ; et, de l’autre, un univers brillant et dont la nullité serait proportionnelle à son caractère manifeste.

Dans cette situation de double crise, faut-il penser ensemble les questions du journalisme et de la démocratie ?

Se poser la question de ce que veut dire repenser le journalisme n’est pas très différent de se poser la question de ce que veut dire repenser la politique. Il y existe beaucoup de croisements, une réflexion sur les nouveaux objets de la représentation, les nouveaux conflits structurants de la société, les décisions charnières, les termes dans lesquels s’organise un rapport entre des formes de demande de consensus et, au contraire, une nécessité de trancher. 

Au fond, l’une des fonctions du journalisme est de rendre compréhensible et manifeste tout ce qu’on cherche aussi à ne pas manifester. C’est aussi l’un des buts de la vie intellectuelle, des sciences sociales. Evidemment tout ce travail se déroule dans des univers organisés par professions et relativement clos, avec leurs règles spécifiques, c’est la logique des institutions. Mais la vie démocratique requiert au contraire d’essayer de trouver les règles et les terrains qui permettent de poser en commun des questions.

Jean-Louis Legalery
Remarquable entretien, qui, une fois encore devrait inciter beaucoup de lecteurs potentiels à rejoindre Mediapart. La brillante analyse de M. Rosanvallon sur le nouveau style de communication politique, notamment incarnée par Tony Blair et Nicolas Sarkozy, rejoint l'analyse de Norman Fairclough, professeur à l'Université de Lancaster, selon laquelle la présumée nouvelle politique (le fumeux "New Labour" par exemple) n'est qu'un aimable développement de forme qui masque une absence totale de fond, et donc d'idélogie. Quant à la complicité d'une partie des journalistes, elle a déjà été dénoncée par Noam Chomsky qui parlait, dans son ouvrage de 1994 "Manufacturing Consent",de la classe spécialisée ("the specialized class"), qui unit le pouvoir et une certaine presse, face au reste de la population, "the bewildered herd" (le troupeau égaré).

bonjour, ce commentaire ne s'adresse pas à l'auteur de l'article mais au propos. Le titre à attiré mon attention et des souvenirs sont revenus, brutalement.

Mediapart doit faire ses preuves. Mais ca part mal. Je ne comprend pas les intentions de chacun en lancant ce nouveau site.

Il y a un journaliste, français, dans le domaine de l'investigation, qui à créé un appel internationalement reconnu, appel composé d'une demi-douzaine de magistrats parmi les plus grands et les plus honorables d'Europe.
L'enquête nous apprend (à tous) l'existence, l'utilité et les dérives des chambres de compensations internationales. En gros, le coeur du système financier et de la mondialisation. "La banque des banques."

Suite aux révélations de ce journaliste, une Commission d'enquête parlementaire, en France, à minutieusement travaillé et confirmé les propos du journaliste.
Pour avoir dit la vérité, ce journaliste Francais a subit depuis 2001, plus de 240 visites d'huissiers de justice, une centaine de procédures judiciaires, des procès - qu'il gagne - mais qui le ruinent en frais de procédures.

Pour en arriver là, les banques ont eu un appuis inattendu. Un coup de pouce du Monde, qui , mieux que de ne pas révèler l'affaire consacra 4 papiers afin de démolir le travail du journaliste. Que Le Monde décide de ne pas en parler est une chose. Qu'il démolisse le fruit d'un travail titanesque de plusieurs années de recherche en eset une autre.

Je ne lis plus le monde depuis cette époque. J'ai abandonné un peu "Le soir (belgique)", parce que j'y retrouvais les mêmes articles fiéleux et étonnement répétitifs écris par Plénel. La casse ne s'est donc pas limitée à la France. Je suppose que la procédure à été la même un peu partout en Europe.

Aujourd'jui, je m'étonne de lire ces quelques lignes bien pensantes (bien pensées). A vous lire, on à presque le sentiment d'un nouveau départ alors qu'il ne s'agit certainement ici que de perpétuer l'aventure du Monde.

Je ne crois pas une seconde que ce nouveau site sera plus indépendant que ses origines. Qui je suis ? Un crétin, naïf de plus, qui soutient un journaliste Français, accusé, de concert avec votre patron d'être un corbeau, un parano, un "obsessionel" de la fraude fiscale. Soit. On sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas.

Je suis aussi très accesssoirement un citoyen belge, qui paie, avec son blé, les factures générées par les procès en diffamations des banques à l'encontre du journaliste français.

On en est là Monsieur Plenel. C'est le peuple qui soutient les grands "petits" journalistes, avec ses petits bras en imaginant que la presse "indépendante" prendra la relève. C'était donc ca votre plan de carrière, votre idéal ? Comment fait-on pour retrouver la confiance maintenant... On attend toujours, qui sait...

Yves Lespagnard

Cher Yves Lespagnard,

Vous évoquez, de façon bizarrement allusive, mon désaccord professionnel avec Denis Robert sur l'affaire Clearstream. Non pas l'actuelle, qui a été exploitée et instrumentée par Nicolas Sarkozy, mais celle qui l'a précédée et qui lui a servi de décor originel. J'insiste : c'est un désaccord professionnel. Ce n'est pas un désaccord politique : j'ai soutenu depuis le début l'Appel de Genève et son combat, aux côtés de magistrats, contre la corruption. Et ce n'est évidemment pas un conflit personnel : respecter Denis Robert, ses convictions et ses combats, n'empêche pas d'exprimer et d'assumer une divergence.

