"La Résistance" : le docu-fiction de France 2 rétablit les mythes sous prétexte de les pulvériser

18/02/2008Par

France 2 diffuse lundi 18 février et mardi 19 février, à 20h50, un film en deux parties qui prétend enfin porter un regard approprié sur la période de l’occupation, jusqu’à présent ballottée entre la légende rose (tous résistants) et la légende noire (tous collabos).

La Résistance  se présente comme un « docu-fiction ». Un commentaire omniprésent raconte l’histoire, suggère des problématiques, commente voire interroge les images d’archives. Celles-ci laissent régulièrement place à des reconstitutions écrites et interprétées pour l’occasion : «Toutes les scènes tournées dans ce film sont authentiques », nous est-il dit d’emblée. Mais alors pourquoi tout sonne-t-il faux, plaqué, apprêté ?

Le jeu avec les archives ? Le documentariste Jean-Michel Meurice a naguère montré qu’il était possible de s’interroger sur le statut de ces bouts d’images sautillantes, en intégrant une telle réflexion dans un film, comme il le fit notamment à propos de l’histoire de l’Afrique du Sud. En revanche, faire parler les images, à la manière d’un Frédéric Mitterrand affirmant que le maréchal Tito pense à sa jambe (dont il sera amputé à la fin de sa vie) tandis qu’il marche en conversant avec Winston Churchill, n’a pas de sens. 

Or ce docu-fiction ne s’en prive guère. « Que peut cet homme ? Que peut cette femme ? À quoi pense cette famille ? », nous demande-t-il en s’arrêtant sur quelques images d’époque, avant d’ajouter, sur d’autres : « Et puis, un jour, on relève la tête, on toise l’occupant. » On peut faire dire n’importe quoi aux prises de vues, Chris Marker l’a démontré dans ses Lettres de Sibérie (1958) et la télévision a consacré une magnifique série à un tel thème : Propaganda : les pouvoirs de l’image (Ina, 1989). La Résistance donne donc l’impression de régresser à ce propos.

La fiction ? Aucun interdit ne pèse sur la question. Bertrand Tavernier a proposé Laissez-passer en 2002 et Marcel Bluwal Le plus beau pays du monde en 1999. Rien à redire. René Bousquet ou le grand arrangement, de Laurent Heynemann, a provoqué d’inévitables débats, mais la fiction a toute sa place pour rendre compte de l’occupation.

Pour sa part, le docu-fiction, genre hybride, n’a connu qu’une réussite exemplaire : Hôtel du Parc (1991) de Pierre Beuchot. La reconstitution était plus que parfaite puisque les auteurs (Jérôme Prieur et Daniel Lindenberg avaient participé au scénario) rétablirent la grille qui séparait l’étage de Pétain de celui de Laval à Vichy, alors que les actualités de l’époque l’avaient escamotée pour ne pas laisser voir la méfiance qui prévalait entre les deux hommes !

La Résistance
, de son côté, ne laisse pas le temps aux images de s’installer. Les reconstitutions sont des vignettes qui surgissent, régulièrement, pour illustrer des destins exemplaires, si bien qu’on a l’impression d’un documentaire qui exsude des images comme tirées de La Grande Vadrouille. Le vert de gris est là, ainsi que les accents et les cornettes des religieuses. On croit entendre à chaque fois crier : « Moteur ! »

FICTION SURCHARGÉE DE MUSIQUE

Le drame d’une telle entreprise vient qu’elle se veut, de bout en bout, poteau indicateur. Là gît le bien, là se révèle la seule France qui vaille, là réside le peuple, qui dans ses tréfonds, n’a jamais abdiqué. Reprenant d’une façon inconsciente mais mimétique le discours de Charles de Gaulle bâtissant sur le balcon de l’Hôtel de Ville la fiction de « Paris libéré par lui-même » en août 1944, le commentaire entend d’emblée nous faire croire à un « peuple traumatisé, soudé, révolté ». La démonstration pèse de bout en bout.

Elle se révèle subrepticement passionnante, lorsque les auteurs, écoutant plutôt que leurs bons sentiments les études historiques, démontrent, à partir des annotations d’un discours de Pétain, comment il fut déconseillé au vieux maréchal de s’étendre sur le statut des juifs d’octobre 1940 : « Pas encore, le pays n’est pas antisémite et Paris se contente de mesures prises contre avocats et médecins juifs. »

Mais la plupart du temps, donc, comme dans un film hollywoodien où l’image d’un livre soudain s’anime en technicolor, la fiction surchargée de musique vient illustrer un épisode symptomatique mais monté en épingle, telle une vérité générale enfin révélée. Alors que le commentaire glisse pudiquement sur l’obsession du ravitaillement qui comptait davantage que le sort des juifs aux yeux de la majorité des Français (ceux-ci « découvrent le rationnement », est-il glissé en une formule euphémisante), l’héroïsme de la population est magnifié à propos du port de l’étoile jaune, devenue obligatoire en juin 1942. 

La ségrégation raciale éclate alors au grand jour, affirme le commentaire, et « déclenche aussitôt une vague de colère ». Là dessus, une saynète reconstituée montre comment des lycéens mus par « une solidarité spontanée » s’affichent avec l’étoile jaune sans être juifs. «Cette vague, Vichy la redoutait », martèle le commentaire, à propos de réactions marginales que La Résistance veut rendre centrales.

Sur ce point précis, on en apprend mille fois plus dans Le Journal 1942-1944 d’Hélène Berr paru en janvier (Tallandier), ou dans la seconde partie du spectacle d’Ariane Mnouchkine, Les Éphémères, repris en mars au Théâtre du Soleil.

Dans La Résistance, l’adjacent fonctionnant par capillarité (la résistance du peuple) se substitue donc au fait marquant d’une histoire nationale (l’attentisme de la population française), pour prétendument mettre fin à un sombre masochisme qu’incarnerait Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophuls. Or ce film, conçu voilà bientôt quarante ans, n’est pas un brûlot, bien qu’interdit de diffusion à la télévision jusqu’en 1981. Il est l’œuvre d’un esprit original et grinçant sur la forme, mais au fond mendésiste et rooseveltien. Ophuls a réalisé sur l’occupation à Clermond-Ferrand un film juste, équilibré, dont les véritables héros sont les frères Grave, deux paysans résistants socialistes.

Alors pourquoi traiter Ophuls, voire l’historien Robert Paxton, comme des repoussoirs et hurler sur tous les toits qu’avec La Résistance, nous pourrons enfin constater qu’il n’y eut pas que les salauds d’intéressants pendant la guerre ? Le résultat, présenté comme un contrecoup qui n’a donc pas lieu d’être, verse en définitive dans le catéchisme résistantialiste. Nous voilà revenus au cœur de ce que l’historien et réalisateur Jean Chérasse appelle « l’obligation mémorielle orchestrée par la télévision ». 

Sous couvert de synthèse apaisée, La Résistance s’engage dans l’émotionnel démonstratif. Et ce docu-fiction aboutit à une sorte de « story telling » furieusement dans l’air du temps, puisque les titre de chacun de ses épisodes semblent coller aux deux séquences de l’intervention du Président Sarkozy dans ce domaine soudain réservé, en mai 2007 au sujet de Guy Môquet, puis en février 2008 à propos de la Shoah : « Vivre libre ou mourir » et « Quand il fallait sauver les Juifs »…

Jérôme Prieur

A-t-on suffisamment remarqué que la voix off tout au long du film est presque chuchotée, prononcée en tout cas à voix basse - ce qui est une curieuse entorse à ce que les responsables de chaînes supportent d'habitude.
Pourquoi ?
Parce qu'il faut comprendre que ce que dit le commentaire est suffisamment important pour nous être livréà mots couverts, parce que le télespectateur d'aujourd'hui est le passeur des résistants d'hier : le public est des leurs. Nous sommes tous des justes, des braves, des résistants. Si nous ne le sommes pas, nous aurions pu l'être...
Ce tour de passe-passe explique que l'on alterne sans cesse, sans le savoir de la fiction aux archives, des archives reconstituées "d'époque" aux fausses archives d'aujourd'hui. Cette absence de statut de l'image va de pair, intrinséquement, avec la confusion du propos : puisque les résistants étaient essentiellement des inconnus, des anonymes, des compagnons obscurs - ce qui est vrai - ces hommes et ces femmes deviennent, magiquement, métaphore de la France entière, hostile aux nazis comme à Vichy. Ce qui est historiquement, tout simplement faux. Quel historien d'aujourd'hui, c'est-à-dire depuis Robert Paxton, oserait vraiment soutenir le contraire ?

Oui, cher Jérôme Prieur, ce chuchotement, tel un secret qui serait enfin partagé, se trouve du reste accentué par la musique idoine par excellence : "La Complainte des partisans", composée par Anna Marly (les paroles étaient d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, que le générique de "La Résistance" crédite sous son seul pseudonyme de l'époque, "Bernard"), qui devait connaître en 1969 un second souffle grâce à Leonard Cohen. Une telle musique en forme de fil rouge souligne et magnifie "ce tour de passe-passe" aussi faux que narcissique sur lequel vous mettez l'accent : "Le télespectateur d'aujourd'hui est le passeur des résistants d'hier." Ce docu-fiction fonctionne comme un bain bouillonnant dans lequel nous sommes invités à barboter : le Jacuzzi des justes ! En définitive, "La Résistance" reconstitue pour que la nation se reconstitue... Au bout du compte, la vérité mais surtout, effectivement, "le statut de l'image", sont les grandes victimes de cette palinodie cathodique.
AP

