Des tuyaux, des contenus : ce que l’on paie et le reste…

06/12/2007Par

Le lancement de MediaPart provoque une discussion animée, ici et sur divers blogs, sur le caractère payant de l'adhésion au futur site. De nombreuses études qui concernent directement Internet et son économie permettent d’alimenter ce débat. En matière de tarification, on distingue traditionnellement deux « couches » sur Internet : l'infrastructure, qui comporte les ordinateurs, les logiciels, les réseaux et l'accès Internet ; les contenus, qui composent tout ce qui est accessible sur Internet.

On a pris l'habitude, aujourd'hui, de payer pour l'infrastructure – et les projets de réseau alternatif libre et gratuit qui fleurissent à chaque révolution technologique échouent à peu près systématiquement. A contrario, payer pour les contenus pose visiblement problème. Le modèle publicitaire continue d'être brandi comme le seul réaliste. Or le « ticket d'entrée » en termes de fréquentation pour accéder à des revenus publicitaires ne fait que croître. Et les publicitaires clament haut et fort que le marché publicitaire mondial ne peut pas croître jusqu'au ciel.

Le modèle des contenus payants a souffert du malthusianisme des distributeurs culturels (livre, musique, vidéo). Ils ont laissé se développer une offre illicite paradoxalement plus pratique et plus complète que la leur. Pour autant, certains marchés semblent se prêter à une offre « payante », de la presse professionnelle aux sites de rencontres en ligne, par exemple.

Cette vision repose sur deux hypothèses. En premier lieu, celle que l'infrastructure est un bien « classique », dont les coûts sont importants, alors que les contenus seraient un bien d'une autre nature. L'autre hypothèse est que la qualité des contenus est tributaire de celle de l'infrastructure (pas de vidéo streamée sans hauts débits, par exemple) mais, qu'au-delà, la qualité d'un contenu n'est pas tributaire de celle d'un autre contenu.

C'est cette deuxième hypothèse qui est aujourd'hui remise en cause par ceux qui pensent que les contenus ne sont pas indépendants les uns et des autres. Il existe, assurent-ils, certains contenus « primordiaux » qui sont des éléments cruciaux pour la qualité des autres. Ces contenus primordiaux ressembleraient alors aux éléments de l'infrastructure : participer à leur production ou à leur financement pourrait avoir du sens non seulement directement pour les consommer, mais aussi parce que leur disponibilité améliore la qualité d'autres contenus. On les appelle volontiers infostructure.

Le premier exemple qui vient à l'idée est Wikipedia. En offrant un premier niveau de connaissance sur à peu près n'importe quel sujet, l'encyclopédie en ligne, malgré ses insuffisances, contribue à améliorer considérablement les articles des bloggeurs qui l'utilisent pour se documenter. Mais il existe bien d'autres exemples : la structuration des débats et les règles de modération sur des forums, qui ressortent de ce que certains appellent l'architexte (du texte qui contribue à architecturer, à structurer, d'autres textes), jouent un rôle crucial pour la qualité des débats sur un forum.

On substitue ainsi à la dichotomie infrastructure/contenus, une vision infostructure/communauté, où c'est l'ensemble de l'infostructure qui permet à la communauté d'émerger, de produire collectivement. Si l'infostructure est présente – et donc si quelqu'un paye pour elle – la communauté de qualité est gratuite. L'exemple cité par Benoît Thieulin dans son article sur la « blogosphère du non », lors du référendum européen de 2005, l'illustre à merveille : sans mise à disposition du texte sur Internet, pas de débat possible. Sans référence au texte, toutes les manipulations sont permises.

Qui paye pour l'infostructure ? Dans bien des cas, elle apparaît quasi-gratuite, parce que les économies d'échelle peuvent être phénoménales. Linux, Wikipedia ou d'autres ne sont pas gratuits : ils ont coûté un prix considérable (en temps passé par les uns et les autres, en infrastructure nécessaire pour que la mise à disposition sous forme libre soit possible). Mais un système d'exploitation, comme tout logiciel, peut être produit « une fois pour toutes » (ligne à ligne, tout de même). Il en est de même d'une encyclopédie ou d'une base de données de films comme IMDB, par exemple. La production y est cumulative. Chaque acquis ajoute à la valeur de l'ensemble.