Sur quoi porte ce désaccord ? Tout simplement sur son point de départ : je n'ai pas été convaincu par sa première enquête sur Clearstream. Si j'avais été son éditeur, je ne l'aurais pas publiée en l'état : il manquait des vérifications, des précautions, des contextualisations, bref c'était plein de bonnes intentions, mais avec un manque de rigueur dans le travail. Or il y a là, pour notre profession, un enjeu important : il ne suffit pas d'avoir politiquement raison pour être journalistiquement pertinent. Sinon l'enquête journalistique ne serait plus qu'un outil idéologique et ne nous permettrait jamais de découvrir des réalités dérangeant nos propres convictions ! N'oublions pas que, dans le siècle passé, le mensonge sur la réalité, le présent ou le passé, ne fut pas que de droite, mais fut aussi au cœur de régimes se réclamant de la lutte contre le capitalisme, l'argent-roi, l'exploitation, etcf.

Dans le cas précis qui nous occupe et nous sépare, nous sommes évidemment d'accord sur la critique de l'opacité de la finance mondiale, des paradis fiscaux au cœur de l'Europe et des circuits bancaires où l'argent n'a pas d'odeur, etc. Mais de cette conviction ne découle pas forcément que l'hypothèse de Robert selon laquelle la société luxembourgeoise Clearstream, aujourd'hui propriété de la Bourse de Francfort, serait la grande lessiveuse et la "boite noire" de la finance mondiale est juste. Encore faut-il la démontrer, la prouver, la documenter. Je maintiens que cela n'a pas été le cas, en m'en tenant au seul terrain professionnel – l'enquête, ses techniques, ses règles, ses exigences. Et je persiste à croire que cet échec regrettable a été exploité ensuite par ceux qui ont inventé la vraie affaire Clearstream, la seconde et non pas la première : celle qui a permis à Nicolas Sarkozy de se poser en victime d'un complot.

Juste une précision pour finir : contrairement à ce que vous écrivez, ce désaccord n'a jamais été au cœur de mes préoccupations et je n'en ai pas fait un roman. Mais, ayant découvert que j'étais parmi les dizaines de personnes auxquelles les listings trafiqués ont attribué un faux compte Clearstream et, par conséquent, l'une des nombreuses victimes de ces calomnies, j'ai été amené à expliquer que ce montage n'aurait jamais vu le jour sans le contexte qui l'avait précédé et qui, je le répète, repose sur une enquête imparfaite, voire inexacte.

Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler puisque l'instruction de l'affaire Clearstream va vers sa fin.

Merci Pierre Rosanvallon , d'avoir tracé la route. L'exigence est là, "la posture de l'exigence critique" est indispensable dites vous, MediaPart va y répondre, nous l'espérons tous.

Merci beaucoup pour cet article, on espère de nombreux échanges entre mediapart et la vie des idées qui sont les 2 premières bonnes nouvelles pour l'existence de l'espace public depuis mais 2007 .

Bien à vous

Entretien très intéressant.

Je pense également qu'il est nécessaire de proposer une information plus complète, plus éducative. J'entends par là que les journalistes prennent le temps de donner des explications des événements, des conflits, des avancées... Expliquer les étapes et les faits qui ont amené à telle où telle situation. Présenter plus complètement certaines personnes pour nous permettre de comprendre les intérêts (économiques, financiers, religieux, professionnels etc) qu'elles peuvent avoir à tenir un tel où tel discours..

Je souhaite donc que MediaPart utilise pleinement les possibilités de l'internet en multipliant les liens (vers des cartes, des shémas animés, des interviews et des reportages sonores, des vidéos). Pour faciliter l'accès au savoir de ceux qui veulent approfondir leurs connaissance d'un sujet, et développer par la même leur esprit critique.

Je suis également sensible au passage sur la nouvelle communication politique.
Espérons que Mediapart parviendra à ne pas devenir otage de l'agenda de N.Sarkozy et que ces journalistes parviendront à prendre du recul, vérifier les chiffres et les informations qui sont donnés à tour de bras... Mais aussi à parler de ce qui est occulté par telle ou telle annonce (d'ordre de la vie "affective" du président par exemple)

Moi aussi je tiens à vous remercier pour cet excellent article. Une phrase en particulier me saute aux yeux:
"Révéler d’abord au sens de tendre un miroir à la société, pour qu’elle prenne conscience de ce qu’elle est véritablement."
Voila, me semble-t-il quelque chose de très intéressant et qui mérite d'être exploré par MédiaPart.

Si je reprends l'exemple de Pierre Rosanvallon où le président de la République va se faire photographier avec tel groupe, la première question est effectivement de savoir ce qui a été occulté par cet effet de réprésentation. Mais il serait également intéressant de savoir dans quelle mesure les gens ont été sensibles à cet effet et pourquoi.