Cher Jérome Prieur.
Nous ne nous connaissons pas. Je respecte votre travail, ce n'est visiblement pas réciproque, mais peu importe: il est de votre droit de le proclamer. Il est par contre aventureux de prêter aux autres des intentions déduites de ses propres expériences. Nous avons demandé à Tcheky Karyo de dire les commentaires. Je ne sais pas comment se passent les enregistrements de commentaires dans vos propres productions, mais sachez que dans celle qui me concerne, "la résistance", aucun "responsable de chaîne" n'est venu dire à Tcheky Karyo comment il devait dire son texte. Nous lui avons demandé de l'interprêter comme il l'entendait. Il a souhaité le faire ainsi. Cela nous a beaucoup plu. C'est tout.
Je vous souhaite de rencontrer l'artiste, vous pourez ainsi comprendre pourquoi Patricia Bodet, qui a pris en charge ce moment intense de la post-production, a jugé plus interessant d'avoir un comédien qui interpète un commentaire selon son ressenti plutôt que d'utiliser une voix à formater. J'approuve entièrement sa démarche.
Vous en déduisez une étrange manip' de notre part: que nous"sommes tous des justes, des braves, des résistants. Si nous ne le sommes pas, nous aurions pu l'être..."
Cher Jérome, je vous trouve plus brillant dans vos films que dans vos commentaires du travail des autres!
Sur l'absence de statut à l'image, je pense que vous sous-estimez le téléspectateur, qui sait reconnaitre la couleur du noir et blanc.
Vous en concluez qu'il s'agit d'un "tour de passe-passe" qui sert à "la confusion du propos".
C'est là où vous dérappez le plus.
D'abord nous n'avons jamais dit que "la France" (un terme global que nous n'employons jamais) était entière hostile à Vichy. Je crois que vous avez râté un moment du film... Nous présentons même un des plus grand résistant, Frenay, comme un admirateur du maréchal.
Par contre, l'hostilité aux nazis, ça oui. Et quand vous dites qu'historiquement, c'est tout simplement faux en précisant "Quel historien d'aujourd'hui, c'est-à-dire depuis Robert Paxton, oserait vraiment soutenir le contraire ?", eh bien mon cher Jérôme: TOUS! Paxton, c'était en 1975, il y a trente trois ans. Depuis, les archives de Vichy, de la Gestapo et des RG ont été ouvertes. Et cela a révolutionné le regard des historiens. Près de 7 000 livres et thèses de doctorat ont, depuis, été publié depuis en France sur cette période. Vous imaginez bien que cela n'était pas forcément 7 000 livres qui paraphrasaient Paxton.
Il ne me serait jamais venu à l'idée de contester votre travail sur le christianisme en utilisant mes rudiments de catéchisme. Je vous demande, en toute confraternité, d'avoir la même honnêteté avec mon travail.
A part ça, j'admire vos films.

L'aspect docu-fiction dessert certainement la qualité du propos mais attention a ne pas tomber dans l'élitisme. Le docu en noir et blanc austère sur ce type de sujet, diffusé sur des chaines comme Arte, ne rencontre pas le public. Les tentatives de "relever " le niveau des programmes en prime-time, dont ce documentaire est une illustration à mon sans , devrait être salué plutôt qu'attaqué systématiquement.
Cependant la question de la vérité historique est plus problématique. Certes des expressions telles que tout une "toute une société levées contre l'occupant" (cité de mémoire...) est assez problématique car les débats historiographiques et la dimension majeure des oeuvres de Paxton ne sont connus du grand public. En effet la résistance active est restée plus que minoritaire et c'est la question de la passivité de la population qui se pose: est-ce de la résistance passive ou de la collaboration passive?
Faire à demi-mot de la France un pays de résistance serait un mensonge historique. Il faudrait, pour rétablir une certaine vérité, consacrer 2 prime time à un docu-fiction "La collaboration". Et le fait que cela soit impensable révèle ce qu'il ya de plus important, à savoir cette collaboration, cette France de Vichy que l'on a pas encore digéré aujourd'hui.

'Il faudrait, pour rétablir une certaine vérité, consacrer deux prime time à un docu-fiction "La collaboration"' ...
au cas où vous ne l'auriez pas compris, le sujet est 'la résistance' et non la collaboration .../. Sujet par ailleurs longuement rebattu dans les medias depuis plusieurs années. Et là curieusement, personne ne venait dire qu'il serait, préférable, pour être équitable, de faire un docu fiction sur .... la résistance, tout occupés à leur masochisme que sont les français.

Juste un mot sur l'élitisme, chère Laurette. Je viens de voir ce soir à la Scam (Société civile des auteurs multimédias) un documentaire, en couleur, mais sans commentaire, sans archives et sans musique : Belzec, de Guillaume Moscovitz. Une merveille, sortie en salles en 2005, passée à 4h du matin sur Canal + et que France 2 devrait daigner diffuser un jour ou l'autre. Ce film, avec rigueur, dignité, finesse, émotion et beauté parvient à faire comprendre et toucher du regard un camp d'extermination, dont il ne reste rien puisque les nazis, après y avoir fait périr plus de 600 000 juifs de mars à décembre 1942, effacèrent les traces du lieu et du crime. Nul élitisme n'affecte cette démarche admirable, dans la lignée de Shoah de Claude Lanzmann. Il faudrait juste, effectivement, qu'un tel documentaire trouve son public ; ce à quoi pourrait contribuer un service... public digne de ce nom.
AP

Cher Antoine Perraud

Je suis plutôt d'accord sur les critiques que vous formulez sur la forme mais, je pense qu'il était fondamental de faire "Quand il fallait sauver des Juifs" même s'il manquait effectivement une présentation bien plus complète du génocide. Le documentaire a pris le parti de ne montrer les choses que sous l'angle du sauvetage et là, j'ai retrouvé l'histoire de ma propre famille. Des réfugiés Juifs autrichiens qui avaient fui Vienne après l'Anschluss. Arrivés en France, ils ont bénéficié pendant l'occupation de l'aide de policiers français, parfois de simples passants dans la rue... Annie Kriegel, ( juive et résistante) avait déjà relevé les rapports des préfets informant Vichy des réactions très négatives de la population après le décret sur l'étoile jaune. Cet aspect de l'Histoire - tout en étant partiel, je vous l'accorde - devait être montré. Evidemment, il y a eu la collaboration, les dénonciations, la milice, les trains de la mort ... Mes enfants ont compris beaucoup de choses dans ce documentaire qui, c'est vrai, aurait pu être réalisé différemment.

Cher Charles Enderlin,
Merci pour ce message qui permet d'apaiser la discussion tout en demeurant ferme sur certaines positions. Je n'ai pas aimé ce docu-fiction pour sa forme (métissage manqué, brassage boiteux, va-et-vient inopérant entre les archives authentiques, les archives mixées, manipulées, voire tournées pour l'occasion , et enfin les vignettes en couleur reconstituant l'époque). Cette forme, à mes yeux manquée, induit un fond qui me paraît contestable : les vignettes sont là pour combler la béance des prises de vue concernant le courage du peuple de France, par définition non capté par des caméras elles-mêmes peu libres de leurs mouvements sous l'occupation. Or ce courage devient central, mythique, envahissant dans le docu-fiction, alors qu'il fonctionnait différemment entre 1940 et 1944, selon l'époque, les milieux sociaux et culturels, la géographie, etc... Ce courage, qui exista, mérite une approche fine, équilibrée ; tout le contraire de l'esthétique et du savoir-faire des auteurs de "La Résistance".
Je ne leur reproche donc pas d'avoir montré un certain courage français (je ne me fais pas le custode sourcilleux de la veulerie franchouillarde au nom de je ne sais quel masochisme national !), je leur reproche de l'avoir mal montré, avec de gros sabots démonstratifs, là où les études historiques permettent le peigne fin.
Bien sûr qu'il y eut une extraordinaire chaîne de sauveteurs en tous genres, qui permirent que la France ne fût pas les Pays-Bas. Il faudrait en faire la typologie : cela va d'êtres indomptables à la générosité ardente, à ce maire pétainiste de la Drôme, qui, à la question des autorités du camp de Gurs lui demandant si la mère de l'actuel éditeur et critique Raphaël Sorin était juive, répondit — ce qui devait sauver la vie de cette femme : "Pas que je sache." Une telle réalité, paradoxale, contradictoire, polyphonique, méritait mieux qu'un docu-fiction indélicat, pataud et pourtant cuistre, qui eut l'avantage cependant — et c'est heureux — d'apprendre certaines choses à certains. Mais un vrai documentaire, l'œuvre d'un Marcel Ophuls, d'un Claude Lanzmann, d'un Pierre Beuchot (qui s'est attaqué à la fiction historique, mais avec tant d'intelligence !), d'un Patrick Jeudy (qui manipule pourtant les archives, mais avec quelle grâce !), laisse une impression tellement plus satisfaisante pour l'esprit. Reste la question fondamentale que vous posez : comment le cinéma et la télévision peuvent-il réhabiliter aussi intelligemment qu'ils questionnent, ou portent le fer dans la plaie ?
AP

kairos

Résistance... Vichy... Déportation... Certains semblent penser que plus on en parlera et moins "la bête immonde" menacera... A chaque époque ses illusions... Et sa bonne conscience qui n'empêche aucun massacre...

Certes, comme a pu le dire Claude Lanzmann : "Il n'y a pas de pédagogie de la Shoah." Faut-il pour autant se réfugier dans le silence et l'amnésie ? Je ne le pense pas. Il faut étudier la matière, se pencher sur les faits, les enchaînements, les engrenages. En revanche, le chevalier blanc d'autant plus virulent qu'il vient a posteriori, le moraliste de rencontre, ou encore le populiste compassionnel brouillent le travail de mémoire : la Shoah n'est pas un simple clou auquel on accroche ses idées...
AP

kairos

Sans nul doute.... Je constate seulement que ces dernières années le silence oublieux a fait place à la mémoire obligée (car ce n'est plus le devoir mais bien l'obligation de mémoire qui s'installe)... Et comme le mieux finit tôt ou tard par être l'ennemi du bien...

Assurément, cher Kairos. Au reste, dans ma réponse, je ne me référais pas au "devoir" mais au "travail" de mémoire. Si bien qu'il n'y a plus d'ennemi du bien à l'horizon...
À vous très cordialement,
AP

Citation de Gérard Miller allant dans votre sens : Il n'y a pas de pédagogie de l'horreur.