Et l'information, qui est au centre du projet MediaPart ? Quelle est l'infostructure concernée ? C'est celle qui permet la discussion collective de qualité, la construction de sens, la confrontation rationnelle des positions et des arguments. Sans construction de faits vérifiés et indiscutables, pas de discussion apaisée, pas de débat de fond, pas de construction de sens. Il suffit d'avoir cherché à discuter sur le fond dans un forum en ligne pour se rendre compte que, trop souvent, le déni, la mauvaise foi et l'invective ne sont possibles que parce que l'infostructure est de mauvaise qualité. Parce que les architextes « forum » et « blog à commentaires libres » sont trop frustres pour permettre l'expression pertinente. Parce que l'anonymat généralisé favorise la querelle. Parce que sans faits vérifiés, il n'y a pas de construction de sens possible. Difficile de discuter des causes de la hausse des prix avec quelqu'un qui estime que « les chiffres de l'inflation sont faux ».

Le problème de l'information est que la produire coûte, en temps et en compétences, qu'on soit un gratuit distribué sur les quais de gare ou un média en ligne. Sur le web, elle coûte moins cher que sur le papier, et c'est la grande promesse de ce canal pour réinventer un média. Mais ce coût demeure, et ne peut être renvoyé aux internautes, sauf exception liée à une actualité particulière (la vidéo amateur qui « dévoile tout »). En d'autres termes, pour l'information quotidienne, la « loi de Linux », chère à Richard Stallman, ne s'applique pas : les faits, à l'inverse des bogues, ne sont pas faciles à trouver, quel que soit le nombre d'yeux qui s'y appliquent.

L'infostructure nécessaire au débat citoyen est donc particulièrement coûteuse, et l'on ne peut pas construire un « gratuit de qualité » sur une infostructure de mauvaise qualité, produite sans règles, sans volonté ni garanties d'indépendance. C'est bien ce qu'on veut dire quand on parle de la presse comme « quatrième pouvoir » dans un régime démocratique. Et le « cinquième pouvoir » que certains ont voulu voir dans l'essor de la blogosphère ne trouve toute son efficacité que quand le quatrième joue son rôle. A défaut, il se réduit à un bavardage certes défoulant, mais sans effet réel. C’est ce qu’ont expérimenté, pour leur malheur, le démocrate américain Howard Dean et la candidate socialiste Ségolène Royal : la meilleure campagne en ligne perd dans les urnes.

C'est parce que, dans ce domaine particulier de l'information, la production de cette infostructure est spécialement coûteuse et l'indépendance non moins nécessaire, que nous avons besoin de votre soutien.

Bonjour
je voudrais reagir a ce commentaire ci dessous

Adhérer c’est aussi contribuer au financement de cette nouvelle maison commune. Inutile de tourner autour du pot : oui, nous demandons à nos membres de payer pour accéder à l’intégralité des contenus et des services personnalisés que proposera MediaPart. Nous le revendiquons même. Pour mieux expliquer que la soi disante « gratuité » -

c’est-à-dire la publicité- a un prix indirect, quelques conséquences très fâcheuses en matière d’indépendance et de qualité,

et qu’elle n’autorise pas aujourd’hui, dans ce secteur si particulier qu’est la production d’informations, un journalisme de rigueur et d’invention.

mon avis
je m'apprette a adherer mais je n'arrive pas a comprendre que les bollore lvmh et lagardere arrivent a fabriquer et distribuer des journaux gratuitement et pourquoi d'autres comme nous ne pourrions en faire autant cela represente beaucoup d'argent comment font ils et s'ils peuvent le faire pourquoi vous ne le pourriez pas en faire autant cela doit etre possible avec le petit plus pour nous l'independance

Alors je vais adherer mais reflechissez a cet argument
de plus actuellemen vous etes plusieurs sur ce creneau la tele libre et arret sur images groupez vous et reflechissez ensemble

peut etre notre maison commune pourra s'agrandir tout en restants independants

bon courage

Attention à l'anonymat.