Je pense qu'il est plus que temps que nous nous rendions compte, tous autant que nous sommes, que nous ne sommes pas les pauvres victimes de ces méchants politiciens qui ne pensent qu'à eux, mais que nous avons tous une part de responsabilité dans ce qu'est aujourd'hui notre société.

Ce qu'on aimerait lire tous les jours.

excellent article qui redonne espoir aux lecteurs;article de fond sur le rôle de la presse et sur sa responsabilité qui devrait inspirer aussi les journalistes de médiapart;merci. Monique

Le 1er février 08, sur MédiaPart, je lis ceci de la plume d’Edwy P. : « Alors que MediaPart n'est encore qu'un pré-site, et que nous venons coup sur coup de publier plusieurs révélations, (…) ».
Oui, Edwy P. ? la guerre des scoops ? et ? et une semaine d’angoisse pour ma pomme de gauche. Me serais-je abonnée à rue89 ? aurais-je participé de cette avancée de la Match-révélation ? Quelques journées pour ma pomme de gauche à regretter, à douter du journalisme en question. A relire la définition du mot "révélation", à chercher ici et là une définition du mot "journalisme", une définition pas trop désuète, pas trop actualisante. Une définition au service de la pensée. Simplement.
Je suis aujourd'hui un peu rassurée après une semaine d'angoisse pour ma pomme de gauche en lisant ceci :
" Le journal doit remplir ces deux fonctions : organiser l’espace public mais aussi produire des révélations. Révéler d’abord au sens de tendre un miroir à la société, pour qu’elle prenne conscience de ce qu’elle est véritablement. "

Mais cela n'efface pas les mots lus précédemment et cette semaine passée à flipper, à lire et relire et ne plus croire en rien. C'est décourageant cette guerre des scoops, parce que nous, lecteurs, on s'en tape bien. Ce jeu ne nous séduira pas longtemps. Il ne construit rien, il élude.

" Il suffirait de chercher à conserver seulement ce qui intéresse la conscience. ” écrivait Adolfo Bioy Casares à 26 ans in L'invention de Morel.

Merci Sylvain B.
Agnès

Bonjour,

Je partage aussi cette vision sur les scoops qui, je le pense, peut être à tord, n'interessent au fond que le mircrocosme journalistique.
Une des explications, évoquée par Pierre Rosanvallon, est effectivement la professionnalisation du journalisme, qui se réfère d'abord aux exigences du patron de presse, avant de prendre en compte l'exigence du lecteur, ou plus simplement sa propre exigence de journaliste. Je lisais (ou écoutais) une intervention d'un journaliste de Médiapart, en provenance de 20Minutes, qui parlait notamment de ce problème de temps nécessaire pour approfondir les sujets, et de son obligation de zapping permanent.
Cette professionnalisation conduit effectivement la presse actuelle à un certain nombre de travers qui la font osciller entre recherche du consensus (il faut que l'information soit présentable et agréable à lire) et provocation (il faut titiller le lecteur et faire parler de soi).
Alors effectivement, cela fait vendre et répond aux demandes du patron de presse, mais dans le même temps cela frustre le lecteur qui, appâté par la vitrine, trouve le contenu un peu vide.
Il ne faut pas craindre le scoop en lui même, mais surtout le vide qu'il pourrait cacher.
Je pense que Médiapart, si comme c'est envisagé, s'appuie effectivement sur une collaboration importante avec ses abonnés pour produire du contenu, fera rentrer ce petit coté d'amateurisme désinterressé susceptible de rappeler ses journalistes professionnels aux exigences profondes de leur métier et de leurs lecteurs.

Christophe

Quand allez vous comprendre que la démocratie se vit à la base et non dans les hautes sphères?
Que la démocratie se vit au quotidien
Que ses raçines sont encrées dans le peuple
Peuple utilisé dans l'histoire pour la démocratie des autres
Ha la Gueuse!!!
Cordialement

"Révéler d’abord au sens de tendre un miroir à la société,.."

Comment "connaitre" LA société (les sociétés??) en se regardant soi même???
Ne faudrait-il pas ,plutôt ,regarder "derrière" le miroir :des représentations,des
discours,des idéologies,des slogans?

Aller au-delà d'une (re)présentation de faits,mais de les mettre en relations,d'
analyser leur histoire,d'analyser leurs causes (économiques,morales,esthétiques,..),en les comparants à d'autres faits?

Ce qui est dit par Rosanvallon sur l'activité de Gilbert Mathieu!!!

Quelle(s) racine(s) à cette CONTRADICTION??

"Révéler", c'est d'abord un mot du vocabulaire religieux.

Merci à l'interviewé et à l'interviewer pour cette intéressante contribution qui met en valeur la notion d'espace public dans notre modèle de société.

