Le parquet de Paris vient de classer sans suite l’enquête préliminaire visant une éventuelle tentative d'extorsion de fonds dont se serait rendu coupable Bernard Laporte, qui n’était pas encore secrétaire d'Etat aux sports.
L’horizon judiciaire du secrétaire d'Etat aux sports Bernard Laporte [2] semble s’éclaircir. Au terme de plusieurs mois d’investigations menées par les policiers de la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), le parquet de Paris a décidé, mercredi 5 mars, de classer sans suite l’enquête préliminaire pour « tentative d'extorsion de fonds » susceptible de mettre en cause l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de rugby.
Cette procédure avait été déclenchée, le 8 novembre 2007, à la suite de la plainte d’un couple de casinotiers. Le 5 août 2005, Frédérique Ruggieri, propriétaire du casino de Gujan-Mestras (Gironde) [3], qui ne parvenait pas à obtenir du ministère de l'intérieur, alors dirigé par Nicolas Sarkozy, l'autorisation d'exploiter cent machines à sous, fait la rencontre de Bernard Laporte dans un restaurant. Ce dernier s'invite à sa table. « Il m'a demandé 50 % de mes capitaux, en échange de son intervention pour rencontrer Nicolas Sarkozy », a affirmé depuis, à plusieurs reprises, Mme Ruggieri.
Bernard Laporte, dont la proximité avec l’actuel chef de l’Etat est notoire, n’a pas conservé le même souvenir de cette rencontre. Dans un entretien accordé à L’Equipe Magazine du 20 octobre 2007, il évoquait une plaisanterie. « C'est elle qui m'avait demandé de lui organiser une entrevue avec Nicolas Sarkozy (...) En déconnant, j'ai répondu : "Donne-moi 10% et je te l'aurai, ce rendez-vous" ».
Frédérique Ruggieri, entendue par la BRDE en décembre 2007, a réitéré ses accusations contre le secrétaire d'Etat aux sports. Début janvier, les policiers ont également procédé à l'audition de Marie-Hélène des Esgaulx, députée UMP de Gironde et maire de Gujan-Mestras, présente ce soir-là à la table de Mme Ruggieri. « Je n'ai pas senti qu'il y avait la moindre pression de la part de M. Laporte. Leur rencontre était fortuite, tout cela était sur le ton de la boutade », a déclaré la parlementaire, selon des propos rapportés par Le Monde du 26 janvier. Aucun témoin n'ayant corroboré la version de Mme Ruggieri, le parquet a donc décidé de classer l’affaire sans suite. « Cette décision paraît tout à fait légitime eu égard aux faits reprochés à mon client », a déclaré à Mediapart l’avocat du ministre, Jean-Pierre Versini-Campinchi.
Bernard Laporte n’en a toutefois pas encore tout à fait terminé avec cette affaire. En effet, il est toujours sous la menace d’une autre plainte, également déposée par Mme Ruggieri, en mars 2007, visant cette fois des faits de « favoritisme ». La juge Françoise Néher a décidé de l’instruire, malgré l’avis négatif du parquet. Le procureur Jean-Claude Marin estime que le délit de favoritisme [4] s’applique essentiellement aux marchés publics, en conséquence de quoi la plainte lui apparaît irrecevable. Le procureur ayant fait appel de la décision de la juge, il revient à la chambre de l’instruction de la cour d’appel, qui doit se prononcer prochainement, de trancher.
Pour Me Alain Peyrat, l’un des avocats de Mme Ruggieri, « la décision de classement prise par le procureur est un non-événement ». Selon Me Peyrat, « le parquet a commis une erreur monumentale en diligentant une enquête préliminaire sur des faits dont une juge d’instruction était déjà saisie. Car la plainte que Mme Desset instruit vise aussi le délit d’extorsion de fonds. Si, comme nous le pensons, la cour d’appel l’autorise à instruire, comme elle le réclame, cette affaire ne fait que commencer ».
Le nom de Bernard Laporte est également cité dans une enquête fiscale visant les sociétés dans lesquelles il détenait des parts. Mais le ministère de finances a estimé que les conclusions de la direction nationale d'enquêtes (DNEF) ne méritaient pas de suites judiciaires. Le contenu du rapport du fisc, rendu en mars 2007, avait été révélé par L'Equipe Magazine [5] le 20 octobre 2007. Au terme de près d'un an d'investigations, la DNEF avait détecté une série d'irrégularités dont les plus graves semblaient, de l’aveu même des inspecteurs du fisc, devoir être transmises parquet. Double comptabilité, abus de biens sociaux, détournement d'actifs, transferts de fonds suspect, fausses factures, travail au noir, retraits en espèces…
A titre d'exemple, concernant certains restaurants de la chaîne Olé Bodega, la DNEF soulignait que « les associés font des prélèvements [d'espèces] dans la caisse. M. Laporte [est] nommément cité (...) Dans une note saisie par le fisc, l'expert-comptable des sociétés visées par l'enquête adresse ainsi cette mise en garde aux associés, dont Bernard Laporte : Vous n'avez plus les moyens de puiser à l'infini dans la caisse » . Le ministère du budget s’est toujours refusé à communiquer le rapport de la DNEF à la justice.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/fabrice-lhomme
[2] http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/biographie_5/acteurs/gouvernement/secretariat_etat_jeunesse_sports_m637/
[3] http://www.casino-gujanmestras.fr/fr.html
[4] http://www.jurisconsulte.net/upload/yqwhdujecr.pdf
[5] http://www.lequipe.fr/Aussi/breves2007/20071019_112949Dev.html
[6] http://www.mediapart.fr/adhesion