Ce n'est pas la première fois que, sur le site de Mediapart, la référence a Wikipedia m'inquiète. Je conteste le principe même de Wikipedia car je ne crois pas que la qualité de l'information sorte spontanément de la confrontation generalisée des points de vue. Sur Wikipedia on trouve de tout sur tout écrit par des gens généralement bien intentionnés (heureusement). Mais, dès qu'un sujet dépasse le niveau moyen de connaissances du grand public, il ne suffit pas d'avoir suivi un cours de première année d'Université pour le traiter. Or l'anonymat permet à ces personnes d'avancer ce qu'ils croient être leurs connaissances en se disant que
1- ils ne risquent rien. Et j'insiste, meme lorsqu'on recherche sur le site de Wikipedia l'origine des contributions on ne trouve pas de qui il s'agit: ou bien on tombe sur un pseudonyme ou bien sur un site indéchiffrable.
2- ils comptent sur la masse des autres pour corriger leurs eventuelles erreurs.

Dans ma discipline, la Physique, les articles sont souvent pleins d'erreurs et ne sont donc pas fiables. Lorsque je dis cela, on me répond souvent: "mais vous n'avez qu'a les corriger! Jouez le jeu !" Je ne peux pas, je n'ai pas le temps, il faudrait souvent tout refaire, la tâche serait colossale.

Pour ce qui est du journalisme, je ne crois donc pas non plus à un journalisme participatif. Je souhaite trouver de l'information documentée et indépendante dans mon journal et c'est pour cela que je me suis abonné à Médiapart. J'espère vivement que, comme promis, Médiapart fera de gros efforts d'enquête et ne se contentera pas, comme trop souvent la presse écrite d'aujourd'hui, de relayer de l'info faite ailleurs et de l'assortir de commentaires plus ou moins partisans. Mais le mot "participatif" m'inquiète si cela doit fonctionner comme Wikipedia. Autant la possibilité donnée au grand public de s'exprimer sera précieuse, autant je crains que l'anonymat soit un obstacle à la qualité des infos apportées ou des arguments dans le débat éventuellement suscité.
J'ai lu aussi sur Médiapart que l'on comptait sur la notation par les autres pour sélectionner la bonne info utile de l'inutile ou de la fausse. Alors là, je m'insurge: tomberait-on déjà dans la dictature de l'audimat ? Si je vais chez un disquaire, est-ce pour ne trouver que les disques achetés en grand nombre ? ou pour trouver des disques qu'ont pu trouver intéressants au moins quelques musicologues ou critiques? Si j'écoute un homme politique me présenter son programme en vue d'être élu, ce n'est pas non plus pour entendre un mélange de propositions majoritairement soutenues par un groupe d'électeurs virtuellement rencontrés sur internet, c'est pour apprécier sa réflexion politique propre, soigneusement construite à partir d'arguments qu'il devra détailler pour me convaincre. Il me semble donc aussi que la "démocratie participative" est une illusion quelque peu démagogique.
Je souhaite que l'information sur Médiapart soit faite par de grands professionnels sans intérêts patisans. Et, au risque de me répéter, je ne crois pas que l'info de qualité sorte spontanément des facilités de mise en réseau via internet.
C'est difficile ? Certes. Mais il y a parfois de petits détails qui changent beaucoup de choses. Je vous propose donc de bannir l'anonymat, en particulier l'usage de pseudonymes. Il faut être responsable au vu de tous de l'information ou des opinions que l'on émet.

