Conversation en tête à tête au « NewYorkTimes.com »

30/01/2008Par

Mastodonte du marché mondial de l’information avec 15 millions de visiteurs uniques par mois, le NewYorkTimes.com s’est livré l’été dernier à un remarquable exercice de vérité. Jim Roberts, son rédacteur en chef, a répondu longuement aux innombrables questions de ses lecteurs.

Au menu de ce tête-à-tête : comment faire du journalisme de qualité sur Internet, ou comment combiner l’instantané que permet le média avec l’analyse que réclame une partie du lectorat et de la profession. MediaPart vous propose les meilleurs extraits de cette conversation. Avant le 16 mars, date de mise en ligne de notre site définitif, nous vous présenterons des explications détaillées de certaines de ses fonctionnalités. Comment mieux organiser le dialogue avec vous, internautes et adhérents de MediaPart, comment modérer certains commentaires, comment mettre en avant les meilleures contributions qui seront proposées. Nous serons bientôt en mesure de répondre précisément à ces interrogations. D’ici là, place au digital editor du New York Times.

Un lecteur. En quoi les statistiques (le nombre de commentaires, de clics, de liens vers vos papiers) du NYT.com peuvent-elles influencer votre travail?

Jim Roberts. Ces statistiques fournissent aux journalistes des informations précieuses : cela permet de connaître la taille de notre public, si nos lecteurs sont aux Etats-Unis ou à l’étranger, à quelle heure ils nous lisent et quels articles, quels sujets les intéressent particulièrement. Cela nous aide à savoir si nos investissements humains (le nombre de journalistes) ou financiers dans tel ou tel domaine, ont porté leurs fruits. Heureusement, les salaires des journalistes ne dépendent pas de leur popularité de leurs articles sur la toile !

Un lecteur. Le métier de journaliste a-t-il évolué depuis l’apparition des journaux en ligne ?

Jim Roberts. La majorité des journalistes du NYT (et dans la plupart des journaux) vous dira que son travail a considérablement évolué durant la dernière décennie. Jadis, les reporters passaient toute la journée à rassembler l’information, à faire des recherches, à interviewer leurs sources et, vers la fin de l’après-midi, finissaient par s’asseoir et cracher 900 mots à toute vitesse, pour l’édition du lendemain. Tout ça, c’est très « 1996 ». De nos jours, nos reporters sont incités à mettre leurs articles en ligne très vite après l’événement quitte à les développer pour l’édition papier. Sur des infos brûlantes, comme un vote important au Congrès, la compétition est rude et la rapidité sur le site de rigueur. De fait, au NYTimes.com, certains journalistes  sont spécialisés dans le suivi des papiers : c’est le « continuous News Desk » dont le travail consiste à mettre à jour sur Internet les articles publiés dans l’édition papier.

Un lecteur. Ecrivez-vous d’une manière « numérique » ?

Jim Roberts. Ici, de plus en plus de journalistes produisent  leurs « audio slide shows », dans lesquels ils ajoutent leur voix et celles des personnes interviewées au cours de leurs reportages, sur des diaporamas réalisés par nos photographes. Voici un exemple de sujet qui exploite bien les atouts d’internet : il porte sur un programme d’échange de seringues à Washington.

Un lecteur. Puisque l’information est partout, craignez-vous la fin du journalisme ?

Jim Roberts. A cause de la quantité faramineuse d’informations que chacun peut trouver sur Internet ou ailleurs, je pense qu’il y a un besoin de plus en plus fort d’un journalisme de qualité, du reportage bien réfléchi et bien présenté. Le besoin de qualité ira grandissant, aussi bien pour la presse papier, la télévision ou sur Internet. Que l’information apparaisse sur un écran ou non, il y aura toujours un avenir pour une information produite par des journalistes professionnels.

Plus d’infos sur le New York Times ici

Il est assez intéressant de voir qu'une telle institution que le New York Times ait sue s'adapter à l'internet. Il faut tout de même avouer qu'en Amérique la concurrence est acharnée.

L'intégration de l'internet dans le processus de rédaction d'articles est particulièrement intéressant et montre un changement de stratégie qui s'amplifiera dans l'avenir.

Intéressante analyse, qui montre comment la technique va modifier le coeur du métier même de journaliste.

Un bémol cependant. Les beaux discours sur les vertus d'un journalisme multimédia "total", capable de faire du son, des photos, du texte et de la vidéo. Moi-même journaliste, il me semble qu'il est illusoire de pouvoir tout faire avec un seul homme. Notamment sur du reportage.

J'ai peur que les aspects techniques deviennent sous la contrainte temporelles plus handicapants que réellement un atout dans la qualité de l'information. Quand on demandait en un délai D à un journaliste de faire un article de deux feuillets, on va aujourd'hui dans le même delai lui demander de faire cet article, mais aussi d'illustrer avec une vidéo, de prendre quelques photos pour un diaporama... Le temps consacré à la technique va "manger" le temps où le journaliste devrait pouvoir apporter une plus-value, par sa culture, son temps consacré à l'investigation, par ses réseaux, sa connaissance du terrain...

L'autre interrogation qui me taraude concerne une notion un peu floue, de "densité de l'information". Je suis conscient que les contraintes de place d'un journal papier sont une contrainte. Handicapante certes, mais aussi utile : elle force le journaliste à aller à l'essentiel, à s'interroger sur la densité de ses propos. Avec les possibilité à rallonge qu'offre internet, j'ai peur qu'à force de vouloir tout mettre, on dilue l'information...

Mais c'est en tout cas un virage passionnant pour la profession.

Bonne chance pour la suite.