MediaPart a sélectionné pour vous les 35 villes à regarder à la loupe, pour comprendre qui de la gauche ou de la droite aura gagné dimanche, et s'est penché sur le troisième tour du scrutin: le contrôle des communautés urbaines.
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Lire aussi. [2]A Marseille, la gauche s'est libérée de l'héritage Defferre [3]
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C'était le 18 mars 2001. Au soir du second tour des élections municipales, les ténors du Parti socialiste sont rayonnants sur les plateaux de télévision. Grâce à leurs listes plurielles, ils ont ravi Paris et Lyon à la droite. Du coup, la quarantaine de villes moyennes perdues passe quelque peu aux oubliettes. Les analyses à chaud des médias n’évoquent pas un vote sanction contre la gauche, préférant retenir, comme Ouest-France, la perte symbolique des deux métropoles comme « événement majeur des municipales ». [5]
L’arbre Paris-Lyon cache la forêt, car ce sont bien 40 villes de plus de 20. 000 habitants et 35 de plus de 30. 000 que vient de perdre la gauche. Et si Lionel Jospin mène correctement sa barque à Matignon, sur le terrain, ses ministres s’en tirent moins bien : Dominique Voynet (Verts) et Jean-Claude Gayssot (PCF) ont été écartés dès le premier tour, Jack Lang, Pierre Moscovici et Elisabeth Guigou sont battus au second.
Trente-cinq villes-tests
Dimanche, les projecteurs seront bien évidemment braqués sur Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg et Lille. Mais des enjeux tout aussi importants se nouent dans les villes plus moyennes de l’hexagone (entre 30.000 habitants et 150.000 habitants). « Pour les municipales, l’expérience montre qu’il est difficile de savoir quelles villes sont emblématiques, parce qu’il n’y a pas de sondages partout, et donc pas toujours de baromètre crédible », explique Pierre Giacometti.
Mediapart a sélectionné les 35 villes-tests du scrutin, [6] sur la base de quatre critères : la présence de personnalités politiques sur les listes, l’incertitude (basculement possible à gauche ou à droite), la stabilité politique de la ville (depuis combien de temps est-elle entre les mains du maire ou de son dauphin), la présence de « niches » (c’est-à-dire d’ilôts de gauche dans une région de droite, ou inversement). Le critère démographique retenu est le seuil significatif des 30. 000 habitants. « C’est à ce niveau que commence la politisation, les investitures des partis et que le nombre de conseillers municipaux et le budget deviennent importants », souligne Pierre Giacometti.
Pour Elisabeth Dupoirier, directrice de recherche au CEVIPOF, les enjeux se situent à trois niveaux: « Les villes où le rapport droite-gauche est serré, les 40 villes de gauche prises par la droite en 2001 et les villes qui peuvent être emportées par le mouvement national de décrochage de la droite. »
Au parti socialiste, l’objectif est clair : « inverser le rapport de force droite-gauche dans les villes moyennes, explique Bruno Le Roux, spécialiste des élections au PS. Avant le premier tour, nous détenions 170 villes de plus de 20. 000 habitants, tandis que la droite en possédait 220. Si nous reconquérons 30 des 40 villes moyennes perdues en 2001, nous renversons ce rapport ». A cet objectif s’ajoute le souhait de François Hollande de remporter « plus de la moitié des départements en gestion et plus de la moitié des grandes villes françaises » afin de devenir « le premier parti de France ». [7]
A droite, les ambitions sont évidemment plus modestes. La semaine dernière, le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, espérait « gagner une quinzaine de grandes villes de plus de 30.000 habitants » et « conserver [nos] grandes villes ». [8] « On regardera particulièrement quatre types de villes, détaille son secrétaire adjoint Dominique Paillé. Les grandes villes que nous tenons aujourd’hui (Marseille, Toulouse, Strasbourg), celles conquises en 2001, où la droite n’est pas extrêmement bien implantée et où Nicolas Sarkozy était minoritaire à la présidentielle - essentiellement des villes de l’ouest comme Caen, Blois, où le bilan local sera décisif -, les conquêtes que l’on peut faire à l’est d’une ligne Dunkerque-Perpignan (Villeurbanne, Aubagne, etc) et les villes sur lesquelles on fonde quelques espoirs, comme Belfort ou Chambéry ».
Pour Alain Marleix, les villes-tests seront aussi « celles où l’UMP était majoritaire au second tour de la présidentielle ainsi qu’aux législatives, mais qui sont aujourd’hui détenues par la gauche : Angers, Saumur, Aubagne, Istres, Chambéry, Autun, Charleville-Mezieres, etc ».