Bonjour,

Merci pour votre commentaire. Wikipedia est effectivement pleine d'erreurs, de défauts, etc. C'est vrai, et c'est ce que je montre régulièrement à mes élèves. En fait, vous renforcez mon analyse puisque même pour des contenus potentiellement aussi "cumulables" que ceux qui composent une encyclopédie (mais vous serez sans doute d'accord avec moi pour considérer qu'une vision "cumulative" ne reflète pas la réalité du savoir), il s'avère difficile de dépasser un premier niveau "honnête" dans de nombreuses disciplines.

Ceci dit, le projet Mediapart distingue je crois utilement les contenus de type "faits", qui doivent être créés par des professionnels du journalisme (selon les règles, techniques et méthodes les plus efficaces et garantes de la meilleure qualité) et les contenus de type "opinion", qui peuvent être créés par tout citoyen. Pour ces derniers, il est beaucoup plus difficile de définir une "procédure" de production unique, et pour parvenir à la qualité il faut en passer par les logiques classiques de soumission, sélection et ré-écriture. Le Projet Mediapart marchera sur ses deux jambes s'il offre des contenus de qualité des deux types (oui, je sais, c'est également une simplification, mais distinguer faits et opinions est une utopie utile du journalisme de qualité).

Reste enfin la question de l'anonymat. Je suis résolument contre l'anonymat, et le fait que rue89.com y ait renoncé justement cette semaine me semble démontrer que cette idée est en train de faire son chemin (à moins mais j'espère que ce n'est pas le cas pour r89 que ce ne soit que le modèle publicitaire s'avère difficile à tenir si l'on ne peut pas "vendre" un public que l'on connaît bien et donc qui s'identifie et se qualifie). En revanche, il me semble que le pseudonymat soit acceptable. D'abord, c'est une tradition ancienne, qui dépasse l'internet, et qui a connu son utilité (de Beuve-Méry signant ses billets d'un pseudo en une du Monde aux témoignages sous pseudonymes qui ont conduit, si je me souviens bien, à la création de la CNIL suite au scandale de "Safari" dans les années 1970). Ensuite, les travaux de sociologues comme Shirley Turkle ont montré que les contributeurs à une communauté produisent une "facette" de leur personnalité, mieux exprimée parfois sous pseudonyme que sous leur nom véritable, qui implique des équilibrages entre sphères (professionnelles, relationnelles, familiales) propres parfois à décourager l'écriture (on peut le regretter, mais cela semble établi). Enfin, force est de constater que nous ne savons pas, aujourd'hui, ce que l'on pourra faire, demain, de nos articles signés, référencés, archivés (par Google, certainement, par d'autres, sans doute). Et il est certains cas où certains ne souhaiteront pas, à juste titre, que leur nom véritable apparaisse.

Je remercie Godefroy Beauvallet d'avoir bien voulu prendre le temps de me répondre aussi longuement.
Il a certainement raison de m'objecter que nous ne confondrons pas les contributions des journalistes et celles des internautes-adhérents. Il reste néanmoins le problème de la qualité et de l'évaluation de nos commentaires.
Je crois aussi que les motivations de Beuve Méry (ou de Romain Gary-Emile Ajar), lorsqu'ils ont utilisé un pseudonyme, ne sont pas les mêmes que celles des blogueurs ou des contributeurs pseudonymes de Wikipedia. Je ne vois vraiment que deux justifications possibles au "pseudonymat" de ces derniers: ou bien c'est une question de mode, une sorte de jeu, ou bien (et je crains que ce soit plutôt cela) c'est une manière d'avancer caché pour dire des choses dont on n'est pas sûr ou, pire, dont on ne souhaite pas assurer ouvertement la responsabilité. Je maintiens donc ma proposition pour les internautes. Je souhaite aussi que Wikipedia, compte tenu de son succès massif, réfléchisse à ma proposition pour améliorer la qualité de son contenu.