Cela est rappelé avec doigté dans cette contribution, l'espace public, au sens que nous lui donnons, c'est avant tout une découverte "révolutionnaire", historique. Cette découverte n'est en rien naturelle. L'espace public n'est pas une clairière nichée au coeur des profonds, inextricables sous-bois des occupations humaines. Et précisément, il faut veiller à ce que cette notion ne devienne pas une abstraction. Cette vérité "révélée", il faut la ré-activer, la ré-actualiser constamment. D'où ce lien très justement établi par S. B. avec l'activité du journalisme.
Voilà qui est bien... Mais l'espace public ne doit pas être non plus une simple caution intellectuelle, une affirmation de "principe", autorisant par ailleurs toutes les pratiques (sociales, économiques).
C'est pourquoi, cette notion d'espace public, comme toutes les notions, gagne à être immergée dans la société "réelle". Par exemple, on pourrait s'interroger sur le "devenir" des "services publics", de plus en plus dédiés à leurs usagers principaux que sont les entreprises. Et ce, histoire de ne jamais oublier le principe de réalité : pour ne pas les nommer, le rôle des intérêts particuliers, du capital, dans tout ça.
Louable, et éclairée sans nul doute, cette conscience de notre représentation sociale, politique, ne doit donc pas nous conduire à idéaliser notre modèle de société.

Mettre la presse en débat voilà ce qui me motive à devenir journaliste. Pour ma part j'ai souvent l'impression en regardant le 20h ou en lisant la presse que les rédactions passent plus de temps à gérer ce qui ne doit pas être dit qu'à les explorer c'est aussi le sens de la révélation pour moi.
Merci pour cette excellente interview.

Merci aussi, cette initiative est digne de ce que j'attends de Mediapart, et de ce que j'y trouve chaque jour de mieux en mieux.
Les petites "erreurs" de communication, que certains contributeurs critiquent avec beaucoup d'énergie, m'apparaissent peu graves au regard ce que MP nous apporte.

Une information "révélée" après avoir été méconnue ou cachée peut être un scoop et subjuguer les lecteurs, ce qu'on peut trouver futile, rémunérateur ou manipulateur, mais elle reste avant tout un apport à la connaissance... Alors ne chipotons pas et remercions les journalistes de produire des scoops quand ceux-ci sont de vrais progrès dans le dévoilement de la science, de l'histoire, de la politique - de la finance.

Il y a deux sortes d'abus : ceux qui naissent de la logique d'un régime, et ceux qui naissent de son incohérence.
L'incohérence est le transfert de certains journalistes vers l'Elysée. Journalistes qui informent,devient conseillés. Que devient alors le principe d'éthique?
En démocratie, la politique est l'art de supprimer les mécontentements; et en information?

remarquable analyse que je partage entièrement. le paradoxe de ce métier qui est aussi une fonction, c'est précisement qu'il est pratiqué à des fins privées ( faire gagner de l'argent au propriétaire du média ) alors qu'il est de Service public par sa finalité, aider à la connaissance d'une réalité et permettre aux citoyens de comprendre le monde dans lequel ils vivent afin d'en avoir une opinion. C'est pourquoi, personnellement, je me définis depuis toujours comme un citoyen journaliste, ce qui veut dire que le journalisme est une technique, mais sur le terrain de l'information, le citoyen ne s'interdit rien. le souci du journaliste, dans la restitution du produit de son travail, est non seulement de fournir une connaissance mais de provoquer un questionnement plutôt que d'imposer une réponse. cela dit, le journalisme est à la fois une réalité et un discours sur cette réalité mise en forme, donc objectivement subjectif mais susceptible par ce souci de distanciation de permettre à un auditeur mécontent de ce qu'il entend de se dire, je crois malgré tout à la bonne foi de ce journaliste dont l'honneteté intellectuelle n'est pas en cause. la difficulté réside cependant dans le paradoxe évoqué au début. Trop de journaliste vivent couchés au lieu de s'assumer et le résultat, c'est un journalisme impersonnel, sans saveur, désincarné et qui prétend à une utopique objectivité morale. le prix à payer par le citoyen journaliste, c'est parfois q'on sanctionne l'électron libre. j'en sais quelque chose. signé frederic bourgade, journaliste radio.

François Helt
"Renouveler le journalisme, ce n'est pas dénoncer la médiocrité mais travailler à produire de la qualité."
Il n'y a rien à ajouter à la remarquable analyse de Mr Rosanvallon et cette phrase extraite de celle-ci peut s'appliquer à bien des domaines.
Abonné et soutien de MediaPart, j'attends beaucoup d'un travail de journalisme d'enquête qui me permette de sortir de l'état de frustration et d'insatisfaction que je ressens face à la dérive de la politique et du journalisme d'aujourd'hui, et qui puisse me permettre d'agir en connaissance de cause.
En effet, comme citoyen attentif, je suis sensible à l'abaissement généralisé, abaissement moral et culturel dans lequel le pouvoir, un peu trop relayé voir aidé par les media, joue sa part.
Je suis sensible à trois sortes de dérive:
Une dérive vers la vulgarité que constitue l'envahissement du "people".
Une dérive qui consiste à chercher des boucs émissaires. Pêle mêle, les juges du 9-3 ou les voyous, les avocats, les journalistes récemment, et puis les régimes spéciaux.
Cette dérive est beaucoup plus grave que l'envahissement du "people" et elle est pratiquée au plus haut niveau de l'état.
J'ai été stupéfait d'entendre notre ministre de l'Intérieur se lancer hier dimanche 10 février dans une dénonciation de la montée d'un terrorisme d'extrême gauche.
Qu'est-ce que cela cache? J'attends des journalistes une enquête attentive sur cette annonce et sur les faits réels.
LA troisième dérive est à mes yeux la plus grave. Le retour des lobbies religieux.
Les petites phrases assassines sur la laïcité, les bons arrangements avec l'intégrisme, et bien d'autres faits en France comme ailleurs en Europe (Espagne, Italie).
Je veux savoir ce qui se passe, qui peut agir ou essayer d'influencer.
C'est l'honneur du journalisme de rechercher les faits sous-jacents aux bruit de surface dont l'espace médiatique nous inonde.
Réagissez et enquêtez et tous nous pourrons redevenir citoyens et non pas des moutons effrayés par des signaux de fumée.
François Helt