Au MoDem, où les alliances de l’entre-deux tour ont été réalisées au cas par cas [9], on lorgnera surtout « celles où les centristes seront en position d’arbitre, comme Saint Etienne, Aix, Caen, explique Eric Azières, spécialiste des élections au MoDem, ainsi que les villes de tradition communiste, parfois acquises par l’UDF en 2001, et que la gauche non communiste pourrait aujourd’hui conquérir (Le Blanc-Mesnil, Montreuil, Villepinte). »
Troisième tour
Mais derrière les municipales se profile un autre enjeu, véritable troisième tour de l’élection : le contrôle des communautés urbaines. « C’est une problématique-clé, analyse Stéphane Zumsteeg, directeur du département opinion d’Ipsos, car les budgets municipaux sont affiliés à la communauté urbaine. Quand une ville se lance dans une politique d’aménagement du territoire, par exemple un tramway, la communauté urbaine est le centre de décision ». Composées de membres des conseils municipaux des différentes communes, elles peuvent basculer lors des municipales.
A Lille, les espoirs de la droite de faire basculer la LMCU se sont envolés avec la cuisante défaite de l’UMP Christian Vanneste à Tourcoing (30,71% contre 53,58% pour le candidat socialiste), dont la conquête aurait permis de prendre le contrôle de la communauté urbaine.
Autre agglomération qui s’éloigne pour la droite: celle de Lyon (le « Grand Lyon » - l’ancienne « Courly » - et ses 57 communes). Avant le premier tour, Alain Marleix nous expliquait que « si l’une des quatre villes de l’est lyonnais passait à droite (Villeurbanne, Saint-Priest, Bron, Rieux-le-Pape), le Grand Lyon pouvait basculer ». Mais après le raz-de-marée des socialistes à Lyon (53,07% des voix, six arrondissements remportés sur neuf) et les bons scores de la gauche dans l’agglomération, une victoire à Villeurbanne ne suffira plus pour emporter la communauté urbaine. « On a déjà gagné le Grand Lyon » [10] s’enthousiasmait Gérard Collomb lundi 10 mars En 2001, il avait été élu à la tête de la communauté urbaine grâce à des élus de droite, la gauche n’étant à l’époque pas majoritaire. Il devrait donc la conserver sans difficulté cette fois-ci.
C’est à Bordeaux que la partie s’annonce serrée. Actuellement détenue par la gauche (avec seulement une voix d’avance), la communauté urbaine (CUB) est très convoitée par Alain Juppé, qui la présida entre 1995 et 2004. Mais sa large victoire à Bordeaux (56,62% contre 34,14% pour le socialiste Alain Rousset) ne lui suffit pas pour emporter la CUB puisque la gauche détient 19 des 27 communes de l’agglomération. Le match se poursuit donc dans les communes voisines.
« Le sort de Talence pourrait être décisif, car la ville apporte six conseillers communautaires, explique Eric Azières du MoDem. C’est un bastion de résistance de droite dans une terre de gauche. Notre candidat Alain Cazabonne, soutenu par l’UMP, y est arrivé en tête au premier tour (46,63% contre 44,82% pour le conseiller général PS Gilles Savary) ». Mais les voix du candidat de la LCR et du dissident PS (8,55% à eux deux) pourraient faire pencher la balance à gauche.
A Marseille enfin, tout dépendra du résultat à la mairie. « Le poids de la ville dans l’agglomération est écrasant, donc si la droite garde la mairie, il gardera la communauté urbaine, et inversement », assure Eric Azières. Reste à savoir si la gauche, alliée au MoDem, rassemblera suffisamment pour battre l'UMP Jean-Claude Gaudin. Comme l’a résumé Jean Viard, le sociologue qui se présente sur la liste PS : «On a fait vaciller Gaudin, mais il n’est pas tombé. » [11]
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/marine-turchi
[2] http://www.mediapart.fr/files/2nd tour municipales.pdf
[3] http://www.mediapart.fr/presse-en-debat/pouvoir-et-independance/08032008/marseille-la-gauche-s-est-liberee-de-l-heritage-def
[4] http://www.mediapart.fr/files/2nd tour municipales.pdf
[5] http://municipales2001.ouestfrance.fr/scripts/consult/ecran4/Ecran4.asp?IN_DOC_id=4847&IN_client=of
[6] http://www.mediapart.fr/files/2nd tour municipales.pdf
[7] http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2008/01/13/01011-20080113FILWWW00041-hollande-veut-des-grandes-villes.php
[8] http://afp.google.com/article/ALeqM5i6f_TKBv0wtLjqXZxIaCZnXBOzjw
[9] http://www.lefigaro.fr/elections-municipales-2008/2008/03/11/01019-20080311ARTFIG00564-alliances-a-geometrievariable-pour-le-modem.php
[10] http://www.20minutes.fr/article/218251/Municipales-lyon-La-gauche-confiante-pour-l-agglo.php
[11] http://www.liberation.fr/actualite/politiques/municipales2008/actu/314956.FR.php