Au sujet de l'anonymat, je suis totalement d'accord avec Sébastien Balibar. Selon moi, l'anonymat et le pseudonymat ne relèvent pas de la même motivation. Dans l'anonymat, la personne ne tient pas à signer, elle semble ou souhaite disparaître derrière le contenu, mais, chose paradoxale, c'est cette absence qui intrigue le plus...La question qui reste est qui et où est le sujet ? Das le cas du "pseudonymat", par contre, elle se travestit. Ce travestissement suit des modes, des tendances. Il n'est pas toujours aisé d'assumer une prise de parole et certains préfèrent avancer en tenue de camoufflage.

Mais vous n'avez qu'a les corriger! Jouez le jeu ! :)

Si vous avez le temps pour lire les articles et relever les erreurs, vous avez certainement le temps d'en corriger quelques unes. Si une réécriture complête est nécessaire mais hors de votre portée en termes de temps disponible, contentez-vous d'une annotation attirant l'attention sur le problème detecté.
Si chacun procède de la sorte, alors la qualité s'améliorera.

Quant à l'anonymat, ça me semble être un faux vrai débat (concernant Wikipedia) : que vous apporterait un nom ? Et quand bien même, que vous apporterait la connaissance des antécedents du rédacteur ? Une rassurance quant à ses lettres de noblesses sociales ? un tampon universitaire ? le fait d'avoir publié dans une quelconque revue où des pairs se choisissent les uns les autres ? Ou encore la possibilité de jeter l'opprobre sur le contributeur qui s'est trompé ? Quel intérêt ?

Bannir les pseudonymes, critiquer Wikipedia sans se donner la peine de prendre sur son temps, à la différence de ses contributeurs pour le corriger ou l'améliorer, ne voir rien d'autre dans le débat participatif qu'une illusion démagogique...

En résumé, cher Sébastien Balibar, vous serez bien sur Internet le jour où Internet sera tout ce qu'il refuse d'être: un repaire d'experts adoubés par leurs pairs, prêchant la bonne parole et refusant de la remettre en cause, voire même en discussion avec la plèbe.

Alors un conseil pour vous, en toute amitié et sans animosité aucune: allumez votre télé, ou lisez un bouquin d'un de vos collègues, ou achetez un journal, bref, il y a foultitude de choses déjà existantes qui vous contenteront sans problème, mais éteignez votre ordinateur et continuez à être persuadé qu'Internet ne constitue pas un progrès médiatique révolutionnaire.

Ou mieux, changez d'opinion et abonnez-vous à MédiaPart. Si ce site tient ses promesses, je vous garantie qu'il démontrera qu'en démocratie, toute réflexion politique aussi grande soit-elle, toute information aussi cruciale soit-elle sont vaines si elles ne sont pas expliquées, commentées, débattues avec les citoyens. Que ce sont les défauts de ces débats démocratiques et du lieu même où les mener sans sectarisme partisan qui nous ont valu, entre autres, Le Pen au deuxième tour d'une présidentielle, Sarkozy président, et peut-être pire pour demain.

Les civilisations antiques sont là pour témoigner qu'aucune république démocratique n'est viable sans un forum, une place publique où élites et citoyens peuvent se rencontrer et discuter ensemble de l'avenir de la cité.

Je prie pour que MediaPart soit enfin le premier chemin vers cette place trop souvent entrevue mais encore espérée.

ANONYMAT
Je me suis inscrite et je pense que je vais adhérer d'ici peu : je n'ai tout simplement pas encore eu le temps de tout lire, de tout écouter, sur media-part.
L'idée me plait beaucoup, ce projet vient combler un vide, un manque.
J'ai choisi ce pseudo, pas très original, de peneloppe, et cela m'a mise en mal à l'aise : c'est vrai, à la réflexion, signer de son nom me paraît plus démocratique.
Je propose qu'à ce stade de développement de media-part, un débat soit lancé sur cette question, plus centrale qu'il n'y paraît à première vue, et que cette question soit tranchée lors du lancement effetif du projet.

Et si les adhérents pouvaient décider d'offrir, chaque jour ? pour quelques heures, quelques jours, quelques semaines, des articles, des dossiers choisis, des synthèses ?