Je me permets une parenthèse qui ne concerne pas le fond de l'article (très intéressant d'ailleurs).
J'avais espéré, en découvrant ce pré-site et les nobles ambitions affichées, que des intellectuels un peu moins "médiatiques" auraient ici la place de s'exprimer. Il ne s'agit évidemment pas de critiquer M.Rosanvallon, grand intellectuel s'il en est, mais j'avais espéré trouver sur ce site d'autres noms que ceux qui remplissent sans cesse, et depuis des années, les colonnes des principaux journaux français... Ces intellectuels médiatiques, qu'elle que soit leur valeur par ailleurs, ne divergent pas fondamentalement sur le fond et nourrissent ce que d'aucuns appellent une "pensée unique" i.e. une social-démocratie molle.

J'appelle donc de mes vœux une véritable diversité dans la parole donnée, et pas seulement un vieux copinage issu des années passées au "Monde"...

Merci d'avance!

Vincent

Entiérement d'accord avec vous Vincent. Pierre Rosanvallon est un des "papes" de la pensée unique, un de ceux qui se disent de gauche mais qui recherchent les honneurs à tout prix. Alors que finalement son enseignement et banal.
Et si Mediapart n'a que ces gens - là à nous proposer nous serions déçus. Des jeunes chercheurs, des vrais penseurs, des défricheurs véritables attendent d'être lus et d'entrer dans le débat, le vrai celui qui dérange et qui fait progresser.
Merci à Mediapart
Jean-Pierre Falies

Cher Fox et cher Jean-Pierre Falies,

Qu'est-ce qui importe ? Ce qui est dit ou qui le dit ? "Il ne faut pas confondre la critique utile contre les choses avec les jérémiades répétitives contre les gens" : la mise en garde est de Michel Foucault, en 1980, dans un entretien (intitulé "Le philosophe masqué") qu'il avait voulu anonyme afin qu'on ne juge pas sa personne, mais qu'on discute ce qu'il énonce. Il voulait échapper à ce piège de la nomination qui emprisonne l'intellectuel dans une identité pré-construite (parfois faite de préjugés, de méconnaissances ou de malentendus) pour éviter de discuter ses idées.

Le pluralisme, auquel nous tenons à Mediapart, respectera cet état d'esprit : pas d'exclusive sectaire sur les noms, mais un intérêt généreux pour le propos. En l'occurence, votre vision de Pierre Rosanvallon me semble réductrice, tant son itinéraire témoigne d'une prise de distance avec ce que fut son passage à la Fondation Saint-Simon, de même que la collection "La République des idées" au Seuil prouve une curiosité à la fois savante et critique de la société telle qu'elle est vraiment. Quant à ce qu'il dit ici, vous dites vous-mêmes que le fond vous a intéressé. N'est-ce pas l'essentiel ? Oublions les personnes, débattons des idées !

Comme vous pouvez le constater dès aujourd'hui avec la publication de l'entretien que Jade Lindgaard a réalisé de Cyril Lemieux, nos colonnes ne sont pas réservées aux professeurs au Collège de France… On y trouvera aussi bien entendu de plus jeunes chercheurs, sans doute moins connus.

Cher Edwy Plenel et cher Sylvain Bourmeau,

D'abord merci de répondre, c'est agréable des journalistes qui prennent le temps de se soucier de leurs lecteurs...

Que l'on se comprenne bien, je n'ai absolument rien contre Pierre Rosanvallon (ce serait, d'ailleurs, d'une absurdité sans nom) et je trouve effectivement ridicule de réduire le propos à la personne. Maintenant comprenez aussi qu'en tant que lecteur lambda des principaux journaux français, je sois un petit peu agacé (peut-être à tort) d'avoir sans cesse l'impression de lire les même noms au bas des mêmes articles depuis des années... Il ne s'agit évidemment pas de censurer ou d'empêcher des intellectuels importants de s'exprimer, j'aimerais juste voir ces colonnes s'ouvrir également à ceux que l'on ne lit, voit ou entend jamais ou presque dans les médias traditionnels et qui, pourtant, ont des choses tout aussi intéressantes à dire.

Ma vision d'un journal indépendant de qualité, que semblent partager d'autres lecteurs, est celle d'une diversité des contributions, d'une multiplicité des points de vus exprimés et d'une profonde rigueur dans les analyses proposées.

Je suis sûr que vous serez d'accord avec moi. J'ai l'audace de penser que c'est une condition indispensable à la réussite de Mediapart.

Vous devinez sans doute l'attente, et l'espoir, que suscite ce projet, ne nous décevez pas s'il vous plaît!

