Ce lundi à Versailles, le PS a étalé ses divisions, tout au long d'un Congrès où sénateurs et députés ont majoritairement adopté la révision [2] de la Constitution proposée par le gouvernement, formalité préalable à la ratification du Traité de Lisbonne. Si l’UMP a fait bloc derrière le « Oui » (à quelques exceptions près), les élus socialistes ont tiré à hue et à dia.
Alors que le parti prônait l’abstention, pour protester contre le choix présidentiel d’une ratification par voie parlementaire plutôt que par référendum, une minorité de ses représentants a suivi la ligne officielle : seuls 142 élus (sur presque 300) ont respecté la tactique du "ni oui ni non", tandis que 32 se sont exprimés en faveur de la révision constitutionnelle et que 121 ont voté contre.
C'est un résultat déconcertant, embarrassant pour le PS. Si l’on se penche sur les suffrages des seuls députés, les tablettes révèlent l'ampleur de la pagaille : 93 socialistes se sont abstenus et 91 ont voté contre, alors même que le groupe s’était réuni à l’Assemblée nationale à la mi-janvier pour arrêter sa position et qu’une large majorité avait péniblement tranché en faveur de l’abstention… Pourquoi donc ce rebond du « Non », ces conversions tardives ?
« Visiblement, un certain nombre de collègues ont jugé bon, à la veille des élections municipales, d’écouter leur base !, lance Jean-Luc Mélenchon, sénateur PS, partisan du « Non » à la révision constitutionnelle comme au Traité de Lisbonne, chantre du référendum. Cet hiver, quand il s’agissait d’obtenir l’investiture de Solferino pour les municipales, certains socialistes ont fait profil bas et suivi la consigne. Depuis, ils se sont réveillés, réalisant que la posture de l’abstention était incompréhensible. Sur le terrain, ils veulent être en mesure de dire qu’ils voulaient un référendum et qu’ils ont voté "Non" à Versailles. »
Au groupe PS, à l’Assemblée nationale, on avance une explication relativement similaire : « A un mois des municipales, certains parlementaires ont souhaité ménager leurs partenaires de l’ex-gauche plurielle, leur donner un gage ». Lundi après-midi, la totalité des élus communistes s’est en effet opposée à la révision constitutionnelle, le député Alain Bocquet réclamant à cor et à cri un référendum, dénonçant à la tribune le « coup de force » du gouvernement : « Pourquoi servir de béquille à l’Europe libérale de Nicolas Sarkozy ? », a-t-il lancé à l’adresse de ses « amis » socialistes. Non sans écho, visiblement.
Dans la soirée, en découvrant le détail des suffrages, les tenants du « Non » ont ainsi pu savourer leur micro-victoire, « pas mécontents », selon l’expression du fabiusien Claude Bartolone. Au téléphone, Jean-Luc Mélenchon s’est tout de même agacé, grognon : « Ca prouve que le « Non » aurait pu gagner, avec le soutien des souverainistes de droite, si la gauche s’était mobilisée, au lieu de se diviser et de laisser le dernier mot à l’UMP ! ». De son côté, Henri Emmanuelli a évoqué une bombe à retardement : « Les « gagnants » vont bientôt réaliser que ce passage en force a laissé des traces. S’ils s’imaginent que l’Europe peut continuer comme ça longtemps, sans les citoyens, ils se trompent. La page ne se tournera pas si facilement ! ».
C’est pourtant l’intention d’une grande part des parlementaires socialistes, interrogés dans les couloirs du château de Versailles : « refermer le livre » (Elisabeth Guigou, abstentionniste) ; « en finir avec une question qui nous a séparés un bon moment » (François Hollande, abstentionniste) ; « boucler cette comédie » (Jack Lang, qui a voté « Oui »).
Lundi soir, les rangs du PS ont donc poussé un « Ouf ! » de soulagement : « A force de faire le grand écart, je risquais la foulure », a lâché Aurélie Fillipetti, porte-parole du groupe à l’Assemblée. « Quand on me demandait combien il y avait de position sur le Traité au PS, je répondais : "Autant que le Kamasutra"... Fini de rigoler », a également ironisé le strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen (abstentionniste). Reste la ratification elle-même du Traité de Lisbonne, programmée mercredi soir au Palais-Bourbon et jeudi au Sénat. Après quoi, les socialistes seront débarrassés.
Résultats du scrutin au Congrès (cliquez ici [3]pour le détail):
- votants: 893
- exprimés: 741
- majorité requise: 445 (3/5ème)
- votes pour: 560
- votes contre: 181
Pour prolonger, écoutez les interviews de parlementaires socialistes réalisées à deux pas de l’hémicycle :
Ceux qui ont voté contre la révision constitutionnelle :
Ceux qui ont suivi la consigne d’abstention :
Ceux qui ont préféré le « Oui » :
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/mathilde-mathieu
[2] http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl0561.asp
[3] http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo9000.asp