C’est donc « la » nouvelle de ce début de semaine politique. Dominique Strauss-Kahn fait son retour dans le cercle des dirigeants socialistes. Invité surprise à la Mutualité, dimanche 20 janvier, pour le troisième « forum de la rénovation » du PS, il a réussi un coup médiatique. Il n’était pas attendu ; il capta donc l’attention des médias. La tactique est éprouvée : reprendre sa place, sourire, et surtout ne rien dire à la tribune. L’exercice « petites phrases » est là pour assurer les retombées médiatiques.Et elles furent grandes : journaux télévisés de 20 heures, Une du Figaro, « Le retour surprise de DSK complique le jeu au PS », Une de Libération, « Strauss-Kahn en vedette américaine », journaux radios de ce lundi matin.
Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) sait changer habilement de casquette. Il était ce dimanche « un militant socialiste, qui vient comme n’importe quel militant, je viens surtout pour écouter ». Emporté par cet élan militant, bien que son poste au FMI lui interdise de s’engager dans des activités partisanes, il prononça donc ce verdict choc : « Le gouvernement a aujourd’hui de bonnes raisons d’être sanctionné par les Français ». Son fidèle Jean-Christophe Cambadélis résumait dans Libération : « En 2012, on ne pourra pas s’en passer. Il sera très haut dans les sondages et il aura réussi, on l’espère, au FMI ».
Il n’est pas interdit aux hommes politiques, et parfois à des médias trop occupés à faire collection de petites phrases, d’avoir un peu de mémoire. Il n'est pas besoin de remonter bien loin. Il y a deux mois, le 19 novembre 2007, une mission du FMI rendait publiques ses conclusions à l’issue de concertations menées avec les responsables français [2]. Bien sûr, elles ne sont pas signées par DSK en personne, puisqu'il est statutairement interdit au directeur du Fonds de participer directement aux travaux qui concernent son pays. Mais elles donnent la position du FMI sur l’évolution de la France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.
Que constate la mission du Fonds. Extraits :
« La France est en mouvement. L'élection d'un nouveau président et la nomination d'un gouvernement ouvertement réformateur offrent à la France l'occasion historique de renouer avec une croissance soutenue où chacun verrait ses opportunités accrues. (…)
« Les priorités et la méthode du gouvernement en matière de réformes sont appropriées. (…)
« L'utilisation du facteur travail en France étant parmi les plus faibles des pays de l'OCDE, "gagner plus" suppose incontestablement de "travailler plus". En France, le taux d'activité, le taux d'emploi et le nombre annuel d'heures travaillées sont largement inférieurs à la moyenne. La priorité accordée à la valeur travail par le gouvernement est donc tout à fait justifiée. (…)
« Nous saluons la décision de ne pas accorder de coup de pouce au SMIC en 2007 et suggérons qu'elle soit pérennisée. (…)
« Les négociations en cours sur la modernisation du marché du travail devraient également rechercher un accord sur la réforme du cadre juridique actuel, très contraignant. Or nous constatons avec préoccupation que les négociations semblent plutôt partir du principe que le cadre juridique actuel est largement immuable, freinant ainsi de possibles réformes du contrat de travail. Une véritable rupture avec le passé et une amélioration réelle du fonctionnement du marché du travail nécessitent d'amender les dispositions juridiques régissant actuellement le licenciement économique, de manière à faciliter les ajustements de main-d'œuvre sans passer par la solution, coûteuse, du licenciement individuel. (…)
Seule réserve de l’institution financière : « Le budget 2008 inclut certes plusieurs initiatives louables, mais il implique également une pause inopportune dans l'effort d'assainissement des finances publiques, conséquence des dispositions de la loi TEPA. »
On l’a compris, le FMI fait… du FMI. Déréglementation, flexibilité du marché du travail, réduction des dépenses publiques, réformes structurelles et libéralisation accélérée des marchés sont les recettes éprouvées d’une institution par ailleurs en crise profonde. Puisque Dominique Strauss-Kahn est de retour chez ses camarades socialistes et appelle à « sanctionner » le gouvernement, on aurait bien aimé qu’il commente le satisfecit accordé par le FMI qu’il préside au même gouvernement. Dommage. A sa décharge, il est vrai que la question ne lui a pas été posée.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/francois-bonnet
[2] http://www.imf.org/external/np/ms/2007/fra/111907f.htm