Vincent

Cher Vincent (Fox),

Merci de votre réponse à nos réponses. Nous sommes donc d'accord : du pluralisme, de la diversité, de la qualité, de l'originalité. Et votre exigence nous stimule, évidemment. Mais vous découvrirez, le 16 mars, que ce défi sera aussi le vôtre. Car Mediapart sera vraiment participatif. Pas seulement un journal en ligne où l'on peut réagir par ses commentaires, mais aussi un média collectif où vous pourrez directement contribuer, animer, créer, éditer, discuter, provoquer la réflexion, susciter la discussion, etc. Je n'en dis pas plus, car c'est une promesse qui ne se décrit pas à l'avance mais qui se prouvera très concrètement le jour du site définitif. Bref, nous comptons sur vous.

Vous présentez Rosenvalon ainsi "il préside désormais la République des idées, un atelier intellectuel auquel on doit depuis cinq ans une belle série d’ouvrages de recherche et d’interventions ainsi qu’un récent site Internet de très grande qualité", Etes-vous sûr que ce monsieur soit un démocrate ? En tout cas, c'est un de ces Maîtres (comme l'avaient été Furet et St Simon) qui prétendent penser pour le peuple-en-mal-de-"valeur" en lui donnant du prêt-à-penser. Rien que le terme "République des idées" me fait frémir, tout comme "droit d'ingérence humanitaire". La dérive des mots si bien analysée par Victor Klemperer (entre autres) devrait en tant que journalistes vous alerter. Quant à l'expression "atelier intellectuel", c'est étymologiquement "le petit morceau de bois", la béquille autrement dit, nécessaire aux proles (de prolétaires) pour "mieux penser"...le libéralisme capitaliste cher à Rosenvallon.

Cher Jclbrnt (un vrai nom ou surnom, ce serait moins barbare, non?),

Sincèrement, vous devriez aller y regarder de plus près, avant de prononcer un verdict si définitif (et d'écorcher le nom de la personne concernée). Depuis que Pierre Rosanvallon a tourné la page de la Fondation Saint-Simon, en tirant explicitement un bilan (auto)critique de cette expérience, il s'est lancé, avec l'aide notamment de Thierry Pech, dans une aventure intellectuelle qui l'a repositionné au centre des débats de la gauche au sens large et, surtout, des recherches savantes utiles à tout citoyen soucieux de réfléchir, discuter et proposer à partir d'une connaissance véritable de la société française. Allez juste un instant sur le site www.laviedesidees.fr pour vous en rendre compte. Enfin, ce professeur au Collège de France ne saurait être réduit à votre appréciation de son positionnement politique dans l'espace public : il a aussi une œuvre importante qui mérite d'être lue avant d'être balayée.

Mediapart ne serait pas le journal libre que vous attendez s'il devenait un lieu d'exclusives et d'oukases. Notre seule exigence sera la qualité, la pertinence et la diversité. Nous ne serons le journal d'aucune chapelle, mais le journal de vos débats. Et nous publierons prochainement des entretiens avec d'autres intellectuels qui, à l'image de Luc Boltanski aujourd'hui, complètent, prolongent ou discutent ce qu'a ici exprimé Pierre Rosanvallon. Je ne cesserai de le répéter : l'une des ambitions de Mediapart est d'être le lieu d'un débat participatif de qualité où l'on se répond et se réfute, mais après s'être écouté. Où, fût-ce vivement, l'on discute les arguments plutôt que de discréditer les personnes.

Cher Edwy Plenel,

Tout d'abord je vous remercie de votre réponse à ma participation d'il ya quelques jours. C'est sans aucun doute le signe que Mediapart sera un media inter actif et respectueux de ses abonnés et lecteurs. par les temps qui courent cela devient rare.
Afin d'éviter tout malentendu je tiens à affirmer que je n'ai rien contre la personne de P.Rosanvallon. Je pense simplement que malgré ses indéniables qualités d'intellectuel ( car il apprécie d'être qualifié ainsi), il ne faut pas se laisser prendre à son jeu, justement intellectuel et dialectique redoutable, qui consiste à nous faire oublier par une superbe inversion orwellienne qu'il a tout de même renié ses engagements d'antan.
Mais il est vrai , comme l'écrivait Hugo dans "Choses vues" que : " tant que la conscience perdure, peu importe que l'on change ses idées politiques".

Bien à vous et à Mediapart
Jean-Pierre Falies

Cher Edwy,
A J-P. Falies vous répondez "Qu'est-ce qui importe ? Ce qui est dit ou qui le dit ?". Je ne peux absolument pas être d'accord !! "On" ne peut certes pas dire tout et n'importe quoi. Mais "qui le dit" n'est sûrement pas à négliger, loin de là, car il s'agit du Sujet qui se dit et s'il le fait, il s'engage dans la parole. Je sais bien que depuis Derrida et Foucault la critique est celle des idées détachées de celui "qui le dit". Le Sujet est mort dit-on. Mais ne sommes nous pas toujours responsables de ce que nous disons ? Qu'en peuvent penser des journalistes ? Ce serait sinon une irresponsabilité qui ferait que "ce qui est dit", on n'en est pas sujet et plus, ce serait le moyen de s'en tirer sans aucune... conséquence de Sujet. "Un intérêt généreux pour le propos" comme vous dites ne suffit donc pas. Merci de votre réponse cependant.
PS rien sur le site indiqué qui me permette de penser autrement.

