Global Voices : « Le monde parle, l’écoutez-vous ? »

18/01/2008Par

Une vidéo de soutien. Benjamin Stora explique ce qu'il ne trouve pas dans les médias aujourd'hui et ce qu'il attend de MediaPart : savoir «ce qui se passe dans les pays du Sud. Il faut connaître ces sociétés de départ [de l'immigration], et pas simplement à la faveur d'un déplacement du président de la République, d'un agenda ministériel»...  Pourtant, cette information existe : de manière disséminée, de blog en blog, ou militante sur Indymedia, mais aussi selon des critères plus proches du journalisme avec Global Voices.

Le slogan dit l'essentiel du projet: “Le monde parle. L'écoutez-vous?” Et de fait, le site, qui existe depuis moins de trois ans, réunit chaque mois plus d'un million de lecteurs, qui viennent se tenir au courant des débats qui agitent le monde “sauf l'Europe de l'ouest et l'Amérique du nord”, que les fondateurs estiment déjà amplement couverts par d'autres.

  En décembre 2004, Ethan Zuckerman, cofondateur de l'hébergeur de sites web Tripod et amoureux du Ghana, et Rebecca MacKinnon, ancienne responsable du bureau de CNN à Pékin puis à Tokyo, décident de créer cette agora en ligne. Elle, parce qu'elle refusait de continuer à pratiquer le “tourisme” journalistique lui parce qu'il avait découvert que les blogueurs locaux, parce qu'ils comprenaient finement l'actualité de leur pays et qu'ils partageaient aussi avec les internautes une culture commune, étaient les mieux armés pour servir de passeurs et attirer l'attention. 

 Global Voices comporte désormais un système de veille qui défriche les blogs et sites d'information internationaux. Une quinzaine d'éditeurs polyglottes et dispersés dans le monde, sélectionnent des billets de blog, des émissions de radio, des photos, des vidéos, synthétisent, traduisent, remettent en contexte les débats qui animent leur région et l'actualité qui n'est pas couverte par les médias traditionnels. Et un réseau de près de 100 contributeurs rapporte chaque jour l'actualité (loisirs, culture et humour compris) de leur pays en neuf langues. En 2006, l'agence de presse Reuters a signé un accord pour diffuser certaines revues de web de Global Voices.

Ce modèle inspirera largement MediaPart pour sa couverture à la fois locale et internationale de l'information négligée par les médias traditionnels. Se servir des blogs non comme d'une source d'information prête mais comme d'un capteur des préoccupations et des interprétations locales de l'information, comme un système d'alerte sur tout un pan de l'actualité qui échappe au flux de l'actualité dominante.

   Ethan Zuckerman, cofondateur de Global Voices
"L'information est une chose trop importante pour la laisser à des journalistes"
Crédit : Global Voices  

Considérez-vous les contributeurs de Global Voices comme des blogueurs ou comme des journalistes? 
Tous ceux qui publient dans Global Voices sont des blogueurs, mais nous leur demandons d'obéir à des règles journalistiques. Le travail d’un de nos éditeurs ou de nos correspondants ne consiste pas à dire ce qu’ils pensent mais à rendre compte de ce que les autres blogueurs disent. Dans ce sens, nous faisons du journalisme sur les blogs, pas des blogs. 

Quel est l’avantage des médias participatifs sur les médias traditionnels?
L’information est une chose trop importante pour la laisser à des journalistes. Nous souhaitons créer un dialogue entre tous ceux qui peuvent être concernés par l’information. Pour cela, nous devons faire comprendre à nos contributeurs qu’il leur revient de surveiller et de couvrir l’actualité mieux que les médias traditionnels. 

Comment faire pour être ce lieu d’une conversation globale, plutôt qu’une collection de blogs sans relations ?
Nous aimerions lancer le débat en rendant accessible à un public plus large des points de vue différents, mais c’est assez difficile. Il reste des obstacles majeurs : la langue, la culture, les centres d’intérêt... Donc, lorsque nous attirons l’attention sur des blogs, c’est souvent là que débute la conversation, en dehors de notre site.

Quelles doivent-être les relations entre les médias citoyens et les médias traditionnels pour attirer l’attention sur des sujets négligés?
Il est crucial qu’elles soient bonnes. La majorité des gens ne vont pas chercher leur information dans les médias participatifs ; la télévision, les journaux, les magazines ont infiniment plus d’influence que nous pour dire ce qui est l’actualité et pour fixer l’agenda politique. Mais les médias participatifs leur sont utiles parce qu’ils leur offrent un miroir. Dès lors, les médias traditionnels doivent apprendre à les écouter, à aller y puiser des idées de sujet auxquels ils offriront un auditoire plus vaste.

Comment pouvez-vous garantir la fiabilité de ce que vous publiez ?
Il est à peu près impossible de vérifier les informations dans ce contexte. Mais comme notre travail est de rendre compte de ce que disent les blogueurs, pas de rendre compte de l’actualité, notre tâche est un peu plus simple. Nous tenons compte de la réputation et de la confiance que l’on peut accorder aux blogueurs dont nous suivons les publications. Pour ce faire, nous vérifions, entre autres choses, qui mentionne ces blogueurs et dans quels réseaux ils officient. Les contributions des nouveaux rédacteurs subissent un lourd travail d’édition pour les conformer aux normes de la communauté Global Voices. Après quelques mois de collaboration, l’édition devient plus légère.  

Il serait effectivement intéressant d'utiliser le vécu au niveau local de blogueurs afin de voir certains sujets émerger à contre courant de ceux des journaux traditionnels.

Global Voices Online est passionnant par sa diversité culturelle. Merci pour l'info car il devient de plus en plus difficile de trouver des sites d'information intéressants sur la vaste toile.

Quoi de mieux, pour structurer un forum de discussion, qu'un article d'actualité, lui-même relié à un dossier sur le sujet, avec une chronologie, etc...

L'outil Internet est encore sous-développé.

Une chose est sûre, il pourrait donner un sacré coup de jeunesse au bon vieux courrier des lecteurs...

... mais aussi à un droit fondamental: le droit de réponse.

Il faudrait pouvoir classer les sites d'information, en prévenant les internautes que certains ne prennent pas toutes les réactions. Et en général sans dire pourquoi.

Certains n'acceptent des réactions que sur une partie des articles.

La plupart ne donnent pas la priorité aux réactions signées et identifiables sur les réactions anonymes, ce qui serait pourtant normal.

Il y a donc un tri à faire.

Il me semble normal de trapper les réactions ordurières. Mais dans ce cas, elles doivent rester accessibles, dans une "trappe" certes, donc pas visibles au premier regard, mais que l'on puisse consulter quand même, pour que chacun puisse vérifier que le site respecte ses propres critères d'élimination des réactions ordurières et avoir un recours si sa réaction a disparu.

Rien de pire qu'un "courrier des lecteurs" jeté à la poubelle sans aucune explication.

Pour me résumer je pense qu'il devrait y avoir trois catégories de réactions:

- celles identifiées (par une photo ou une fiche, ou une vraie signature)

- les anonymes qui ont aussi leur place et leur rôle, mais sont (un peu) moins crédibles, tout comme un journaliste ne peut utiliser indéfiniment que des sources anonymes (et encore, lui connait l'identité de la source).

- Celles qui recourent à la violence verbale gratuite ou injurieuse. Il faut les isoler du reste, mais permettre qu'elles restent accessibles à ceux qui le souhaitent, ce qui garantit une certaine transparence des choix du site.