Payer pour être parmi les happy few à pouvoir lire la bonne information, est-ce encore de notre temps ?
Pourquoi pas une générosité militante qui convainc par ce qu'elle donne à lire, et pas seulement par les "plumes" qu'elle rassemble ?
Le "très grand public" n'achète pas un "business model" ni des projets à venir dans 3 ou 6 mois.

Pourquoi je ne soutiens pas un projet qui, à l'image de son logo (le crieur de journaux) est dépassé par l'évènement qu'il tente d'investir.
L'internet, l'évènement qui est lieu, qui a lieu.

Mallarmé : "rien n'aura eu lieu que le lieu".

Vous n'avez pas compris l'économie du net et du numérique. Confondez gratuit avec gracieux, vous n'avez pas compris qu'un logiciel libre, par exemple, n'est pas un logiciel gratuit, mais un logiciel gracieusement mis à disposition du public. L'argent se fait, non plus sur l'objet, inestimable bien commun, mais dans sa périphérie, toutes les possibilités de valeurs ajoutées à ce qui n'a pas de prix.

Ce "pas de prix" n'est pas, encore une fois l'idée de gratuité. Un logiciel libre génère de l'argent. Beaucoup quelques fois. Ce "pas de prix" a la valeur de la grâce du don. Beauté du geste.

L'internet, ce lieu que vous investissez benoitement, procède de l'économie du "libre libre-échange". Non pas seulement du "libre-échange" qui suppose qu'on paie ce qui est offert à la vente, mais d'une liberté supplémentaire et précise et qui subsume le seul "libre-échange".
Cette liberté n'est pas arbitraire, elle correspond aux capacités du matériau numérique : copies infinies, diffusions innombrables, transformations à l'envi des données.
Constitution de biens communs et de singularités hors-paires.

La liberté n'a pas de prix, contrairement à ce que vous tentez de faire croire. Elle n'est pas non plus gratuite, elle n'est pas arbitraire : elle procède de la beauté du geste qui fait la vie possible. Tout simplement.
Votre économie est déterminée par le geste analogique. Il est pesant. Votre économie est minée.

Pour les contenus, des licences libres existent qui ont saisi l'économie du transport réticulaire des données culturelles. Ainsi Creative Comons, Art Libre, etc.

Il y a beaucoup à lire, l'information circule, impossible d'échapper aux points de vue. Les journaux gratuits s'imposent aux lecteurs et ce n'est pas gracieusement, c'est par la force de la communication publicitaire. Pourquoi voulez-vous que 'on investisse dans une information qui n'a pas même la possibilité de procurer le plaisir du papier ?

Quel combat est le vôtre ? Il parait d'arrière garde, comme le montre votre logo fin de siècle.
Le combat (tiens ! ce fut le titre d'un titre et non des moindres...) dans le net et avec le net c'est accéder à l'état de grâce économique qui suppose le beau, le bon, le vrai journalisme.
Où en est le journalisme aujourd'hui ?
Vous vous jetez dans l'océan du net : vous serez noyé par les blogs d'infos.

Si l'internet est le moyen (facile) de perpétuer un journalisme dont l'économie interne (c'est à dire la relation que le journaliste a avec l'information et le monde) n'est pas bouleversée par le lieu de sa diffusion, ce n'est pas la peine. Pire, c'est acter une "mal veillance".

Voyez bien : ce qui marche, c'est ce qui est libre selon l'économie propre au lieu. C'est cette liberté sans prix, inestimable, qui fait moteur et qui transporte.
Logiciels libres, dispositifs de dons, contenus gracieusement offerts.
L'économie n'est pas dans la chose inestimable, elle est tout autour. C'est l'immatériel qui fait ça, pas même une idée, une idéologie, un volonté, non, une im-matière, un im-possible possible.

Courage et à bientôt, tout le monde peut se tromper.