Je n ai pas une capacité de perception suffisamment fine pour apprécier les défauts inexpugnables que vous relevez a propos de ce docu/fiction.
La seule chose que j'ai relevée, c'est que dans un temps ou l'on s'apprête a glisser un enfant mort dans le cartable des enfants de dix ans, France 2 a pris le soin d'interdire la vision de ce documentaire historique aux moins de 10 ans .
L'obscénité des images montrant des "résistants communistes"(entre autres)seraient elles plus insupportables que le mémoire des atrocités de la Shoah.
Par ailleurs, j'avoue que malgré vos considérations historico/esthético/critiques ,le service public justifiera toujours plus sa fonction à travers ce genre de programmes que dans les élucubrations voyeuristes d'un Delarue.
merci
FG L Strasbourg

Vous avez effectivement une vision a minima de la mission d'une télévision de service public : mieux vaut ça que Delarue...
Pour ce qui touche à la critique dirimante d'un "docu-fiction" que vous n'avez pas jugé gênant, je crois, comme Jérôme Prieur, l'auteur du premier commentaire à cet article, que la forme induit le fond. À travers la médiocrité des reconstitutions, la confusion des images et la démonstration de fer mais chuchotée du commentaire, se joue la présentation d'un miroir déformant et rédempteur, qu'avaient vanté avec complaisance la production et une partie de la presse sans regard ni mémoire, comme le nec plus ultra d'une objectivité enfin atteinte sur le sujet. Il y avait une supercherie à ainsi se poser en s'opposant, que nous avons tenté de décrypter. Le succès de notre entreprise semble mitigé puisque vous parlez, avec retenue et toutes griffes rentrées, de considérations historico-esthético-critiques...
Comme disent les coureurs cyclistes : je ferai mieux la prochaine fois !
Bien à vous cordialement,
AP

Vous avez bien raison, Antoine Perraud, d'y mettre tout ça -- histoire, esthétique, critique -- dans votre papier. Comment juger sinon de cette création particulière qu'est la "docu-fiction" ?
Voudrait-on nous faire oublier que c'est une création ?
Ce qui est intéressant, justement, c'est de pointer le "statut" de ce genre de "création" en regard de l'histoire...
Et précisément, votre analyse - tout comme en écho les commentaires informés de Jérôme Prieur - donne à voir les tentatives de réécriture dont fait l'objet l'histoire, éclairant du coup notre "actualité".
Merci à vous...

Ce qui m'a surpris hier en regardant cette fiction c'est effectivement le sentiment distillé que la France dans son entier était résistante.

Dans le regard, dans l'opinion, et ce même si Pétain était populaire.
Bref un grand mythe et une vraie falsification.

Ils n'ont en aucun cas parlé des dénonciations, des collabos nombreux, de la presse collaborationniste. Le tout passé sous silence.

Un chiffre cité, néanmoins :
30 000 membres de la France libre, 37 à 40000 membres de la milice. Et entre les deux, "toute la france résistante, de l'enfant à l'adulte, des communistes aux pétainistes ..."

Je suis d'accord avec vous, mais j'ajouterai un bémol à votre "le tout passé sous silence". Pas tout à fait. L'habileté de ce "docu-fiction" consiste à glisser une allusion aux dénonciations (ce fut fait) dans le commentaire chuchoté, avant les grandes orgues de la reconstitution historique magnifiant un peuple (il faudrait du reste s'interroger sur cette vision micheletiste de gens qui n'ont pas lu Michelet) jeté à corps perdu dans la résistance. Du coup, nous nous retrouvons avec un pâté d'alouette télévisuel : une alouette critique et informée pour un cheval de mythe résistancialiste digne des œillères gaullo-communistes longtemps en usage.
Cela dit, les héros existèrent et rien n'est plus émouvant, vrai et beau que Des hommes libres, ce témoignage dû à l'excellent Roger Stéphane, qui enregistra quelques fabuleux compagnons de la Libération au début des années 1960 (Alain Ferrari et Daniel Rondeau devaient en faire plus de trente ans après un documentaire exceptionnel). Le regard de Pierre Messmer racontant comme il détourna un cargo pour rejoindre le général de Gaulle vaut toutes les reconstitutions à la petite semaine...
AP

Quand la forme prends le dessus sur le fond.Fond utilisé a des fins de propagande afin de justifier des prises de positions politiques actuelles.
Pour la forme,l'imbrication d'images reconstituées ,d'archives et d'acoustique sussurée et savamment dosée n'ont de but que d'éloigner les téléspectateurs de la réalité pour les plonger dans un imaginaire imposé.
Avec la constante volonté de manipuler les esprits.Volonté de plus en plus évidente et flagrante .Utiliser cette technique de manipulation a heure de grande écoute,confère au cynisme,au mépris de l'histoire et de la situation actuelle.Tout ceçi avec l'assentiment des autorités.
Cordialement

Chef de maquis dans la région toulousaine, mon grand-père maternel aimait à répéter qu'il n'avait jamais vu autant de résistants auto-déclarés qu'à la... Libération (pour la plupart, parfaitement inconnus des milieux de la résistance).
Cela pour dire que ce "docu-fiction", dont je n'ai vu que la 1re partie, me paraît donner une représentation de la résistance au travers de la loupe de la Libération.
Je ne suis pas historien, mais "résister", "libérer", ne me paraissent pas correspondre aux mêmes moments de l'Histoire (même s’ils sont continus), car ces moments ne s’inscrivent pas dans les mêmes contextes (nationaux/internationaux).
Mais très clairement, c’est le second moment, celui de la Libération, qui permet de se projeter collectivement. Et d'autant plus fantasmatiquement qu'on souhaite oublier combien la "vraie" résistance fut isolée (même les légendes a posteriori n’y pourront rien, gaullo-communistes comprises).
Car la Libération, contrairement à la résistance, ce fut l'affaire de "tous" dans la célébration. Et, en dehors des plus compromis, c’est à l’unisson qui retentirent les cris de "liberté chérie"…
Il faut croire que c’est là tout ce que peut retenir notre pays, en l’état actuel des choses, de ce passé qui ne passe décidément pas.

Tout en prétendant ne pas être historien, vous rejoignez, dans votre appréciation des différents "temps" de la guerre et dans votre présentation de la Libération comme une sorte de "parousie" nationale, les remarques de Marc Ferro, immense historien et maquisard dans le Vercors. Merci et bien à vous cordialement.
AP

Cher Antoine Perraud, je n'avais pas en tête les analyses de Marc Ferro sur la Seconde Guerre mondiale. Mais vous avez raison, bien sûr. Merci pour ce rappel.
Patrice Beray-Hazard

Bien qu' hostile à ce genre bâtard, j'ai tenté de regarder ce "docu-fiction" sur la Résistance.
Dés les premières minutes, je me suis sentie mal à l'aise. Tout sonnait faux :
- les épisodes de fiction "illustrative" ,de la brièveté d'un spot publicitaire,
- la voix off distillant des commentaires sur un ton confidentiel, lent et précieux, ménageant ses effets,
-la mise en scène des images d''archives.
D'emblée, l'action de l'armée allemande est présentée comme semblable à celle de toutes les armées : images de soldats allemands pillant , dans l'ordre ( hiérarchie ascendante ou descendante ? ) notre vin, notre nourriture ( le porc) ,nos instruments de travail ou de transport (chevaux) et même nos femmes.
L'installation des Allemands chez nous est illustrée de manière quasi burlesque : images d'officiers jouant les pianistes amateurs ou les peintres du dimanche. Décidément, l'occupation n'était plus supportable !
Alors, le Français, peuple fier s'il en est , s'est révolté : nombreuses images de regards fiers, méprisants , révoltés ...
Je n'ai pas réussi à aller plus loin.

