Accélération de l'information, partage des sources, flux en continu... Internet change la donne. Co-fondateur de Netvibes, Tariq Krim en est persuadé: désormais, ce n'est plus l'audience qui prime, c'est l'attention. Pour lui, tout le monde est devenu média. Mais où est l'info? A quelques jours de la nouvelle version de Netvibes, façon « réseau social » et attendue dans le monde entier par plusieurs millions d'utilisateurs, Mediapart l'a rencontré. Interview.
Netvibes [3], est un service et un lieu. Une sorte de réceptacle de tous les flux d'informations imaginables proposés sur le Net et dont les utilisateurs sont les maîtres. Avec Netvibes, comme avec des services similaires (Google Reader [4], Bloglines [5], etc), c'est la façon même de distribuer l'information qui est radicalement modifiée. Tout le monde peut se construire sa petite A.F.P. maison, tout le monde devient agencier. Reçoit les informations. Les trie. Les rejette. Les garde. Les mixe. Netvibes est né en septembre 2005 d'une idée simple: proposer aux utilisateurs de composer leur vie numérique sur une seule et même page. D'y synchroniser leurs applications, d'y consulter leurs courriels, la météo, les derniers billets de leurs blogs préférés, d'agréger l'information au sens très générique du terme. De par le monde, quarante-cinq millions de comptes Netvibes auraient été créés – le chiffre, invérifiable, donne la mesure du phénomène. Deux millions de flux différents d'informations seraient ainsi recensés par ses abonnés. Vertiges. Dans quelques jours, Netvibes doit franchir une nouvelle étape et passer au statut de « réseau social », façon FaceBook ou MySpace, quand l'utilisateur devient centre du monde. Ou se croit tel.
Les locaux parisiens de Netvibes.
Pour Tariq Krim, l'un des fondateurs de Netvibes, nous sommes bel et bien entrés dans l'« ère de l'hyper-choix ». Dans l'ère de l'information décomplexée, où tout deviendrait modulable, transportable. Chez Netvibes, on dit « widget ». Ailleurs, on dit « gadget ». Qu'importe le terme, le pli est pris: c'est bien du contrôle de la présentation de l'information dont il s'agit de débattre aujourd'hui.
Avec Tariq Krim, ce qu'il y a de frappant, c'est que le jeune homme n'a pas changé. Il y a une quinzaine d'années déjà, aux toutes premières lueurs de l'Internet grand public, on le croisait comme aujourd'hui: haut-parleur, beau parleur, enthousiaste, opportuniste, bosseur, brasseur, connecté en permanence, à la fois idéaliste et pragmatique, vif et malin, un brin cynique, totalement emballé. Etonnant mélange de businessman et d'amateur, au sens propre, celui qui aime. A la fois amoureux de la presse et, déjà, fossoyeur d'une vision figée du métier. Il n'est évidemment pas anodin que le Tariq Krim que l'on présente volontiers aujourd'hui comme un des gourous français du Web 2.0 [8] soit un ancien journaliste.
Il n'est pas anodin, non plus, que sa vision quasi-publicitaire de l'information rejoigne, d'une façon paradoxale, les préoccupations militantes d'un chercheur comme Olivier Blondeau, auteur avec Laurence Allard de « Devenir Média [11]». Pour eux comme pour lui, si la révolution de l'information est en marche, c'est bien à travers ces millions de fils RSS (acronyme de Really Simple Syndication ) venus des quatre coins du monde et de mille horizons bloggesques: cette mutualisation des données, ce partage planétaire, sans fin et sans frontière de l'information. D'où l'idée, chez Netvibes, d'aller plus loin [12] et de sacrifier à la mode du moment: le « réseau social ». Dans quelques jours, l'abonné Netvibes pourra savoir ce que font ses proches, et quand, et comment, ce qu'ils lisent, ce qu'ils apprécient, ce qu'ils commentent, ou non. Nom de code de l'opération: Ginger.
Chez Netvibes, on assure que la confidentialité des faits et gestes des abonnés est totale. On ne les piste pas, on ne les analyse pas. C'est bien entendu ici que réside l'enjeu majeur des années à venir: si chacun devient la plus-value de l'autre, qui contrôle qui et qui contrôle quoi?
David Dufresne et Pierre Puchot (à la caméra et au montage).
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/david-dufresne
[2] http://www.dailymotion.com/video/x4dtdd_entretien-avec-tariq-krim-les-grand_news
[3] http://www.netvibes.com/
[4] http://www.google.fr/reader/
[5] http://www.bloglines.com/?Lang=french
[6] http://www.dailymotion.com/video/x4dtdd_entretien-avec-tariq-krim-les-grand_news
[7] http://www.dailymotion.com/Mediapart
[8] http://www.lemonde.fr/technologies/article/2007/05/16/tariq-krim-le-nouveau-gourou-du-web_910806_651865.html#ens_id=841829
[9] http://www.dailymotion.com/video/x4dtib_entretien-avec-tariq-krim-audience_news
[10] http://www.dailymotion.com/Mediapart
[11] http://www.mediapart.fr/presse-en-debat/l-information-sur-le-web/05012008/les-mediactivistes-internet-et-les-fils-rss-redist
[12] http://blog.netvibes.com/fr/index.php/2007/12/24/54-netvibes-ginger-en-action
[13] http://www.dailymotion.com/video/x4dt9g_entretien-avec-tariq-krim-netvibes_news
[14] http://www.dailymotion.com/Mediapart