Pologne : sermonner les sermonneurs internautes

11/03/2008Par

En Pologne, une ruée du samedi soir est constatée sur les sites de la Toile proposant des sermons appropriés pour la messe du lendemain. Les visiteurs sont à la fois des prêtres qui entendent commenter les Écritures sans trop se creuser les méninges, mais aussi des fidèles qui pensent ainsi mieux profiter de la parole du prédicateur.

Une telle situation a le don d’irriter le père Wieslaw Przyczyna, responsable du département de la communication religieuse à l’Académie pontificale de théologie de Cracovie. Il y voit la négation, par une dilution dans le virtuel, de la notion même d’assemblée — ecclesia —, dont le mot église tire son nom. Il pense que chaque prêtre doit s’adresser à un public dont il connaît les particularismes, au lieu de débiter des homélies venues d’ailleurs et destinées à n’importe qui. Ne pourrait-on pas lui répliquer que la Toile procure au contraire une chance de retrouver le chemin de l’universel aux sermonneurs, en les désincarcérant des intérêts particuliers, en leur permettant de littéralement «crier sur les toits » (Mt 10, 27) ?

Le Père Przyczyna soulève par ailleurs des questions de droit d’auteur, rappelant que distraire ainsi une prédication peut se payer, selon les lois en vigueur, de trois ans de prison. La prudence, en sus de l’honnêteté, devraient contraindre tout prêtre à ne jamais se faire plagiaire. Mais là encore, ne serait-il pas utile de réitérer que la Bible elle-même s’avère une bibliothèque (comme son nom l’indique) emplie de textes de différentes époques et de différentes origines, marquée de bout en bout par une science du « copier-coller » avant la lettre ?

De surcroît, comme l’ont souligné, au point de soulever quelques débats, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur dans L'Origine du christianisme,  celui-ci n'apparaît-il pas comme un plagiat du judaïsme mené de main de maître? Alors laissons venir à Internet les jeunes prêtres polonais, en bout de chaîne du christianisme, sans les accabler à propos d'un péché absolument véniel…

Ben on a vu comment l’église catholique (celle de l’Etat) a tenté d’influencer les votations en Espagne, il n'en est pas autrement en Pologne… pire encore, il ont eu un pape !

Je crois distinguer ("votation") un anticlérical de la Confédération helvétique derrière ces lignes... Mon propos n'était pas de bouffer du curé mais plutôt de questionner la façon de bouffer de l'Internet de la part d'un prélat cracovien. Mais chacun est en droit de lire à sa convenance, de réagir à sa guise et de choisir son "bouc émissaire" (Lv 16, 5-10)...

Je sais…, je sais, on n’arrête pas de me le dire… je ne sais ni lire ni écrire mais voilà que tous veulent mon «vote» pour ou contre le bout de trottoir dans la commune…

Ce que j’ai dit ne concerne en rien du dit: «bouffer du curé» (encore majoritaire en France (lol))…

Vous avez été voir une partie de la chose que vous rapportez mais il m’en manque bien d’autres… je me permet de les dire (écrire).

PS: quand est-il des TV ???

C'est article me semble bien faible, au contraire d'articles précédents d'Antoine Perraud...

Deux aspects ne sont pas du tout discutés: Tout d'abord, le christianisme, comme toute autre religion, est autant (si ce n'est plus) une pratique qu'une doctrine, mais cette pratique est centrée autour de la Parole, et d'une parole incarnée. Le rôle de l'homélie devrait donc être central, en incarnant justement cette parole (cf l'étude anthropologique de Susan Harding sur la conversion chez les Fundamental Baptist). Ce qu'il regrette, c'est donc moins la paresse de jeunes prêtres qu'un affaiblissement du culte par la récitation d'un message désincarné.
Un second aspect tiend à la position actuelle du catholicisme en Europe, notamment du manque de vocations qui rend plus difficile la mission du prêtre. Cette vérité-là, le père Wieslaw Przyczyna n'en discute pas dans cet entretien de The Independent, et il aurait été intéressant d'avoir une enquête plus fournie qui puisse servir de contrepoint.
Enfin, le point central, comme souvent avec l'Eglise catholique en Europe, semble être la difficile négociation de la modernité, et plus particulièrement de l'héritage de Vatican II: paradoxalement, le refus des copyrights et de l'attribution des sources peut en effet sembler plus fidèle à certains aspects de l'histoire du christianisme, et le respect des lois un fait relativement récent.

Merci pour votre soutien indirect… N’ayant que fait une partie de la primaire je n’ai pas lus autant de livres que vous mais ; nous avons senti la même chose… il y manque quelque chose à cet article…

Quelques précisions : l'article de L'Independent de Londres mis en lien reprend, notamment pour les propos du Père Przyczyna, un article du grand quotidien de Varsovie Gazeta Wyborcza du 28 février.
"Une enquête plus fournie" (fournie tout court) était possible, mais ce n'était pas l'objet ni l'ambition de ce petit papier, qui se voulait juste, dans un format court (car Mediapart, comme le morse, est constitué de brèves et de longues...), un coup de projecteur sur une question symptomatique. Ensuite, chacun peut lui donner le prolongement qu'il souhaite : la crise des vocations sacerdotales, la question d'une parole incarnée, ou la négociation de la modernité. De ce dernier point de vue, le christianisme, roi de la "logosphère" et prince de la "graphosphère", pour reprendre les termes de Régis Debray, le christianisme qui inventa la "propagande" (de la foi), le christianisme qui a su dans bien des cas négocier la modernité de la "vidéosphère", connaît une panne devant l'obstacle d'Internet par le truchement du Père Przyczyna. Cette défaillance "médiologique" (toujours Régis Debray) me semblait intéressante et digne d'être portée à la connaissance des lecteurs de ce pré-site, non pas sous la forme d'une enquête mais, donc, d'un repêchage d'une information déjà noyée dans les profondeurs électroniques.

C'est cette idée que le Père Przycyna a un problème avec la modernité qui me semble erronée. Au contraire, c'est cette utilisation d'internet comme mass-media qui est presque archaïque et nous ramène à l'ère de la télévision. Son opposition à un christianisme désincarné qui ne serait pour le coup qu'une pure propagande, et son appel à relocaliser le prêche sur la communauté priante, en d'autres mots une "décentralisation" du catholicisme, est d'une grande modernité! La reprise de prêches "ready-made" fait beaucoup plus penser aux télévangélistes américains qu'au catholicisme, et il est bien compréhensible qu'il s'y oppose...

Je m'excuse, je m'étais trompé de vocable. En parlant d'enquête plus approfondie, je pensais analyse plus poussée. De plus, ce travail de repêchage d'informations englouties parle déluge ininterrompu de l'actualité est intéressant. Mais il ne me semble pas que l'opposition entre les vieux et les jeunes prêtres, qui recouperait une opposition entre une forme de traditionalisme et ceux qui sont au contraire "dans le coup", soit particulièrement juste ou intéressante. Plutôt que Régis Debray, il eut été plus juste de s'adresser à Michel de Certeau, par exemple.

Merci pour votre contribution, qui insiste sur l'essentiel (l'incarnation et la désincarnation) et rappelle qu'Internet, en sa neuve jeunesse, charrie de l'archaïsme (pour abonder dans votre sens, un bimensuel fort ancien de l'Église polonaise, Biblioteka Kaznodziejska, dépanne les prédicateurs : la galaxie Gutemberg n'avait pas attendu la galaxie McLuhan).
Quelques précisions supplémentaires à propos de cette affaire dans la mère de toutes les dépêches, in Catholic News Service :
http://www.catholicnews.com/data/stories/cns/0801063.htm