Se basant sur la fréquentation des centres d’hébergement de l’époque et sur celle constatée aujourd’hui, ainsi que sur celle des accueils de jour et sur les repas servis, la fondation Abbé Pierre avance le chiffre de 100 000 SDF. Un chiffre que reprend Etienne Pinte , député UMP des Yvelines. Il a remis le 21 janvier au premier ministre François Fillon des « Propositions pour une relance de la politique de l'hébergement et de l'accès au logement [3] ».
Dans ce rapport, le député ne pose pas la question du recensement. Aujourd’hui, il se justifie : «Nous sommes dans l’urgence. On ne peut pas donner l’impression d’attendre un nouveau diagnostic, on ne va pas chipoter sur les chiffres. Mais j’ai tout de même demandé aux préfets d’établir un état des lieux d’ici au 30 juin.» Sans que les méthodes et les outils nécessaires à cet état des lieux aient été plus amplement définis.
Entre deux études, il est certes possible de se référer aux enquêtes «établissements sociaux» [5] de la Drees (Ministère de la santé) et aux travaux de l’ONPES [6] (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale) . Mais ils sont loin d’être aussi précis. Aujourd’hui, les associations n'ont que des intuitions sur le fait que beaucoup de SDF se retrouvent à la rue après un passage en prison ou à l’hôpital psychiatrique. Des chercheurs ont aussi observé que beaucoup de jeunes SDF avaient été placés dans leur enfance. Mais les certitudes restent faibles dans toutes ces matières, ce qui bloque les politiques publiques.
Depuis, l’Espagne a emprunté le même chemin. En Grande-Bretagne, les personnes dormant dans la rue ont été suivies de près. Et aujourd’hui, les statistiques officielles font état d’une baisse spectaculaire de leur nombre. Mais plusieurs associations soulignent que les politiques répressives menées en Grande-Bretagne ou ailleurs (arrêtés anti-mendicité, zones interdites aux clochards, bancs conçus pour qu’on ne puisse s’y allonger), conduisent souvent les SDF à se cacher. Et partout, les écueils sont les mêmes : comment recenser ceux qui vivent planqués, qui logent chez un tiers, ou qui ne se présentent jamais aux soupes populaires?
Les détracteurs de ce système expliquent qu’il conduit à établir un fichier de sans-papiers. D’autres pointent son coût. «Mais au moins permet-il de voir les tendances, les évolutions, alors qu’il est très difficile de tirer des conclusions d’une enquête « One shot » menée tous les dix ans, estime Freek Spinnewjn, pour qui le nombre exact de SDF n’est pas crucial. Mais il faut connaître les profils : plus ou moins de femmes qu’avant, de familles, des sans-papiers, etc. En France, les données recensées par le numéro urgence 115 restent insuffisantes.»
Freek Spinnewjn met en avant un problème d’affichage politique: «Quand ce système a été mis en place en Ecosse, on a observé une très forte hausse du nombre de sans-abris. En réalité, c’est juste que la collecte de données était plus performante. C’est du coup politiquement difficile à assumer et à expliquer mais il faut passer par là pour connaître l’ampleur du problème. Aujourd’hui, l’Ecosse commence d’ailleurs à enrayer le phénomène.» En France, même si l’évolution était similaire, personne ne pourrait le démontrer.
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/michael-hajdenberg
[2] http://www.insee.fr/fr/ppp/publications/ficsom_frame.asp?som_id=139&com=/fr/ppp/comm_presse/comm/cpes391-392.pdf&webco=ECO39
[3] http://www.premierministre.gouv.fr/IMG/pdf/Propositions_d_Etienne_Pinte1.pdf.
[4] http://www.fnars.org
[5] http://rechercher.sante.gouv.fr/rechercherdgs/recherche_sante.jsp?origine=sante&QueryText=enquête établissements sociaux&ResultMaxDocs=200&parser=basicweb
[6] http://www. travail-solidarite.gouv.fr/web/observatoire-national-pauvrete-exclusion-sociale/917.html
[7] http://logement-solidaire.over-blog.org/