Des amis m'ont signalé votre forum, m'indiquant que le syndrome "Amélie Poulain Lepéniste" sévissait à nouveau.
Vous avez parfaitement le droit de détester ce travail, esthétiquement, narrativement, techniquement. La voix de Tcheky Karyo, la musique de Loik Dury ou de Serge Feys, la version de la complainte du partisan (texte crédité à "Bernard" parce que c'est la mention légale, n'y voyez pas un complot, un générique oblige à respecter la mention légale, or c'est ainsi qu'Emmanuel d'Astier de la Vigerie a signé son texte et déposé à la SACEM comme ses deux enfants ayant droit nous l'ont aimablement signalé lorsque nous avons demandé leur autorisation) chantée par Jody Sternberg (du groupe Morcheba) (mais vous pouvez préférer la version qu'Arno a bien voulu enregistrer et qui figure au générique d'un des documentaires bientôt diffusé sur France 5), tout est critiquable, démolissable, dégueulissable.
Il est par contre impossible de vous laisser dire n'importe quoi sur le fond et les intentions de ce film.
"Le commentaire glisse pudiquement sur l’obsession du ravitaillement qui comptait davantage que le sort des juifs aux yeux de la majorité des Français", dites-vous.
D'où sortez vous une pareille ânerie?
Vous essayez de démontrer que je parviens à "faire dire n'importe quoi aux prises de vue". J'avoue que dans le genre, vous vous débrouillez remarquablement avec les commentaires du film 2 "quand il fallait sauver les juifs". Vous faites allusion à l'automne 1940, lorsque nous expliquons ce qui se passe dans l'opinion publique et pourquoi elle ne réagit pas aux décrets raciaux de Vichy.
Nous expliquons, exactement comme le font Denis Peschanski, Pierre Laborie et Julian Jackson dans le film 4 de France 5, qu'à ce moment-là, l'automne 40, les gens sont encore sous le traumatisme de la défaite, que près de deux millions d'hommes se retrouvent prisonniers de guerre quelque part en Allemagne, ce qui veut dire que près de deux millions de familles sont sans nouvelle du père, du mari; que dix millions de réfugiés sont à peine rentrés chez eux, et que les questions de "repression" qui visent alors ce que Pétain appelle "l'anti-France" (les communistes, les francs-maçons, les étrangers, les juifs) ne sont pas encore vues comme une persécussion, qu'il est impossible pour quiconque alors d'isoler la spécificité antisémite de Vichy dans son discours "contrerévolutionnaire" (sic Michel Laffitte) qui vise à présenter l'occupation comme la résultante d'un "complot" (thême traditionnel de l'extrême droite).
Oui, les français comme le dit Denis Peschanski sont alors obnubilés par autre chose: la survie quotidienne.
Vous auriez préféré que nous disions autre chose? Que les français n'en ont rien à foutre des juifs? Qu'ils étaient ravis, ces connards, qu'on les persécutte ? Les gens ne pensent qu'à la bouffe! Les ordures !
Vous me faites un procès en "héroïsation du peuple", dans un parfait exercice de construction type "bout de ficelle/selle de cheval / cheval de course".
Il vous semble juste impossible que l'on traite de son sujet, à savoir la résistance, d'où elle vient, comment elle apparait, comment elle se développe et qu'est-ce qu'elle incarne?
Que vous n'ayez jamais lu les travaux des historiens sur l'opinion publique sous Vichy semble évident. Ils réfutent, depuis la fin des années 80, certaines des thèses de Paxton, et pas seulement en France (lisez les travaux de Julian Jackson).
Pourquoi pensez-vous que l'ensemble des historiens s'accordent à qualifier la société française dans cette période de "société de non consentement" (P. Laborie), qui devient une "société de rebélion" (J.Sémelin), voire une "société de résistance" (J.Jackson). Je vous invite à vous pencher sur les travaux de Denis Peschanski sur les mécanismes de "résiliance" de l'opinion publique.
Ce même Peschanski qui précise (et c'est CE point qui est au coeur de l'analyse présenté dans nos films) que le registre de l'opinion n'est pas celui de l'action. L'écrasante majorité des français est totalement révulsée par l'occupation (oseriez-vous contester ce point?) elle déteste la collaboration (ça vous étonne?) ce n'est pas pour cela qu'elle s'engage massivement dans l'action subversive, organisée et coordonnée.
Vous n'ignorez pas qu'il n'est pas simple, dans le cadre d'une occupation militaire, avec un appareil d'Etat qui se transforme en machine dictatoriale, d'organiser des structures clandestines. Déjà, il faut les imaginer. Citez-moi un seul "manuel du parfait résistant" ayant été édité avant 40.
Il faut donc inventer la résistance. Ca ne se fait pas d'un claquement de doigt. C'est un processus que nous tentons de décrire, certes avec toute notre médiocrité "à la petite semaine", mais je vous en prie: n'invoquez pas Sarkozi pour dézinguer notre travail! Nous travaillons sur ces films depuis 2004, et je pense sincèrement qu'en 2004, Sarkozi n'avait jamais entendu parlé de Guy Moquet!
C'est la thèse présentée dans ces films qui vous dérange. Je vous invite à commander au service de presse de France 5 les quatre documentaires qui commencent à être diffusés ce vendredi. Vous y découvrirez les analyses des dix historiens qui ont travaillé avec nous. Je me doute que vous trouverez ces films nulissimes, mais bon, au moins vont-ils vous permettre d'actualiser vos lectures lycéennes.

Un conseil, Christophe Nick, qui vaut pour votre "docu-fiction" : on gagne difficilement à jouer sur les deux tableaux. Dans votre réponse, la colère, qui confine à la rage, voudrait se conjuguer avec le mépris. Or il faut choisir : ou bien vous persiflez à propos d'un critique que vous faites mine de croire inculte (peut-être dans l'espoir de le placer dans la position ridicule d'avoir à vous étaler ses titres afin de contester une telle assertion), ou bien vous rugissez sous le coup d'une indignation gargantuesque. Les deux se conjuguent et s'emboîtent mal, tout comme les archives et les scènes de reconstitution.
Vous vous êtes transporté, dans un grand concours de fureur, sur un site qui entend développer l'esprit critique et le débat contradictoire, non sans une certaine tenue. Votre arrivée, baroque, pour fustiger l'esprit "Amélie Poulain Lepéniste", ressemble à une scène d'exposition : vous vous présentez sous couvert de chapitrer, relisez-vous. Et vous n'êtes guère "raccord" avec le ton de la discussion en cours. Mais nous vous accueillons néanmoins, persuadés que vous trouverez le la...
De quoi s'agit-il ? D'un refus, de notre part, Mediapart, de nous aligner sur une presse en grande partie victime consentante de votre communication remarquable. Au lieu de répercuter votre discours sur votre œuvre, qui constitue néanmoins le tout premier lien de mon article électronique, j'ai eu l'audace de juger sur pièce et de trouver fâcheux cet équivalent audiovisuel du lapin en pâté reconstitué qu'est "La Résistance".
Vous prétendez alors m'entraîner dans votre sens giratoire et me faire déboucher, par je ne sais quelle bretelle, sur votre documentaire en quatre parties de France 5, qui se voudrait une déclinaison plus scientifique. Je vous réponds que mon article, comme indiqué, concerne le "docu-fiction" diffusé hier soir et ce soir sur France 2.
Vous affirmez être à la pointe de l'historiographie alors que vous avez ressuscité les "exempla", avec des saynètes qui fonctionnent mal : trop lourdes, téléphonées, introduisant une vibration exogène parfois insupportable pour un œil averti ou non. Qu'y puis-je ?
Je ne vais pas ici reprendre une à une les vignettes par vous tournées, pour démontrer comment, par exemple, celle sur la salle de classe, le 20 septembre 1944, anniversaire de Valmy, tourne en eau de boudin. Vous n'avez pas réussi à vous hisser au niveau d'"Au revoir les enfants" et vos tentatives me semblent faire écran. Devrais-je le cacher, au prétexte que vous avez beaucoup lu et beaucoup travaillé ces dernières années ?
Je vous reproche d'avoir mal acclimaté toutes les récentes monographies, toutes les avancées subtiles et fines de l'historiographie : vous êtes passé en force de la galaxie Gutemberg à la galaxie McLuhan, vous avez sauté, à pieds joints, des pistes nouvellement explorées, des rectifications ou des intuitions propres aux chercheurs, à une sorte de gavage tendant à nous asséner à tout bout de champ que la France devient "grâce à des attitudes, des petits gestes, une société de rébellion". Votre docu-fiction ne défriche pas mais rebat les oreilles : "Alors, comment exprimer cette colère qui n'arrive plus à se contenir ?", semble-t-il répéter en boucle.
Je l'écris tout net, c'est vrai, en motivant ma fin de non-recevoir, en rappelant les réussites qui précédèrent votre échec. Pourquoi répondez-vous à ce qui peut certes ressembler à un réquisitoire (mais qui n'est qu'un droit de regard !) par l'injure et la grossièreté ? Merci d'être passé, Christophe Nick, mais ne claquez pas ainsi les portes, prenez un siège et discutons. Nous évoquerons comment vous pouvez être "dans l'air du temps" sarkozien (l'émotionnel patriotard) sans pour autant, bien entendu, avoir eu la moindre envie de vous faire le porte parole d'un Président, qui s'est mis à bachoter la question de la résistance bien après vos propres sessions de rattrapage, j'en conviens volontiers...
AP

J'ai vu, au Mémorial de la Shoah, les deux premiers épisodes des documentaires. Ils sont de la même facture, de la même idéologie. De raccourcis en oublis, de demies-vérités en approximations, le commentaire enserre les historiens. Le docu-fiction revient au galop (comme illustration) quand l'intensité faiblit.

Pierre Laborie a écrit des choses beaucoup plus subtiles et nuancées que son assertion "la France résistante" dans le deuxième film documentaire. Il a écrit entre autres à propos du tournant de l'été 42 :
"La fin de l'été 42 marque une mutation des sensibilités, mais ne règle pas fondamentalement le problème de l'antisémitisme latent de l'opinion. Le silence de plomb qui pèse à la Libération et l'ambiguité des représentations qui subsistent montrent bien, une fois de plus, que les émotions ou les ruptures spectaculaires ne suffisent jamais à donner toute l'explication des phénomènes d'opinion".
(L'opinion française sous Vichy)

Je trouve dommage, terrible même, de jeter les noms de Paxton et Ophuls comme des vieilleries, en les opposants aux "nouveaux historiens". La recherche scientifique ne progresse pas comme les films de télévision. Elle n'a pas besoin de dire : "Ce soir, attention, attention, vous allez entendre, vous allez voir, ce que l'on n'a jamais voulu vous montrer". Elle dit souvent"oui, mais...".

Effectivement, comme l'indiquait Antoine Perraud, on a l'impression en voyant les documentaires, malgré Laborie, malgré Azéma, malgré Wiewiorka, que le film redécouvre la poudre et le mythe résistancialiste.

Il n'y a en revanche pas besoin d'utiliser le nom de Sarkozy pour dire que ce film est bien dans l'air du temps. Il l'est car il laisse penser, avec précaution mais avec acharnement : si vous ne consentez pas dans votre petit coin, vous êtes sauvés moralement. Colombe Schneck disait à Ch. Nick hier : "vos films font du bien". Je crois que c'est leur principale vertu : rassurer les assoupis.

Cher Éric Thébault,
Vous avez raison, "il n'y a pas besoin d'utiliser le nom de Sarkozy pour dire que ce film est bien dans l'air du temps". Je me suis permis cette petite facilité, au lieu de laisser au lecteur le soin d'arriver — ou non — à une telle conclusion.
Merci et bien à vous cordialement,
AP

"dans l'air du temps sarkozien (l'émotionnel patriotard)" auquel il conviendrait d'ajouter le compassionnel "bling-bling" : tout est dit.
Le docu-fiction pour "L'odyssée de l'espèce", pourquoi-pas ? pour "la résistance", pas adapté car forcément pollué par l'a-culture présidentielle (cf. : Guy Mocquet, l'Afrique, la Shoa, etc)

Cher Christophe Nick

Je viens, en toute modestie, apporter ma pierre à cette discussion.

J'ai donc regardé les deux volets de "La résistance". J'ai été très choqué par le fait qu'à aucun moment, vous ne faites allusion aux lettres de dénonciation. N'est-ce pas trois millions de lettres qui ont été envoyées à la police pendant l'occupation (pour dénoncer des juifs, des francs-maçons, des résistants, etc...) ? Pourquoi ne pas l'évoquer ? En regardant votre film, on pourrait avoir l'impression que la déportation des juifs en France fut uniquement le résultats des décrets de Petain et de Laval. Les français n'y étaient pour rien. Une petite référence à cette France collaborationniste n'aurait pas fait de mal.

