Nous l’avions dit dès le 2 décembre, en ouvrant ce pré-site qui présente le projet MediaPart : nous voulions mettre « la presse en débat ». Expliquer, détailler, enquêter sur notre paysage très français, sans équivalent en Europe, de médias dans une situation de crise profonde. Il ne s’agit pas là du malaise d’une large partie de la profession mais, plus simplement et plus gravement, d’un enjeu démocratique.
La crise d’indépendance qui touche aujourd’hui la plupart des médias audiovisuels et des grands quotidiens nationaux n’est pas qu’un problème de journaliste. Elle est le problème de chacun, de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au débat public, à l’état de notre pays, aux grands soubresauts du monde.
Le projet MediaPart est né en partie de ce constat. Et de bien d’autres envies également. Envie de nous remettre en cause, envie de proposer d’autres types d’information, envie de donner d’autres hiérarchies, d’autres grilles de lecture de l’actualité. Envie enfin de reconstruire un lien distendu avec vous, lecteurs internautes.
Nous vous avons interpellé. Dès le premier jour et en expliquant pourquoi le site qui naîtra en février ou mars prochain sera pour partie payant ; pourquoi nous estimons urgent de remettre au premier plan un journalisme d’enquête ; pourquoi nous souhaitons fédérer une communauté de lecteurs investis, motivés, attentifs, prêt à collaborer et à échanger.
Nous avons aussi interpellé les responsables politiques. Et nous avons bien l’intention de poursuivre. Qu’ont donc à dire nos élu(e)s du rachat, contre l’avis quasi unanime de sa rédaction, de la principale source d’information économique de ce pays, le quotidien « Les Echos », par le groupe de Bernard Arnault ? Qu’ont-ils donc à dire des concentrations accélérées à l’œuvre dans l’ensemble des médias sur fond de coupes sombres dans les rédactions ?
Jeudi, Ségolène Royal a été la première à nous répondre. A sa façon. En postant un message sur son site Désirs d’Avenir [2] et en demandant à ses membres de s’abonner à MediaPart ! « Toutes les initiatives audacieuses qui tentent de changer la situation de la concentration de la presse méritent d'être soutenues, au nom de la liberté de l'information et du pluralisme (…) Au nom du pluralisme des médias, je vous invite à leur donner leur chance en vous abonnant », écrit-elle.
Puisque cela va de soi, autant le dire de suite pour désamorcer quelques petites polémiques : nous n’étions pas au courant de cette initiative. Guy Birenbaum, bloggeur et grande vigie de la politique, nous en donne acte sur LePost.fr [3]. Quant au scénario qu’il présente : non, Guy, MediaPart n’a pas vraiment comme projet de participer à la construction d’une grande toile ségolèniste sur la Toile !
Parlons clair. Ségolène Royal dit partager notre constat sur la presse. Tant mieux. Elle affirme soutenir notre initiative, « au nom de la liberté d’information et du pluralisme des médias ». Très bien. Elle demande à ses sympathisants d’adhérer à notre site, comme nous demandons à chacun de vous de le faire. Encore mieux ! MediaPart n’existera pas sans vous, n’existera pas sans des milliers d’abonnés. L’engagement de la responsable socialiste est une aide concrète. Nous l’en remercions.
Comme nous remercierons tous les responsables politiques, à droite comme à gauche, François Bayrou, Olivier Besançenot, Dominique de Villepin, Jean-Christophe Lagarde -ce député qui a déposé une proposition de loi révisant les seuils de concentration dans les médias-, tous les élus qui, partageant peu ou prou notre constat, décideront d’aider à leur manière à la naissance d’un média libre et indépendant. Mais il n’y a pas que les politiques ; l’ensemble des acteurs sociaux, syndicalistes comme associatifs, seront -comme vous l’avez été- eux-aussi interpellés.
Alors bien sûr, nous savons les raccourcis, polémiques et interrogations légitimes que ce soutien inopiné de la candidate socialiste peut susciter. MediaPart, drapeau de l’indépendance au vent, ferait partie de la stratégie 2012 de la candidate socialiste ? Des preuves : son message ; l’engagement d’Edwy Plenel contre Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle ; la présence au cœur de notre projet de Benoît Thieulin et de son équipe de la Netscouade qui ont organisé sa campagne sur Internet. Le tour est joué : nous voilà enrôlés petits soldats.
Peut-on juste dire que cela nous fait bien rire ? Ce n’est certes pas une réponse. Alors, tout fou rire passé, tentons une explication. MediaPart est un projet journalistique. Conçu et porté par une équipe de journalistes. Une trentaine de journalistes, d’itinéraires variés, d’âges bien différents et dont les engagements citoyens n’ont très souvent pas grand-chose à voir. Par charité pour certains, nous ne détaillerons pas içi nos débats, parfois vifs, au moment de la campagne présidentielle. Et nous ne nous sentons pas plus sommés de dire pour qui nous avons ou n’avons pas voté !
Nous l’avons dit : MediaPart est un site d’information et de débat. Un site de journalisme et de participation. Pour ce qui est du journalisme, Edwy Plenel a montré durant les deux septennats de François Mitterrand (lorsque que Ségolène Royal était conseillère à l’Elysée puis ministre) que l’indépendance qu’il revendique n’est pas un vain mot. Les journalistes qui nous rejoignent l’ont également démontré dans des circonstances les plus diverses.
Pour ce qui est du débat, donc souvent de positions éditoriales, MediaPart entend fermement constituer une chorale à plusieurs voix. Les journalistes n’ont pas le monopole de l’opinion, du commentaire, du point de vue. Vous, adhérents contributeurs, participerez à ces débats. Vous aiderez ainsi, par nos échanges, nos polémiques, nos arguments, à définir ce que sera la « couleur » éditoriale de ce site.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/francois-bonnet
[2] http://desirsdavenir.org/index.php?c=sinformer_actualites&actu=2013
[3] http://www.lepost.fr/article/2007/12/14/1067676_royal-reseau.html