Cher monsieur Plenel, votre réponse m'a surpris. Je vous reconnais là une qualité que je pensais ne plus retrouver. Elle redonne espoir, malgrès tout.

Disons, pour faire simple, que je suis le lambda qui achète le journal et que vous, pour faire encore plus simple, êtes la presse. En tout cas, celle qui me passionnait, vraiment et c'était familial. A la maison, on lisait "Le monde" comme on se transmettait les idées politiques, en général.

Lorsque j'ai appris l'existence des chambres de compensations, par un article de votre ancien journal, je me suis dit "tiens, tout ceci n'a pas l'air sérieux, ce type qui fait une enquête sur une banque et qui se plante..." Par la suite, je me suis procuré le livre qui en parlait en notant qu'effectivement l'auteur donnait deux informations inexactes. Mais quand même, quelque chose sonnait très juste dans ces livres. J'ai été "expert" au sein des commissions européennes et suis spécialisé en informatique. Si Révélation$ était un livre fort mais un peu bancal, la boîte noire par contre et la vision du film de Mr Robert ont fini par me convaincre. Tout était devant nous: les listes de compte surtout montrant que Clearstream avait offert des lieux de passages et de dissimulation à des milliers de clients privillégiés et parmi eux, énorme scandale non repris par la presse: la présence de multinationale comme Shell, Unilever ou le groupe Accor. Pourquoi n'en n'avoir jamais fait état et vous être concentré sur des fautes bénignes?

Je me pose vraiment la question Mr Plenel. Si Mediapart part sur de bonnes bases, il serait bien que vous me répondiez.

Un mot sur les erreurs que vous mettez souvent en avant (j'ai lu votre chronique dans le Soir). La première erreur concernait l'affirmation que la DGSE aurait eu un compte ouvert auprès de la banque. Le compte ouvert au nom de l'état français dans un paradis fiscal n'était pas celui des services secrets mais de la Direction Générale des services étrangers de la Banque de France.
La seconde erreur concerne une transaction qualifiée par l'auteur d "illégale". La transaction impliquait le gestionnaire de la fortune Grand Ducale et la banque BCCI. Le livre de Mr Robert révélait que la transaction avait eu lieu alors alors que les comptes de la BCCI (une banque mafieuse) était sous scellés.

Cela concernait un virement d'une centaine de millions de francs d'une banque en dépôt de bilan vers un créancier apparemment plus chanceux que les nombreux autres clients de la banque. C'est grâce aux microfiches de Clearstream que Mr Robert a pu révéler cela. Et on l'attaque sur un détail. Si vous ne me croyez pas, renseignez vous sur le jugement concernant la Boîte noire. Le tribunal de Paris a donné raison à Mr Robert contre Cleastream (voir le site des Arènes) dont je vous propose la copie ici http://www.arenes.fr/livres/page-livre2.php?numero_livre=4&num_page=374.

Est-ce mieux ? Depuis quand un état ouvre t-il des comptes dans les paradis fiscaux sans en informer ses concitoyens ?
Est-ce beaucoup plus reluisant qu'un état au sein de l'union européenne considère légal une opération consistant à récupérer ses créances au détriment du plus grand nombre ? Quand on sait que le Luxembourg, avant d'être un paradis fiscal est un paradis judiciaire autorisant dans sa constitution une panoplie de lois dont peu de gens imagine la perversité.

Le Monde relève ces erreurs et a consacré 5 (cinq) papiers la semaine qui a suivi la sortie du premier livre. Et aucun sur le second. J'ai relevé aussi que le 24 décembre 2005, vous aviez fait votre une avec une interview de Mr Rolants, le PDG de Clearstream, sans Jamais donner la parole à Mr Robert. Même option pour les journaux belges (Le soir). Je n'ai jamais compris pourquoi.

D'habitude, quand le Monde n'aime pas un livre ou un intellectuel, Le Monde n'en parle pas. Là, c'était une forme de censure et d'acharnement. D'ailleurs Clearstream s'en est servi et toutes les plaintes déposées ensuite contre Mr Robert contiennent vos articles. Je ne dis pas que vous êtes complice de ça. Je trouve simplement ça grave et déplorable.

Outre ces 2 erreurs, reconnues par l'auteur publiquement et qu'il a pris la peine d'expliquer dans deux ouvrages qu'il a publié par la suite, j'ai aussi lu les 400 autres pages du premier livre. Et le suivant.

J'ai appris que la plupart des juges eux-mêmes ignoraient l'existence des chambres de compensation. Pourquoi les journalistes financiers n'ont-ils jamais parlé de ces "notaires du monde", de cette banque des banques. Combien d'entre nous, avant l'ouvrage dont je parle, connaissait son existence? Personne.

Qui savait que toutes (toutes) les opérations financières étaient tracées et enregistrées au sein de deux (2) organismes bancaires que sont Clearstream et Euroclear. Qui sait aujourd'hui ce que révèle les vrais listings que l'auteur publie dans l'indifférence (de moins de moins générale) sur son blog ?