Je trouve qu'il est très gênant, sous pretexte de présenter "La résistance", de vouloir gommer "La collaboration". Ce qui est dit dans ce "documentaire" n'est pas faux mais le fait que n'apparaissent pas tous les élements ne le rend pas tout à fait vrai à mes yeux.

J avoue que l ensembles de ces echanges , pue le reglement de compte entre des personnes qui manifestement se connaissent bien ...
adherent de fraiche date au site Mediapart , je m apercois brutalement que , aveuglé par , peut etre, la necessité de multiplier les espaces d expression libre, je me suis fourvoyé et tombé au milieu d un panier de crabes qui reproduisent les OK Corral's en cours dans la presse et l audio visuel ....
je n avais pas bien compris ...n etant pas de ce microicosme je met fin immediatement a mon abonnement !!!

C'est le propre de la discussion en ligne, quasiment toutes finissent en foire d'empoigne. Par exemple, la section "Comment" du Guardian, un précurseur, est devenue légendaire pour ses "flame wars", à tel point que ce journal emploie maintenant plusieurs "éditeurs" qui censurent instantanément les messages les plus virulents.

Je donne acte à christophe Nick d'affirmer qu'il a privilégié une vision historique de la résistance.

Merci de l'avoir précisé, d'ailleurs il eu été bon d'avoir ce petit explicatif en préambule de votre docu-fiction.

Evidemment, la france n'était pas satisfaite de l'occupation, évidemment les gens ont souffert des privations liées à la guerre.
Evidemment cette exaspération, croissante avec le temps (dureté, répression etc..) mais aussi rassurée par les défaites de l'armée allemande, a accentué le passage à l'action.

Néammoins, le simple fait de ne pas aimer n'est pas résister. C'est peut être, et encore, un terreau propice et préalable, mais pas du tout suffisant.
La transgression est essentielle. L'action aussi.

Sans elle, il ne se serait rien passé.

De plus on ne peut effectivement pas passer sous silence, la fracture du pays et également une réelle adhésion au régime de vichy d'une part non négligeable des français.

On eput effectivement dire que les français ce n'est pas la france. Mais les français jamais ne sont l'anti-france. Dés lors un docu fiction, à mon sens de simple spectateur, ne doit jamais perdre de vue, même en concentrant son regard sur notre face lumineuse, notre face obscure.

Et c'est cette face que j'ai trouvé, et c'est un point de vue de simple téléspectateur, comme presque inexistante. C'est ce que je regrette. Et je suis désolé de le dire, le nombre de dénonciation a été collossale dés l'armistice, dés la mise ne place du régime.

Les privations ne peuvent tout excuser.

C'est le point de vue d'un simple téléspectateur, qui déteste que l'on instrumentalise l'histoire. D'ailleurs ce genre de docu fiction, c'est peut être trés bien pour des sujets quasi scientifique, ou il y a beaucoup de reconstitution (préhistoire, antiquité) et où les matéiraux manquent, ou alors lorsque l'approche nécessite une modélisation fictive pour visualiser la réalité de l'époque.

Mais pour les périodes contemporaines, je m'en méfie beaucoup.

Bonjour
1. Merci à MediaPart d'exister et d'offrir un espace à ce type d'échanges. Contrairement à oeifer, je trouve tout à fait sain qu'il y ait dispute (et je trouve remarquable que Christophe Nick soit venu sur ce forum défendre son travail). La dispute ici est rude, mais c'est ainsi que cela doit être; et je trouverais regrettable que Christophe Nick "parte pas en claquant la porte" (même si je comprends qu'il voie rouge quand on attaque son bébé)
2. Cela étant, moi aussi, j'ai ressenti un malaise en regardant la 1ère partie; c'était bien, je me suis senti grandi, fier de mon pays... et un peu manipulé. De fait, je n'ai pas eu envie de regarder la 2ème partie. C'est comme quand je regarde un film hollywoodien bien fait: je marche, je pleure de joie au happy end; mais je sais que c'est fabriqué. Et de cela, comme l'écrit prevalli, quand il s'agit d'histoire contemporaine, je me méfie beaucoup.
3. Il me semble, Christophe Nick, que vous n'avez pas répondu à ce qui est l'essentiel des critiques portée sur votre travail, à savoir le rôle (un peu insidieux, il faut le reconnaître) de vos choix de forme. Je pense que c'est là que le bât blesse, et que c'est en cela que vous vous situez dans l'"air du temps" (même si ce n'est pas votre intention): revendiquer une neutralité de la forme, c'est l'équivalent actuel du "moi je ne fais pas de politique" d'il y a une quarantaine d'années, ou de prétendre (on y est encore) que des choix sont techniques et non idéologiques.
Jean-Philippe Drouhard

Je souhaiterais attirer l'attention de mes amis internautes sur quelques points :
Les personnes citées tout au long des commentaires ci-dessus :
christophe nick : journaliste
Robert Paxton, Jérôme Prieur, claude lanzmann : cinéastes
Marc Ferro, Laborie... : historiens
Première remarque : ce ne sont pas les mêmes métiers. Pourquoi ?
Parce que les journalistes rendent compte, les cinéastes proposent un point de vue, et les historiens mettent en perspective.
Autrement dit, les premiers sont des chroniqueurs du temps présent, les seconds des créateurs, et les troisièmes des analystes.
Le résultat final d'une oeuvre ne participe donc pas des mêmes démarches.
C'est là que je reviens à la première soirée : j'aurais apprécié que ce film débouche sur un débat, qui réunisse des dignes représentants de ces trois compétences, au lieu de me voir proposer, brutal retour à une certaine réalité
" tout savoir sur la grande distribution". A l'heure où on nous demande d'inventer une télé nouvelle, j'espère que cette proposition rencontrera u écho favorable.
j'ai aimé ces deux soirées, et pour ma part j'ai été capable de séparer le bon grain de l'ivraie journalistique.
Mais je pense aux autres téléspectateurs, qui ne savent pas que la télévision a chassé les réalisateurs au bénéfice des journalistes : pour le meilleur et pour le pire. Je déplore dans ce domaine un manque de pluralisme des talents.

Au final, Peneloppe, vous gardez au cœur de votre commentaire la télévision, puisque c’est elle qui s’est s’invitée au débat, avec ce « genre » fascinant à plus d'un titre qu’est le documentaire.
Ainsi, à mon sens, vous posez la vraie et grande question de la vulgarisation des savoirs (qui n'exclut pas le "divertissement").
Vulgarisation au sens le plus noble du terme. Qui doit s'inspirer d'une véritable éthique sociale : soit le fondement même des valeurs de la société laïque.
Avec à la clé, deux questions fondamentales pour celui qui s'y colle : "D'où je parle" et "A qui je parle". La presse écrite en a longtemps détenu les clés, qu'elle a passé (pour faire vite) à la télévision pour le meilleur (?) et pour le pire.
C'est un gros débat. Car, outre les questions d'économie politique (qui dit "pour le plus grand nombre", dit forcément moyens et "argent" tout court), une telle démarche de vulgarisation de qualité implique effectivement de croiser des compétences différentes. Et cela ne peut se faire sans une véritable éthique... de métier.
Je ne fais que l'effleurer, mais cette question est sans nul doute au coeur même d'un média qui se veut réellement participatif.

Oui, ce que j'ai voulu dire c'est qu'un historien, un réalisateur, s'adressent à l'émotion liée à la connaissance, plus profonde, alors que le documentaire qui fait l'objet de l'article d'Antoine Perraud est critiqué pour sa sollicitation de l'émotionnel, plus superficiel. Ce documentaire a été réalisé par un journaliste, et l'un des travers actuellement reconnu du journalisme, c'est justement d'abuser de l'émotionnel, au détriment de l'information.
Et c'est un travers qui empoisonne aussi notre démocratie - si tenté qu'on puisse réellement s'en prévaloir.
Or la télévision, en l'occurence, force est de le reconnaître, se trouve actuellement et depuis un bon moment déjà entre les mains exclusives d'une corporation : les journalistes.
Cette situation est à mon sens très regrettable, d'un point de vue éthique, comme vous le dites justement.

viviane Palumbo
cela me fait furieusement pensé à une chanson de J.J. Golmann, si j'étais né en 17 à Lendestatd ou tiréde l'album rouge la chanson "frères"
je viens des plaines, je suis montagnard, ces terres-là sont les miennes, ce sont nos campagnes, à nous depuis la nuit des temps, nous y étions avant, nous combattrons pendant 1000 ans jusqu'au dernier sang !!
les mêmes cris, mêmes discours, les mêmes dialogues de sourds, contraires et semblables aussi, identiques au fond de la nuit. frères, la même jeunesse, même froid sous la même pluie, mêmes faiblesses, même angoisse, mêmes pleurs, mêmes douleurs, même acier dans les mêmes ventres déchirés !!
biensûr les héros ne sont pas tous du même côté, les traitres aussi, ceux qui ont peur ou ceux qui sont courageux, c'est l'évidence. mais pourquoi une enième emissions sur la résistance avec une seconde partie sur les juifs qu'il fallait sauver ? qui peut dire aujourd'hui loin des circonstances de l'époque qu'il aurait été du "bon" ou du "mauvais" côté. peut-être parce que les blogs de la communauté "résistance" jalonnent les sites Internet contre le fléau du 21e siècle : le sarkozisme ?

Bonjour,

Je découvre par hasard Médiapart et y apprécie la culture déployée, la liberté du débat, parfois vif, et le sérieux des arguments échangés.

Comme l'auteur de l'article qui initie ce fil, il me semble que le travail de Christophe Nick est fort critiquable pour diverses raisons: historiques d'abord méthodologiques ensuite, mais aussi de choix précis et manifestes de positionnement sur les questions abordées.

