Ca y est. Le projet MediaPart est sur les rails. Vous êtes déjà plusieurs dizaines de milliers à l’avoir découvert, depuis le 2 décembre, avec ce pré-site. Et, autant le dire, nous sommes soulagés et contents. Soulagés de la qualité de votre accueil, contents de voir l’intérêt que suscite, de la presse écrite à la blogosphère, notre projet qui doit devenir progressivement celui de tout un public, c’est-à-dire d’une communauté de lecteurs fidèles et d’adhérents motivés.
Avec déjà des questions. Enormément de questions. Il y faudrait quelques jours et quelques nuits pour y répondre. Des avis contradictoires, des argumentaires fouillés, des critiques acérées, des soutiens, beaucoup de soutiens. Nous aussi faisons l’apprentissage de cette conversation : répondre sans monopoliser la parole, expliquer sans asséner, dévoiler telle ou telle facette de notre futur site mais garder quelques belles surprises…
Alors par où commencer ? Par le principal : ce site MediaPart n’existera pas sans vous. Voilà pourquoi nous vous demandons d’adhérer dès aujourd’hui. Adhérer, dans tous les sens du terme. Nous l’avons dit, nous ne cherchons pas une audience de masse, indiscriminée et indéfinissable. TF1 et les quotidiens gratuits font cela très bien. Nous souhaitons rassembler un public attentif, avide d’informations nouvelles, de traitements innovants, d’un journalisme de qualité qui offre d’autres grilles de lecture du monde. Et un public prêt à collaborer, à échanger, en proposant textes, images, sons, créations diverses.
Adhérer c’est aussi contribuer au financement de cette nouvelle maison commune. Inutile de tourner autour du pot : oui, nous demandons à nos membres de payer pour accéder à l’intégralité des contenus et des services personnalisés que proposera MediaPart. Nous le revendiquons même. Pour mieux expliquer que la soi disante « gratuité » -c’est-à-dire la publicité- a un prix indirect, quelques conséquences très fâcheuses en matière d’indépendance et de qualité, et qu’elle n’autorise pas aujourd’hui, dans ce secteur si particulier qu’est la production d’informations, un journalisme de rigueur et d’invention.
Adhérer, s’abonner, certains d’entre vous l’acceptent immédiatement. « Parce que j'ai toujours payé mon information, parce que j'exige des médias libres et indépendants... Je soutiens, par mon abonnement, mes conseils (si besoin) et mon enthousiasme », écrit Laurent. D’autres ne veulent pas entendre parler : « La liberté n’a pas de prix, la liberté est donc gratuite », assure dans un audacieux raccourci Tintin, mais pas Milou. D’autres encore trouvent la facture un peu lourde. Takkie Cardie : « Je ne remets pas en question le principe du paiement mais, s'il vous plaît, 9 euros par mois, quand on en gagne à peine 1000, qu'on on doit payer un loyer, qu'on a une famille, et que l'on n'est pas au chômage... »
Nous nous expliquerons sur le montant de nos offres d’adhésion : de 5 euros par mois (moins cher qu’un paquet de cigarettes), à 9 euros par mois (un peu moins cher qu’une place de cinéma à Paris). Mais nous voulons d’abord faire cette pédagogie toute simple : l’indépendance et la viabilité économique de MediaPart dépendront de ses membres adhérents, lecteurs et contributeurs.
Trente journalistes se mobilisent autour de ce projet. Avec un objectif : briser un certain « ronron » informatif ; échapper à cette spirale dépressive et redondante qui fait que, trop souvent, les unes des quotidiens sont rédigées en regardant les journaux télévisés de 20 heures ; que trop souvent, les bulletins radios du matin reprennent ces mêmes quotidiens ; et ainsi de suite… Enquêter, inventer de nouveaux traitements, de nouvelles hiérarchies, bousculer l’agenda officiel. C’est ce que nous tenterons, chaque jour, de vous proposer.
Alors notre projet, disent certains d’entre vous, heurterait de plein fouet une culture Internet où la gratuité serait la règle. « Internet est une aire communautaire gratuite, je milite pour qu'il le reste », proteste Franade. Ce n’est pas le cas en matière d’information. Nous achetons déjà beaucoup sur le web, des articles, des dossiers, des archives. The Wall Street Journal, pourtant média mondial sur un marché publicitaire mondial, a fait de longue date le choix de faire payer ses contenus ; il compte 800.000 abonnés. Et si son nouveau propriétaire, Rupert Murdoch, envisage de le rendre gratuit, c’est pour mieux l’intégrer dans son conglomérat multimédias et gêner le développement de son grand rival, The New York Times. Bien d’autres titres anglo-saxons sont aujourd’hui tout ou partie payants, The Economist, The Independent, The Financial Times. Et que dire de la presse française, du quotidien Les Echos (15 euros par semaine), de Courrier International (au moins 55 euros par an) et même du très généraliste Le Parisien (12 euros par mois) ? Sans oublier Le Monde et d'autres.
Notre projet, vous le savez, n’est pas que d’être un site d’information. Il est aussi de vous proposer des services personnalisés, des outils nouveaux, des ressources documentaires, une exploration à la demande du web. Il est enfin de créer un lieu organisé de débats et de participation.
S’agit-il, en vous demandant d’adhérer pour mieux construire cette communauté, de se claquemurer derrière un « mur payant », dans un étouffant huis clos « entre nous » ? Surtout pas ! S’agit-il de se couper d’une des grandes richesses du web, ses réseaux, ses échanges, sa fluidité, ses rencontres de hasard ? Encore moins ! Nous avons déjà imaginé quelques solutions pour gérer de manière souple notre future zone réservée aux adhérents. Dans tous les cas, notre « maison commune » restera accueillante aux visiteurs, aux curieux, aux gens de passage. Mais, au bout du compte, cette maison ne pourra se construire qu’avec vous.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/francois-bonnet