Mediapart s'installe à Paris, dans le XIIème

10/03/2008Par

Ca y est, nous sommes installés. La rédaction de Mediapart a quitté la pénombre provisoire d’un studio photo, rue Léon Frot, pour brancher ses blancs ordinateurs en plein cœur du XIIème arrondissement de Paris, entre le marché d’Aligre et l’hôpital Saint-Antoine. A l’Est de la capitale, le douzième n’est pas un quartier comme les autres… Pour un peu, on dirait presque une allégorie du projet Mediapart.

 

Une allégorie historique? Comme Mediapart, le douzième porte en lui le souffle du changement, en voulant sans cesse bousculer l’ordre établi. Le quartier a un passé plutôt mouvementé car la Bastille a toujours été l’épicentre des grandes insurrections. En rouvrant les manuels d’histoire, on apprend que « les deux tiers des insurgés lors de la prise de la Bastille en 1789 provenaient du faubourg Saint-Antoine. Sous la Terreur, on installe la guillotine sur la place de la Nation. Entre le 14 juin 1794 et le 27 juillet 1794, le couperet fait de nombreuses victimes. Au total, mille trois cents têtes tombent." Ah ça ira, ça ira, ça ira...

Le manuel reprend: "Rapidement les habitants du quartier se plaignent des odeurs de sang séché et des corps en putréfaction qui rendent l'air irrespirable, surtout par temps de chaleur. En 1848, le peuple se soulève une nouvelle fois contre le régime en place. Des barricades sont alors élevées sur la place où le trône du roi Louis-Philippe est symboliquement brûlé. Les nombreux morts de cette Révolution seront inhumés sous la colonne, venant rejoindre ceux de 1830. Le dernier soulèvement populaire du XIXe siècle se produit de nouveau place de la Bastille. Les défaites contre la Prusse déclenche, en 1870, des émeutes sanguinaires qui vont contribuer à la chute de l'Empereur Napoléon III ».

"Vous allez voir comment on meurt ici pour 25 francs". A quelques mètres de Mediapart, devant le 151 rue du Faubourg Saint-Antoine, est tué le député Alphonse Baudin en 1851. Sur place, Laurent Mauduit nous raconte cet épisode marquant de l'histoire de la République.

Cent ans plus tard, le faubourg Saint-Antoine dont la grande majorité des logements n’est plus aux normes d'hygiène, est toujours occupé par les classes populaires. Fils d’ouvriers, Alain Madelin y a d’ailleurs vécu son enfance. Dès les années 1980, l'arrondissement attire de nouveaux habitants au profil artistique. Ces néo-bobos ou anti-yuppies s'installent dans les anciens ateliers d'artisans abandonnés, transformés en loft, aux loyers modérés. Cette installation a été favorisée par l'inauguration de l'opéra Bastille en 1989: elle offre au quartier une nouvelle jeunesse.

Les promoteurs immobiliers suivent la cadence et détruisent les vieux bâtiments pour les remplacer par de nouvelles constructions plus hautes, plus denses et plus chics. Mais les voix s'élèvent contre un développement anarchique du quartier, en contradiction avec son identité. La municipalité réagit en adoptant en 1994 un plan de protection et de mise en valeur, afin de préserver le tissu urbain du faubourg et d'assurer une mixité entre les activités artisanales et le logement.

La "promenade plantée" traverse tout l'arrondissement et permet de relier l'Opéra national de Paris au bois de Vincennes. Pour briser le caractère linéaire de la promenade, des jardins contigus sont dessinés comme le jardin Hector Malot ou le jardin de Reuilly. Le tunnel de Reuilly, sous lequel passait le train, est transformé en grotte appréciée des touristes.

Une allégorie géographique? Pas question de ranger la rédaction de Mediapart dans le tiroir d'un certain parisianisme déconnecté de la réalité. Le douxième, c’est rive droite près de la gare de Lyon et donc à deux pas de Marseille où nous étions jeudi 28 février, dans le cadre de nos débats sur l’avenir de la presse, à travers le pays.

Une allégorie sociologique? Le douzième est un quartier familial, plutôt résidentiel, au passé ouvrier et qui, à travers un panel de mesures, a su conserver une certaine mixité sociale. Ici, nous partageons nos locaux avec des logements sociaux flambant neufs. Autour de nous: une crèche, un jardin collectif pour les habitants, des commerces de proximité et de nombreux restaurants aux saveurs orientales. 