Outre les choix personnels du réalisateur que l'on peut discuter en toute sérénité- ses réactions me semblant sur ce fil quelque peu "émotionnelles" plus que constructives- il me paraît clair que ce travail n'aurait pas dû être confié à un écrivain-journaliste d'origine, ce que me semble être, sauf erreur, Christophe Nick.

Ce travail aurait gagné en clarté et pédagogie efficace à être le produit d'une équipe d'historiens qualifiés, une oeuvre collective de spécialistes pouvant présenter éventuellement des visions et thèses différentes discutées dans le cadre d'un même labeur scientifique, un documentaire s'en tenant, comme son nom l'indique, aux faits et les séparant très nettement de "commentaires" par nature "sujets à possible polémique".

Car, ici, les commentaires, nettement "orientés", chacun en est d'accord, ont finalement brouillé, obscurci et finalement éliminé en partie le fond factuel. Le film est ainsi dévié de sa nature propre et sa perspective compréhensible en est gravement altérée.

Il n'est pas laissé aux citoyens-spectateurs la liberté de penser par eux-mêmes sur les évènements, la possibilité de se forger en conscience une opinion propre. Celle-ci est en quelque sorte suggérée, apportée, importée.

Nous sommes sortis du documentaire pour entrer dans une sorte de "travail éducatif" des citoyens, de plus fort critiquable sur plusieurs points que d'autres, et l'auteur de l'article en tête, ont signalés.

Le malaise que beaucoup ont ressenti vient peut-être aussi du fait que le spectateur est dépossédé de son droit au jugement libre par une insidieuse manière de vouloir lui apporter un "prêt à comprendre" le sujet tout fait, quelque peu envahissant. On lui "suggère" une thèse officielle sans le dire clairement, et sans laisser la place à la diversité des thèses et positions existantes.

Or, un documentaire "historique", s'il veut mériter cette appellation précise, ne doit et ne peut pas mélanger présentation des seuls faits objectifs avérés avec des commentaires, ici, plus encombrants et gênants qu'utiles et pertinents.

Le "problème" signalé sur la profession du réalisateur se conjugue aussi à un défaut que les publications de Christophe Nick attestent: son manque de rigueur sur les faits, quelquefois fortement critiqué à juste titre dans plusieurs de ses ouvrages. Le journaliste, qui se croit parfois investi d'une mission "d'information", a trop percé sous l'apprenti-réalisateur de documentaires et a confondu quelque peu les genres. C'est ici visible et regrettable.

La manière de faire et le fond du film avèrent bien qu'être historien ne s'improvise pas, et que journaliste et historien sont bien deux professions très distinctes, ne se confondant aucunement.

La réaction de Christophe Nick "opposant" Paxton à d'autres historiens est à cet égard révélatrice. Il ne comprend pas la méthodologie historique et se pose en juge arbitral de travaux qu'il n'a pas qualité à juger. Il prend position sur le fond des choses alors qu'il entend intervenir pour, à juste titre légitime, défendre son travail.

En résumé, ce n'est pas tant sa bonne foi qui peut ici être mise en cause que son "incompétence professionnelle" à "dire l'Histoire" quand il n'en a pas, visiblement, les capacités propres. Ce qui n'es pas une critique, mais un constat!

Nous avons ici, d'un certain point de vue, le "principe de Peter" en action.

Il serait don souhaitable que le service public, à la lumière des résultats plutôt peu négatifs de cette expérience, utilise à l'avenir les qualifications professionnelles des personnes qu'il emploie dans leur champ de compétences. Les historiens peuvent s'occuper de l'Histoire, les journalistes de l'information, les écrivains de l'écriture.

Le service public évitera ainsi le piège des confusions des genres dans un "documentaire historique" et notamment le hiatus ennuyeux entre faits présentés et commentaires, par nature discutables.

L'ORTF sut naguère présenter sur la deuxième guerre mondiale de vrais documentaires qui se cantonnaient à la présentation des faits historiques, sans dérapages, ni polémiques, tant ils étaient clairs et surtout vrais.

Une leçon du passé pour l'avenir des documentaires de ce type.

Bien cordialement à toutes et tous,

Bonjour,

Débat vif mais passionnant auquel je me permets d'apporter ma modeste contribution. Je ne suis ni historien, ni journaliste, ni spécialiste. Je m'intéresse au sujet et suis plutôt cinéphile. Je ne regarde jamais la télévision mais là, j'ai fait une exception et, ma foi, j'ai été touché par les deux films, le premier en particulier auquel j'ai consacré un petit billet sur mon blog (http://inisfree.hautetfort.com/archive/2008/02/19/ami-entends-tu.html).
Je m'attendais à des réactions du style de celle de M Perraud et je ne les partage pas.
Du point de vue de la réalisation, je trouve la montage des images remarquable, rythmé et clair. Je n'ai jamais eu l'impression de confusion entre les différentes sources, archives, films d'époque (La bataille du rail) et reconstitutions. Ces dernières sont restées à la place qui leur était dévolue, celle de suggérer celles qui n'existent pas, les moments de clandestinité. Elles ne cherchent jamais comme j'ai pu la voir, le spectaculaire. L'exception remarquable, c'est la séquence d'Oyonnax où l'on voit bien que la reconstitution colle au plus près du film réellement tourné (http://www.maquisdelain.org/index.php?r=article&id=9), et dont le son donne une unité à l'ensemble. Ca me semble une façon de dire que les deux formes peuvent marcher main dans la main sans forcément manipuler. Sur la manipulation, justement, je n'aime pas trop cette façon de dire que les spectateurs seraient « prisonniers » d'un discours imposé, asséné. Je me considère comme assez grand et avec le minimum d'esprit critique, et tout le monde ici aussi sans doute, pour ne pas me limiter à une vision, fut-elle remarquable. Ma connaissance de l'époque comprend Paxton et Nick, Ophuls et Clément, Périot et Wieviorka. Je trouve absurde de reprocher au film de ne pas s'appesantir plus la collaboration (tout y est pourtant) puisque ce n'est pas son sujet. Et le commentaire, sa forme artistique, me semble correspondre à une volonté de ne pas manipuler. En le chuchotant, on crée une proximité et on donne du temps, un temps de réflexion indispensable vu la densité des images et des faits. Ca me paraît un bon choix.
Sur l'esprit, je trouve que ce film a les mêmes qualités que des oeuvres comme « La Marseillaise » de Renoir, « Casablanca » de Michael Curtiz, « La bataille du rail » de Clémént ou « Le soleil Brille pour tout le monde » de Ford. Oeuvres de propagande ? Certes, mais plus que cela, c'est peut être ce que vous appelez la vision Michelet de l'histoire, il s'agit de rappeler les fondamentaux de l'esprit d'une nation. Ce que je trouve admirable dans ce film, c'est comment il montre le mécanisme qui a permit à un pays vaincu, démoralisé, en proie à ses démons habituels (antisémitisme, racisme, délation, conservatismes variés), de retrouver ce qui fait sa grandeur et de poser à la Libération de nouvelles bases pour une société progressiste (la politique du CNR, le vote des femmes, la sécu, les lois sur le travail...). Je n'oublie pas tout ce qui, dans les décennies qui ont suivi, a trahit cet esprit, mais la Libération a marqué, comme le Front populaire ou Mai 68, un pas en avant. Et je ne crois pas que tout ceci aurait été possible s'il n'y avait pas eu ce mouvement de fond dans la société française pendant l'occupation dont la description me semble au coeur du film.
D'ou ma conclusion « politique », je trouve assez déplacé d'accuser implicitement le film d'être dans l'air du temps sarkozyste. En le voyant, je pensais plutôt le contraire. Le commentaire du premier volet rappelle ce qu'étaient les valeurs du CNR ( démocratie sociale, égalité, laïcité...) et ce qui me semble implicite c'est que ces valeurs sont aujourd'hui attaquées avec constance. Et qu'elles doivent être défendues. Quand le film décrit les mille petits geste de résistance, comment ne pas penser à tous les réseaux de solidarité d'aujourd'hui autour des SDF, sans papiers, prisonniers, clandestins, etc. Comment ne pas penser, quand le film raconte la naissance des premiers journaux libres et indépendant, qu'un site comme Mediapart en aurait fait partie ?

Cordialement

Merci beaucoup d'apporter votre vision argumentée des choses. Il me semble que tous ces échanges, durant cette semaine, ont montré qu'Internet, loin de nous obliger à débagouler en toute réactivité, permet de débattre en connaissance de cause.
Sur le site définitif de MediaPart, à partir du 16 mars, nous avons quelques idées pour que la polyphonie soit complète lorsque des sujets provoqueront une vague de réactions intéressantes, histoire de les prolonger d'une façon féconde, notamment.

Un prolongement est arrivé, aujourd'hui, sur la Toile, avec un enregistrement de l'émission Arrêt sur images de Daniel Schneidermann. Comme quoi non seulement il est possible, par les voies électroniques, de publier une critique de 7000 signes (1800 signes au maximum dans la presse papier), mais en plus les controverses qui font sens y rebondissent à loisir, alors que la vieille industrie n'a plus tout à fait la tête à cela. De ce point de vue, vous avez sans doute raison de rappeler, à la fin de votre commentaire, "la naissance des premiers journaux libres et indépendants". Mais attention, il faut rester vigilant, mobilisé et... abonné : dès 1946 commençait ce que l'on désigna comme "la chute des feuilles", c'est-à-dire la fin de tels projets éditoriaux indépendants et libres.

Lors du débat d'Arrêt sur images, qui doit être mis en ligne aujourd'hui, j'étais avec le co-réalisateur et co-producteur de "La Résistance", Christophe Nick, ainsi qu'avec l'historien Jean-Pierre Azéma.
J'ai proposé un plan (intenable !) en trois parties :
1° Un docu-fiction contestable sur la forme...
2° ...qui gauchit les travaux des historiens...
3° ...et relance la guerre franco-française des mémoires.

Daniel Schneidermann a préféré suivre son tropisme de mouche du coche, domaine dans lequel il excelle.