Je viens de m'abonner ! Pourtant comme beaucoup ici je suis une adepte du "web libre " et évidemment gratuit. Mais pourquoi serait-il normal d'acheter une presse écrite sur papier et pas une presse sur écran ? Ce qui m'importe c'est la qualité de ce que j'achète. Evidemment il y a le bénévolat et j'espère que tous ceux qui peuvent et veulent contribuer de la sorte pourront le faire en particulier pour l'information locale souvent édifiante. Toutefois cela ne remplacera pas le travail des professionnels et comme ces derniers doivent pouvoir vivre de leur travail... je vois mal comment aboutir à un journal gratuit sauf à passer la main à des sponsors mais là on retombe vite dans les affaires de gros sous avec tous les risques que cela représente.
J'ai donc payé mais maintenant j'attends du solide et de l'original !
Entre nous je préfère donner une chance à une initiative audacieuse que de payer ma cotisation à un parti politique en décrépitude.
Bonne chance à MediaPart et surtout bon courage aux créateurs

Je trouve le modèle payant Internet moins Démocratique et performant économiquement que le modèle payant papier.

En effet, pour les non-abonnés à une édition papier il est toujours possible d' accèder assez facilement et par hasard à la lecture du journal : salle d'attente, café, journal qui traine et que l'on récupère, etc...

De ce point de vue, le prix de la Liberté demandé par Mediapart est très, très chère.

L'approche de mediapart se calque trop sur le modèle papier et pas assez sur les spécificités d'internet.

Le business modèle n'est pas encore mûr. J'espère que le débat permettra de contribuer à le mener à terme. Sinon l'échec sera patent.

Cela peut révéler un déficit d'expertise, méfiez-vous des experts constitutionnels d'internet, ceux qui ont pignon sur rue ne sont généralement pas les meilleurs!

P-J. De Bretueil

Autre considération:

Peut-être grâce à l'infostructure dont vous parlez et plus généralement à l'ouverture que représente Internet, il y a aujourd'hui bon nombre de lecteurs bien plus spécialiste sur un sujet que le journaliste traitant du même sujet. Cela en est même frappant. Ces spécialistes ne trouvant pas l'information à la hauteur, préfère contribuer à des modèles plus égalitaires ou spécialisés (quand ils ne se détournent pas de l'information).

Dans le modèle de Mediapart (qui fait trop référence au modèle papier), je ne trouve pas que cette problématique soient traitée. Sa résolution est une des clés du succès. Il y a énormément de choses passionnantes à faire là dessus...

Il faut trouver un modèle économique viable! L'évènement Mediapart est d'entammer une réflexion sur ce sujet. Je souhaite de tout coeur votre réussite, mais pour cela rompre les amarres avec les modèles du passé.

Pj-de Bretueil

Journal électronique payant, cela me semble inconcevable. Depuis Homynews 7 ans ont passé. Et le modèle gratuit est le standard de la communication. Ce qui a changé c'est la prolifération des ouvrages et des cours disponibles sur le NET. Et, avec le nombre de webnews de moins en moins de monde attend d'une personne ce qu'il faut penser ou retenir d'un événement. On mange de la documentation, on l'a digère. Sur le même type Chronic arts n'a obtenu son équilibre qu'avec la version papier. C'est à expérimenter. Le seul intérêt de mediapart sera sa complète indépendance. la publicité impose les choix éditoriaux.

Nouvelle considération.

Il y a dans la gestion des forums des autres journaux quelque chose d'éminament déplaisant et déprimant : les Directions éditoriales ne tiennent aucun compte des opinions exprimées dans les contributions. L'internaute a l'impression d'etre manipulé, d'être poussé à faire du Buzz pour faire de l'audience et que tout ce qu'il peut écrire, vous ne les lirez jamais. Le décalage est parfois consternant ; je songe par exemple à l'article de J-C. Colombani "L'Exigence Démocratique" et les Editos M. Powel à 24 heures de l'élection présidentielle qui ont été perçus comme une gifle, une trahison, un dédain total de toutes les opinions exprimées sur le site du Monde.