Une allégorie politique?
Mediapart se défend de toute appartenance politique, comme en témoigne la diversité des vidéos de soutien, de l’UMP à la LCR ! Le douzième arrondissement joue également  l’alternance depuis 1977, entre l’UDF et le PS. Pour le premier tour, la campagne municipale du quartier a offert une lutte sans merci entre le candidat UMP Jean-Marie Cavada, la candidate du Modem Corinne Lepage et la mairesse actuelle candidate à sa réélection, Michèle Blumenthal, également députée suppléante de Patrick Bloche, socialiste à l’Assemblée.

Une allégorie spirituelle? Le douzième est depuis trois ans le "placard", selon son expression, du très médiatique père Alain de la Morandais. Il officie et met à jour son blog, du fond de sa petite chapelle, place Henry Frenay au pied de la gare de Lyon. Le prêtre catholique a longtemps été l’aumônier de la classe politique, à l'assemblée comme au Sénat. Dans l'interview vidéo ci-dessous, il nous livre ses meilleurs moments, dans le douzième comme dans les hautes sphères de la politique. Mediapart ira chercher les confessions des parlementaires, jusque dans la salle des Quatre colonnes de l'Assemblée nationale.

Enfin, le douzième arrondissement ne serait pas complet sans le marché d’Aligre qui fédère bobos et prolos, aimant remplir leur panier. Encerclé par une pléthore de restaurants, vous y croiserez sans doute bon nombre de nos journalistes à l’heure du déjeuner.

Le marché, essentiellement des fruits et légumes, est tenu en majorité par des Egyptiens. Il ouvre tous les jours, sauf le lundi, et tente comme il peut de préserver sa réputation du marché le moins cher de Paris. Okba, marchand de primeurs : « Il y a vingt ans, on venait de toute l’Ile-de-France pour faire ses achats. Hors, le marché s’est réduit, il y a moins de places pour se garer alors nos clients sont en majorité des locaux ». Le marché sert aussi de baromètre du pouvoir d’achat: « Les gens achètent moins. Le lait et les pâtes ont augmenté mais certains légumes sont aussi beaucoup plus chers ».Voire de tribune politique car l'on y distribue à tour de bras des journaux militants et chaque conversation semble un prétexte pour refaire le monde et parler des municipales.

La rue d'Aligre cristallise aussi les utopies d'une association de quartier dynamique: la commune libre d'Aligre, qui multiplie les ateliers-cuisine, les vernissages et les débats pour rassembler les habitants, quand ils ne sont pas au café associatif ou dans le jardin potager du passage Brulon créé il y a trois ans.

Autre lieu stratégique du douzième et voisin de notre rédaction: l’hôpital Saint-Antoine, construit en 1796. Spécialisé en cancérologie et en médecine digestive, cet établissement de 780 lits est aussi le fief de Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes hospitaliers de France, qui nous a accordé une vidéo de soutien.

Et pendant ce temps, la jeunesse frissonne. Depuis samedi matin, aux abords du palais Omnisports de Bercy, des centaines d'adolescentes ont planté leurs petites tentes avec l'espoir d'être en pole-position dans la file d'attente du concert événement des Tokio Hotel lundi. C'est dur la vie d'une fan: soutenez Mediapart!

Voici, en bouquet final, une vidéo embarquée (à bord d'un Vélib') pour une balade rapide dans le douzième arrondissement. Estomacs fragiles, s'abstenir!
 

Joli article.
Il manque les photos de la salle de rédaction et de l'équipe au travail...

Si l'on cherche bien sur Flickr, on devrait pouvoir trouver ça:
http://www.flickr.com/photos/nfmison/sets/72157604067632887/detail/
Bizarrement, d'ailleurs, on ne voit que Jordan (Pouille) et Mathilde (Mathieu) travailler sur ces photos:
http://www.flickr.com/photos/nfmison/2316448005/in/set-72157604067632887...
http://www.flickr.com/photos/nfmison/2317259786/in/set-72157604067632887...

Je ne doute pas un seul instant que vous soyez gagnants avec ce déménagement.
Un regret, cependant, vous vous éloignez du bistrot à vin de Jacques Mélac, haut lieu de pèlerinage pour tout pochard conséquent.
A la votre...et bon vent !