Après l'émission, longue discussion avec Christophe Nick. Il en ressort que je me suis trompé en lui attribuant (dans ma réponse à Charles Enderlin) la fabrication d'archives (comme avait pu le faire Pierre Beuchot dans "Hotel du Parc") : il n'a utilisé, jure-t-il, que des archives d'époque. Les reconstitutions ne concernent donc que les scènes de fiction. Pardon d'avoir commis une telle erreur factuelle.

Christophe Nick considère que je m'inscris dans une lignée de journalistes (Télérama pour faire court) auprès desquels il n'a et n'aura jamais la cote. Le débat me semble plutôt porter sur une vision antagoniste du rôle de la télévision. Je la vois comme un art populaire et je fais preuve d'une exigence qu'il juge déplacée. Il la considère comme un moyen de toucher un très large public en s'adaptant à lui, quitte à se livrer, de mon point de vue, à des concessions critiquables.

Ce débat traverse sans doute MediaPart, où la pluralité fait rage. Il n'y a pas de ligne et je n'ai fait qu'exprimer, tout au long de cette semaine, dans ce bout de chemin avec tant de lecteurs, mes convictions. Chacun est en droit de me trouver trop raide, trop élitiste, trop polémique, ou trop cruel dans mes jugements. Chacun peut aussi m'approuver voire surenchérir ! N'est-ce pas un signe de résistance démocratique, alors que l'esprit public est parfois perçu comme fourbu sur sa litière ?!

AP

Post Scriptum : Une citation de Philippe Viannay (Indomitus était son pseudonyme), dans "Défense de la France", sous l'occupation : "Quoi ! Vous vous figurez avoir lutté parce que, derrière trois portes closes, en l'absence de votre femme, vous avez confié à un intime ami que vous trouviez les occupants indésirables ? Français, nous sommes en guerre, et la guerre, c'est autre chose que d'écouter la radio anglaise..."
*******************************************
Un article paru dans Libération le 21 février, à propos de "La Résistance", du grand historien et résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac, né en 1917 :
http://www.liberation.fr/rebonds/311314.FR.php

Je viens de découvrir Mediapart et la lecture de ce fil.
Je trouve beaucoup de commentaires un peu "raides". C'est vrai que le docu-fiction est un genre pas spécialement appréciable, mais là j'ai trouvé que cela passait bien.
Sur le fond, plutôt des remarques que des critiques.
Sur la première partie rien sur l'activité de la MOI et sur la deuxième rien sur la spoliation des biens et les dénonciations. Mais dans l'ensemble et sans être un spécialiste, il y a beaucoup de choses qui sont dites, vu le peu de temps disponible pour le genre documentaire à une heure de "prime time".
Ma seule grosse critique en fait est que l'antisémitisme semble tomber ou du moins arriver avec les troupes allemandes, alors que la France n'était pas épargnée par cette gangrêne avant la guerre.
Il est toujours difficile de faire passer beaucoup de choses en un seul docu ou dans un seul ouvrage. Là j'ai encore appris quelques petits et grands faits sur cette période.
Bref c'est une invite à voir ou à revoir d'autres films/docus et surtout à lire et à relire beaucoup de livres...
Et à voir la suite sur France5 je crois.

Oui, dès aujourd'hui sur France 5, ce n'est pas la suite mais une déclinaison plus scientifique du "docu-fiction" de France 2, en quatre volets cette fois, avec des historiens livrant leurs explications et leurs analyses. Si j'ai bien compris (je ne les ai pas vus, j'avais juste demandé à France 2 les DVD du docu-fiction en deux parties), ces quatre volets sont néanmoins "enrichis" ou "encombrés", selon le point de vue "conciliant" ou "raide" sur la question, par les fameuses scènes de reconstitutions largement critiquées sur ce fil.
Peut-être faut-il alors parler d'un docu-fiction agrémenté de topos d'historiens...
AP

Comment rendre compte et expliquer cette période en si peu de temps (2 x 90 minutes) ?
Comment s'adresser à un public ayant une connaisance diverse (c'est le moins qu'on puisse dire ) ?
A voir la réaction de certains collègues qui ont vus les deux volets, la forme est vraiment secondaire...
Les 4 volets devraient donc "compléter" utilement cette première partie et permettre de continuer à voir et à lire.

Bonjour,

pourquoi sur ces questions personne ne cite jamais l'excellent livre "Amis des Juifs" publié par l'éditeur Tiresias ? Une dizaine de témoignages de "non-juifs" qui ont arboré l'étoile jaune par sympathie et solidarité avec ces citoyens traqués, déportés, disparus… Travail d'historien, de témoignage, pas de jugement, pas de gloire échevelée ni d'angélisme facile, juste le récit simple et sincère de ces dizaines de Français, tous très différents, qui ont pris ce risque inconsidéré de résistance passive, mais oh combien visible, pendant l'occupation.
Savoir ce qui se passait dans "leur" tête, écouter les résistants / désobéissants anonymes et spontanés… Voilà qui éclaire, au minimum, sur la nature humaine, les questions et le courage, et la situation difficile et tragique de tout individu face à la barbarie… Pas de parti pris comme on le reproche à ce documentaire, juste les mots, leurs mots, au milieu du vacarme assourdissant des trains de la mort…

Des Justes aux Amis des Juifs, des FTP aux FFI, des communistes aux royalistes… L'une des choses que nous apprend l'Occupation est aussi, qu'à un moment, chacun est seul quand l'ignominie devient la monnaie courante d'un pays. Moi, jeune homme d'une trentaine d'année, le "courage" ou la "lâcheté" de la France m'intéresse infiniment moins que le sort, les pensées et les coeurs d'individus, tous pris quelque part entre honneur et peur, entre racisme ordinaire et veulerie banale, confrontés à des choix que l'humain n'aurait jamais avoir dû à connaître. Comment réagirais-je face à un occupant nazi ? je n'en sais fichtre rien, mais je sais que chaque Français, comme chaque humain, reste aussi un semblable (parfois à mon grand désespoir). Cela me suffit.

Écoutons leurs voix, pour s'inspirer autant de leurs doutes que de leurs actes, à l'heure des caricatures et des usurpations, où tant de "politiques" et de "philosophes" semblent se partager le gâteau du souvenir, se l'accaparer plutôt oubliant, semble-t-il, que, sans aller jusqu'à Auschwitz, mais simplement dans nos rues et sur nos trottoirs, hurlent et pleurent encore nos frères humains.
Puissions-nous, loin des écrans mais bien dans nos coeurs et nos villes, encore et toujours les entendre et les honorer…

Vous devriez allez faire un tour sur http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/02/23/polemique-en-vue/
"La Résistance" y est également discutée mais sur un ton légèrement différent, un peu moins policé mais non moins intéressant qu'ici... (salut Antoine P. !)

Ave Passou, ceux qui vont écrire te saluent !

Il faut absolument lire (ou relire) le témoignage du très grand Leon Werth, "Déposition" sur la période, pour bien saisir ce qu' a pu être la France de Vichy et la France de l'occupation.

Oui, effectivement, Léon Werth (1878-1955), dédicataire du "Petit Prince" de son ami Saint Ex, a tenu son Journal de 1940 à 1944. "Déposition", c'est son titre, est disponible, ainsi que toute son œuvre (plus une biographie que lui a consacré Gilles Heuré) aux éditions Viviane Hamy. "Déposition" permet de "recomposer l'évolution des esprits" (Lucien Febvre) durant l'occupation. Comme le note dans sa préface Jean-Pierre Azéma, qui a bâti le remarquable appareil critique de cette édition, ce "texte à tous égards singulièrement moderne" offre une "prise en compte de toutes les composantes" d'une société cadenassée quatre ans durant.
AP

Bonjour Monsieur Perraud,
J’ai vu votre passage sur @si et j’ai un gros regret, que l’antagonisme entre @si et MédiaPart que l’on ressent sous le vernis du professionnalisme, ne vous permette pas de vous exprimer. Pourriez-vous, si ce n’est pas trop exiger de ma part, détailler les trois points que vous vouliez exposer pendant le débat ? Car vous vous arrêtez au premier point sur l’injonction du meneur de débat, et l’auditeur reste sur sa fin et frustré pour vous et pour lui. Du reste @si étant une émission qui revendique une durée SDF, je ne comprends pas pourquoi vous n’êtes pas revenu à la charge. DS est il si difficile?

Non, non, cher lecteur, il ne s'agit pas tant d'un antagonisme entre @si et MediaPart que d'une légère erreur de ma part : prétendre d'entrée, avec un humour à froid difficilement perceptible, imposer, dans un débat qu'animait le Trismégiste Daniel Schneidermann, un plan en trois parties (horresco referens !) : il était hors de question qu'on me laissât ainsi imprimer la cadence...
Ledit plan figure dans le compte-rendu que je livrai, de retour de l'enregistrement de l'émission (22/02/2008 à 13h46). Vous constaterez que je ne suis pas sorti traumatisé de ce qui vous est apparu comme une confrontation "difficile", mais peut-être est-ce le fait de mon inconscience...
Bien à vous cordialement,
AP

C'est dommage, tout est payant chez @si... C'est regrettable de s'abonner que pour suivre une heure d'émission.
Sur le sujet, un effort de gratuité aurait mérité d'être fait, car cela dépasse vraiment le petit monde de la TV.
Ce débat restera donc comme un mythe...

Vous pouvez trouver un court extrait sur dailymotion :
http://www.dailymotion.com/video/x4grwa_arret-sur-images-docufiction-la-...

Merci pour le lien.
Difficile de parler de cette émission à partir d'un extrait. L'opinion de J.P Azema aurait été interessante à entendre.
Quand même, Antoine Perraud, vous semblez vraiment vouloir en découdre (au-delà d'une critique raisonnée et constructive) avec le réalisateur avec des propos limites.
Des retours sur le documentaire diffusé vendredi dernier ?

"Propos limites" ? Je déclare au réalisateur qu'il aboutit à d'excellents résultats quand il abandonne "l'émotion rétrospective du journaliste-justicier pour se hisser vers les hauteurs de l'historien". Avouez, cher Bixente, qu'il est des propos plus regrettables :

http://www.mediapart.fr/presse-en-debat/l-information-sur-le-web/2502200...