Mediapart semble avoir préparé pour nous les mêmes recettes qui font perdre les lecteurs. M. Plenel ne semble s'adresser ici qu'aux journalistes, aux officiels et aux investisseurs, à l'adhérent mais pas au citoyens : les surprises qu'il annonce (de l 'information réservée aux initiés) laisse craindre que nous débattions ici d'un modèle dont on nous donnent pas à voir toutes les composantes. Ne nous sommes-t-on pas encore les jouets d'un journalisme autocratique et suffisant, si proche des méthodes d'un certain NS? Et si éloigné des rapports libertaires, égalitaires et somme toute équitables qui font les succès d'Internet.

Des discours convenus, la bienveillance de ses pairs, un peu de markéting, une analyse succincte et superficielle de l'éco-système internet et un bon carnet d'adresses ne font pas le succès d'un site internet. Tout cela pourrait ressembler au un dernier soubresaut d'une profession en déroute. Vous semblez avancer dans le brouillard, réagissez plus courageusement, plus lucidement, tourner réellement la page, pour réussir, vous devez accepter de vous entourer d'esprits neufs et "visionnaires", d'utiliser votre crédit pour et leur donner un peu mais réellement de pouvoir.

Ceci dit, je file à la cafette.

Ben si, on vous lit. La preuve ;-)

Nous ne sommes pas pour autant forcés d'être d'accord : fort heureusement, les opinions sont libres. Ce sont les faits, leur construction, qui forment le socle nécessaire à des opinions informées. Quant à reprocher à la presse de vouloir rendre publiques des informations réservées jusqu'alors aux initiés, comme vous semblez le faire, j'avoue que je suis un peu perplexe. N'est-ce pas au coeur même de la presse libre, pour le coup, depuis son émergence au milieu du XIXe siècle ? Il me semble logique que les journalistes ne lisent pas tous les commentaires (ils ne pourraient plus faire grand chose d'autre) et ce serait mentir que de promettre qu'ils le feront. Ce qu'il faut, c'est réussir à faire en sorte que la discussion autour d'un fait (id est les commentaires sur un article) soient des contenus intéressants pour... d'autres lecteurs/commentateurs. Et ça, c'est l'ergonomie du site, la manière de modérer, etc. (ce que j'essayais de définir sous le nom d'architexte dans mon papier) qui le permettent. C'est en tout cas ce que j'espère, et qui participe au projet Mediapart...

Il est vrai qu'aujourd'hui sur le web, tout le monde est journaliste. Grâce aux blogs, aux sites personnels et aux commentaires, tout le monde donne son avis. Et pour la plupart, un avis = de l'information !

Ce qui manque vraiment c'est de l'information inédite et argumentée et de l'analyse de qualité. L'information tourne autour du Président de la République et puis c'est à peu près tout. Même pour Marianne qui pourtant ne porte pas Sarkozy dans son coeur, il est partout !
Chaque jour, nous avons un fait, et chaque jour un lot de réactions. Certains sont pour, d'autres sont contre. Et tous les jours, le même phénomène se répète. Le manque de recul est flagrant.

Je ne crois pas à la sacro-sainte démocratie sur le net. Tout le monde peut participer, ok, mais tout le monde n'apporte pas forcément quelque chose d'intéressant et de qualité. Ca commence par l'orthographe et la grammaire, qui sont souvent négligés.

Mediapart m'intéresse car on promet de réelles investigations. Je suis prêt à payer pour cela. Il faut payer les journalistes et leur donner les moyens d'enquêter. Je suis aussi prêt à payer pour que la rédaction ne tienne pas compte de mon avis ou de mes commentaires. S'il doit y avoir indépendance, elle doit exister entre la rédaction et tous les pouvoirs en jeu, c'est-à-dire aussi vis-à-vis des lecteurs.
Evidemment le système économique proposé, les abonnés auront tout le pouvoir. Mais ils doivent être suffisamment intelligents pour faire confiance à la rédaction et laisser faire sans aucun contrôle.