Jolie démonstration de savoir faire, surtout à vélo !
Vous avez intérêt à leurs interdire le Vélib si vous tenez à garder votre effectif
au complet.
Félicitation pour ce document notamment sur Delescluze et Baudin.
Ne pouvant pas venir sur Paris le 15 mars j’espère moi aussi un reportage sur vos locaux.

@Jacques T.
Certes, ils se sont éloignés de Jacques Mélac, mais se sont rapprochés du Baron Rouge
Merci pour la balade : les rives de la Méditerranée ne m'ont pas fait oublier mon quartier parisien

Bien sur, cher silvio, mais les jours où vous serez à paris, vous rendez vous compte de ce que cela veut dire...Mais non, je t'assure, le vouvray est meilleur là! Mais non, je te dis qu'il est mieux là bas, on y retourne... On va se coucher à pas d'heure...

Bonjour,

Merci pour tous ces liens et videos, il y a longtemps que je ne suis allé à Paris, ( nostalgie ), alors il est plus que sympatique de nous montrer votre petit coin de village dans Paris.

Courages, sourires, un p'tit verre.......et au boulot.... tous.

Au plaisir.

Michel Zim

Bonjour,

Sylvaine, reporter photo, si ça vous dit ;-)

http://zemagicsyl.hautetfort.com/

kairos

votre site est très attrayant!

J'aime beaucoup ce style d'article parsemé de liens et de vidéos.
C'est prometteur pour la suite.

Très sympa, merci, et j'aime les références à l'histoire des quartiers.
Ma première adresse à Paris : un foyer de jeunes filles dans le XIIème, en 1969.
Je me joins à ceux qui réclament un petit reportage dans les locaux de la rédaction.

Le reportage sur nos locaux viendra très vite!

Gros bras et petites mains ont travaillé d'arrache-pied pour emmenager au mieux, passage Brulon.

On pend la crémaillère et on fait la java pour fêter les nouveaux locaux !!!

Une médiaparty ?

Bienvenue à MediaPart
au coin de ma rue.

Je me suis inscrit spontanément dans le but de recevoir une information "propre" et qui ne se sentira pas tenue de faire des couvertures un peu "putassières" pour tenir son budget.

Je souhaite défendre cette chose essentielle qui est la clef qui ouvre l'espace vers toutes les solutions : LA DIGNITE
dans tous les comportements :
- quotidiens ou exceptionnels
- qu'on soit riche ou pauvre
- qu'on soit connu ou inconnu.
LA DIGNITE

A partir de là, tout peut être repensé et possible

Bravo à tous !!!!

Bonjour William Radet,

Entièrement d'accord pour la DIGNITÉ,

j'ajoute pour les mêmes raisons le RESPECT,

Belle journée.

( vive Paris et le coin de votre rue.)

Michel Zim

Moi, j’espère vivement que dans vos nouveaux lieux (locaux) vous ayez assez de place pour vos archives…

(Vive la vérité dans les archives non trafiqués; des perles dans le futur…)

kairos

Dommage, Jean Marie Cavada ne pourra rien faire pour vous...

Solon

Bonjour à tous,

Trés sympa et original l'article de Monsieur Jordan Pouille! J'apprécie les explications historiques sur le quartier, que j'ai "visité" en 2005.(Provincial aimant Paris).
Je rejoins l'opinionde William Radet (pardon j'ai oublié Mr) et de Mr Michel Zin sur LA DIGNITE ET LE RESPECT.
Je me suis inscrit spontanément pensant que Mediapart serait différent, je ne suis pas déçu et c'est prometteur pour la suite!
Bravo à vous tous pour cette "nouveauté" et dites vous bien qu'aux risques que vous prenez et au travail que vous effectuez, correspond la joie des lecteurs qui ont encore "du soleil" dans la tête.
Merci et encore bravo à tous

Solon

Ah j'avais oublié de parler du "côté" informatique de
Mediapart qui est super bien fait et réactif, enjoye, enjoye avant les critiques , il y a toujours des ronchons.

Une suggestion d'article (peut être déjà fait...) : faire découvrir la confection de Mediapart et le rôle des "soutiers" des temps modernes, les informaticiens (comment est la machine à café ?).

Article superbe et allégorique, l'installation dans le quartier historique et la visite en "véliberté" ont renforcé mon adhésion au projet de Mediapart.

Si besoin était.

Dominique.