Ok et merci.

Il y a effectivement plus regrettable et pitoyable mais dans ce cas, ce n'est malheureusement pas une grosse nouveauté...
C'est bien pour cela que votre réaction me semble disproportionnée. Drôle de jeu d'en rester à l'écume des choses.

Dans un pays qui a du mal à expliquer pourquoi il a déclaré la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939, dans un pays qui a oublié que c'est le parlement de front populaire qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain, dans un pays qui n'enseigne pas à l'école de guerre la débacle de 1940, dans un pays qui ne sait pas que sur les 130 000 soldats français évacués de Dunkerque par les Anglais moins de 10 000 ont rejoint les Forces Françaises Libres, Marc Bloch rejoignant Brest des juillet 1940, dans un pays qui a interdit "Le Chagrin et la pitié" merci Madame Simone Veil, dans un pays qui ne parle jamais de ses deux millions de prisonniers dont 144 généraux, la seule chose qui nous reste c'est l'oubli.

À Alger, en 1943, un jeune conseiller de Winston Churchill, Harold Mac Milan decida Churchill à ne pas abandonner De Gaulle. Questionné sur la raison de ce choix, il répondit : en 1940, il se prenait pour Jeanne d'Arc et pour nous Anglais, le mythe de Jeanne D'arc a bouté les Anglais hors de France.

C'est peut être hors sujet mais cela explique la difficulté de faire œuvre utile sur cette période.

Quand le Mythe devient Vérité : PIE XII le pape d'Hitler.

La seconde guerre Mondiale est un sujet qui intéresse encore beaucoup, nos contemporains pouvant parfois être source de conflits plus que passionnel, il n'y a qu'a regarder le nombre de commentaires qui ont été suscité par l'article d'Antoine Peraud :""La Résistance" : le docu-fiction de France 2 rétablit les mythes sous prétexte de les pulvériser. Et je viens par cet article jeter une sorte de pavée dans la marre concernant PIE XII et les juifs. car c'est en travaillant cette question lors de la sortie du film AMEN que je me suis aperçu de la force que certain lobby pouvait avoir sur la manière d'interpréter l'histoire, voir de la déformer et d'arriver en définitive à la faire devenir une Vérité. Ce que je démontre ici en prenant l'exemple de PIE XII, pourrait parfaitement ce faire pour d'autres phénomènes.

La réflexion que je livre à été écrite à l'occasion de la sortie du Film AMEN.L'année de la sortie de ce film, beaucoup traitaient de cette période. "Laissez passer", de Bertrand Tavernier, sur la résistance dans le cinéma. « Monsieur Batignole » sur l’humanité de l’homme face à l’injustice et le film Amen qui défraya tant la chronique par son affiche suggestive associant la croix du christ à la croix gammée symbole du nazisme. Beaucoup de Chrétiens (catholiques et protestants) et de juifs même, se sont élevés contre cette affiche a la fois diffamatoire et blasphématoire. Mais outre son caractère provocateur n’a-t-elle pas atteint son but qui était de faire parler du film ? La preuve en est, c’est que je vous en parle encore.

L’histoire racontée, ne fait que donner le point de vue subjectif de l’auteur, sans l’objectivité voulu par tout phénomène historique. Mais sauf démonstration brillante il est difficile de faire croire à une partiale impartialité. C’est pourtant ce qu’essaye de faire Costa Gavras, quand il juge l’action de L’Eglise et de Pie XII pendant cette douloureuse période qu’est la seconde guerre mondiale. Amen est l’adaptation d’une pièce de théâtre, le vicaire, écrite en 1963 par Rolf Hochhuch, auteur Allemand de gauche (et ancien membre de la jeunesse hitlérienne), il y décrit un Pie XII plus intéressé par les finances du Vatican que par l’extermination des juifs. C'est de là qu'est né tout un courant de pensé, visant à critiqué et condamner le rôle jouer par l'Eglise et par Rome en particulier. A tel point qu'aujourd'hui il est presque impossible de défendre le rôle joué par Rome et l'Eglise sans être considéré de traditionalisme, voir même d'antisémitisme. pour étayer mes dires sur l’article du rabbin David Dablin*
http://www.pie12.com/index.php?2007/06/11/62-j-10-presentation-du-rabbin.... Du même auteur on peut trouver un livre "Pie XII et les juifs : Le mythe du Pape d'Hitler, http://www.pie12.com/index.php?2007/06/15/64-extrait-de-pie-xii-et-les-j....

Dans un premier temps, il faut dissocier le Vatican temporel du Vatican spirituel. Dans les années 1930 L’Eglise laisse faire les pays totalitaires et l’Allemagne car elle voit en effet dans ces pays fort un rempart au communisme et se ménage par le biais de concordats de 1933 la possibilité de ne pas perdre toute influence sur le pays. Rapidement Rome s’aperçoit de l’impossibilité de discuter avec le pouvoir en place et condamne dès 1937 le nazisme dans l’Encyclique « Mit brenneder sorge » et le communisme athée dans « Divini redemptoris ». L’encyclique sur le Nazisme est signée Pie XI mais rédigée entièrement par Eugène Pacceli qui deviendra en Juillet 1939 le pape Pie XII. Ce que l’on reproche à Rome et à Pie XII c’est de ne s’être pas situé de façon claire sur l’antisémitisme et l’extermination du peuple juif. À cette remarque je mets au défi de trouver une déclaration qui des Américains, qui des Anglais, qui de la France libre condamnant officiellement l’extermination massive des juifs, car à ma connaissance il n'en n'existe pas. D’autre par l’article du rabbin Dalin, démontre que si l’on regarde la presse internationale de cette période on remarque qu’à plusieurs reprises Pie XII intervient.

Octobre 1939 Pie XII publie son encyclique « Summi Pontificatus » qui est un plaidoyer pour la paix, il met en avant que le rôle du Pape n’est pas de condamner mais d’intercéder auprès des deux parties au conflit. Il cite explicitement St Paul « Il n’y a ni païen ni juif » où il utilise le terme de « juif » dans le terme du rejet de l’idéologie raciale. Le New York Times titre sa une « Le Pape condamne, le racisme, les dictateurs et ceux qui violent les traités. » **
1939-1940 : Pie XII aide de son mieux la conspiration anti-hitlérienne et risque la neutralité de l’Eglise en avertissant les Pays-Bas et la France d’une invasion imminente.

Mars 1940 : Pie XII reçoit Von Ribbentrop (ministre des affaires étrangères) et prends la défense des juifs et des Polonais. À la sortie de l’entretien Ribbentrop critique le fait que le Saint siège se soit placé du côté des alliés. Le message à dû être clair

Été 1942 : Pie XII envoi son nonce protester auprès du gouvernement de vichy pour les rafles et la déportation massive des juifs en Allemagne. Le New York Times suit de prêt ces événements.

Automne 1942 : Pie XII est décrit dans un pamphlet Allemands comme un Pape Pro Juif.

Décembre 1942 (Le film Amen pour étayer son argument nous montre lors de l’intervention de Noël 1942 un pape, peu virulent alors qu’en réalité Pie XII est extrêmement explicite. Il réitère le même discours l’année suivante en parlant « de ces centaines de milliers de personnes marquées du sceau de la mort ou de l’extinction du seul fait de leur nationalité ou de leur race. Toute cette diatribe, peut-être considérée aujourd’hui comme, pas assez virulente, à été parfaitement compris à son époque aussi bien par les populations visées que par le régime Nazis. Le Rabin Dablin met en exergue une note interne du parti national socialiste qui dit en parlant des interventions du souverain pontife : « Son discours est une attaque à tout ce que nous défendons, … Il parle clairement au nom des juifs… Il accuse le peuple Allemand d’injustice envers les juifs et se fait le porte-parole des criminel de guerre juif.

Alors la question est : en quoi Pie XII est-il complice ou coupable de silence vis-à-vis de l’holocauste ?
Le ministre des affaires étrangères de Mussolini indique que PIE XII est prêt à être déporté dans un camp de concentration plutôt que de renier ses convictions. Hitler envisage même une invasion de l’Etat du Vatican et d’un enlèvement du pontife romain.

Cette nouvelle attaque de l’Eglise nous montre combien elle peut encore faire peur et combien annoncer l’amour la paix et la tolérance sont des armes aussi efficaces que celles qui servent à faire la guerre. Cette mise en cause aurait sûrement outré les anciens chefs de la communauté juive tel qu’Albert Enstein, Golda Meir ou Moshe Sharet qui ont publiquement remercié Pie XII pour avoir sauver des centaines de milliers de juifs en Italie. Pinchas Lapide qui fut consul d’Israël à Milan affirme que Pie XII à sauver d’une mort certaine entre 700 000 et 860 000 juifs.

Tout cela pour dire que nos média doivent être parfois investigateur et ne pas se contenter d'affirmation toute faite et qui avec le temps deviennent vérité. C'est une des choses qui m'a séduit dans ce projet de Mediapart. Que cela continue longtemps.

Mais je laisse conclure cette réflexion par le rabbin Dablin* et la finale de son article paru dans N°2666 de la documentation catholique :

« On peu lire dans le talmud que celui qui sauve une seule vie sauve l’humanité ; Pie XII plus qu’aucun autre homme d’Etat du XXe siècle, a accompli cela à l’heure ou le destin des juifs Européens était menacé. Aucun autre pape n’avait été autant loué par les juifs avant lui, et ils ne se sont pas trompés. Leur gratitude ainsi que celle de tous les survivants de l’holocauste prouve que Pie XII fut véritablement et profondément juste parmi les nations. »****

Bibliographie :

Pie XII et la seconde guerre Mondiale de Pierre Blet, Perrin 1997

La documentation catholique du Documentation catholique N°2266 p 289-296.
Documentation catholique N°2266 p 289-296

* Historien Américain spécialiste des relations entre juifs et Chrétiens appartenant à un courant conservateur du judaïsme.
** Col 3,11
*** Édition du 28 octobre 1939
**** Le New York Times Edition du 14 mars 1940