Vous me dites que le Président Sarkozy s'est servi de cette affaire pour briser la concurrence politique. Cela devient un secret de Polichinelle que même un lambda arrive a comprendre. Si elle a fonctionné cette manipulation, c'est aussi parce que l'absence de probité de Clearstream n'a étonné personne. Pas même un ancien ministre des Finances.

Enfin, que dire de la réaction de la banque qui n'a pas une seconde imaginé de mettre en cause l'opération BCCI peu reluisante? Et encore moins de s'attaquer a un témoin clés, Mr Regis Hempel, l'ancien directeur financier)? Ce témoin sera rejoint par une liste aussi longue qu'inquiétante d'autres témoins qui ont dénoncé les agissements de Clearstream devant une commission d'enquête parlementaire dont je me permet de joindre le lien (http://www.assemblee-nat.com/11/rap-info/i2311-51.asp). Lisez aussi le témoignage de Mr Marson, l'actuel numéro 3 de BNP Paribas qui dit que Clearstream est une boîte "incontrôlable".

Quid de la non fin de recevoir de la commission européenne, dont le commissaire à l'économie, Fritz Bolkestein (président du conseil d'administration de la banque Menatep et salarié de Shell) qui à jugé que la constitution d'une enquête parlementaire européenne n'était pas nécessaire ?

Quid de la tentative de commission d'enquête parlementaire proposée par une sénatrice Belge (son nom?), avortée, au motif que le Luxembourg, qui abrite toutes les banques douteuses de la planète, est souverain dans ses décisions ?

Quid d'un paradis fiscal de cette envergure au sein de l'union européenne ?

Quid de l'information, si ce genre de nouvelles ne sont pas révélées par ce qui me semblait être un journal de référence ?

J'ai eu à l 'égard du Monde le même sentiment que celui que je partage pour le parti socialiste, qu'il soit belge ou français, dans sa forme actuelle. Le sentiment que vous avez oubliez a qui vous vous adressiez. Que vous nous preniez pour des veaux.

Mais bon, c'est un sentiment.

Je veux bien croire que Mediapart sera un média différent mais la meilleure chose pour vous serait de faire votre autocritique. De reconnaître que vous vous êtes lourdement trompé concernant Mr Robert. Il est aujourd'hui, en partie à cause de vous, couvert de procès en diffamation. La première qualité d'un journaliste doit être l'honnêteté Mr Plenel. Vous même avez reconnu votre erreur concernant les articles que vous aviez fait sur Panama. On vous a abusé, comme on a abusé de Mr Robert dans l'affaire du corbeau. Là aussi, il y aurait beaucoup de choses à dire. Cette seconde affaire a permis d'étouffer l'autre. Mais je suis déjà trop long. Je m'en excuse.

Pour info, un site rassemble les journalistes sensibles à la liberté de la presse. Ils sont plus de 460 à soutenir le combat contre Clearstream, et ils s'affichent sur http://jesoutiens.blogspot.com/ . L'appel reste ouvert. Vous êtes le bienvenu je pense, de même que tous les journalistes de Mediapart.

Yves Lespagnard

Je me garderai bien d'intervenir dans un débat qui requiert une connaissance dont je ne dispose pas de l'affaire Clearstream et des articles parus sur le sujet dans "Le Monde".
Par contre ces échanges révèlent sans doute un chemin intéressant pour la presse et ses journalistes (et sans doute la politique et ses hommes) : "les crocs"!
Nul doute que la remontée à la surface des partis pris, des erreurs et compromissions d"Edwy Plenel, lorsqu'il dirigeait la rédaction du Monde doit particulièrement l'énerver ou tout au moins le déranger : "me lâcheront-ils un jour ?".
En fait, ce que subit Edwy Plenel dans ce blog, c'est ce qu'il aurait du recevoir d'opposition, de contradictions à cette époque, lorsque son pouvoir l'en mettait à l'abri ! C'est bien évidemment ce qui devrait être le lot quotidien des politiques à qui nous confions un mandat et se croient affranchis d'en rendre compte jusqu'à l'élection suivante.
Ce qui est intéressant, ce n'est pas le débat de spécialistes de l'affaire Clearstream/Robert qui se développe sous nos yeux, c'est que les journalistes de l'équipe Mediapart sont avertis : les "crocs " ne les lâcheront pas s'ils dérapent dans la confusion, l'"à peu près"ou dans le parti pris . Il y aura toujours un ou des spécialistes du sujet abordé pour s'étonner, rectifier et corriger.
Fini pour le lecteur de ronchonner devant son journal...et de passer sans autre réaction possible à celui du lendemain !
Pour une question de temps, ce n'est évidemment pas sur la lecture de tous les commentaires que nous devons compter pour finir par lire une information la plus correcte possible, mais sur la discipline que va devoir s'imposer chacun des membres de l'équipe de Mediapart pour éviter que les "crocs" ne s'accrochent à lui !
L'exercice n'est cependant pas simple car la confusion et la mauvaise foi existe et existerons aussi de notre coté ...ce qui veut dire les tentatives de manipulation aussi !

Bon courage