Les fondateurs du CPAA, Frédéric Lefèbvre (député UMP des Hauts-de-Seine, proche de Nicolas Sarkozy) et Emmanuel Hamelin (ancien député du Rhône), avaient convié tous les acteurs du dossier autour de deux grands invités : Catherine Smadja, de la direction stratégique de la BBC, et Jean Réveillon, directeur général de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER). L’idée était de « sortir du débat franco-français sur le financement de l’audiovisuel public et aller voir ce que font nos voisins européens », comme l'a expliqué Emmanuel Hamelin.
Dans la salle se mêlent des représentants de l'audiovisuel (Patrice Duhamel pour France Télévisions, Martin Ajdari pour Radio France, Jean-Michel Counillon pour TF1), des télécoms (Bouygues, SFR, France Telecom), et d’Internet, mais aussi des agences de publicité (Havas Media), des créateurs (l’association des producteurs de cinéma, la société des auteurs et compositeurs dramatiques), des industriels (Thomson, le syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques - SIMAVELEC), quelques députés UMP, et Laurence Franceschini de la direction du développement des médias.
Catherine Smadja explique comment, en 2003, un débat a émergé au Royaume Uni au moment du renouvellement de la charte BBC et de la mise en place d’un nouveau système de gouvernance. « En un an, 26 séminaires ont été organisés par le gouvernement, des brochures ont été éditées, y compris pour les enfants, le nouveau système de gouvernance a été discuté avec les parlementaires et le public britannique, donc on a bénéficié du soutien de la population lors de l’augmentation de la redevance ». Jean Réveillon, à la tête de l’UER, qui fédère les organismes des radios et télévisions publiques des pays européens, embraye sur la nécessité actuelle de « pérenniser un service public » sans cacher sa préférence pour un système largement financé par la redevance, « pratique la plus développée en Europe et base de confiance des citoyens ».
Il évoque les Pays-Bas, qui ont supprimé la redevance il y a cinq ans et « s’en mordent les doigts », mais surtout la Finlande, où la télévision publique (YLE), sans publicité, est financée par les contribuables : en 2004, la redevance est passée de 148 à 208 euros. « Les citoyens acceptent ce haut niveau de redevance car ils ont conscience de l’importance du service public en termes de qualité des programmes, de soutien à la création, de protection de la jeunesse. »
Patrice Duhamel, directeur des antennes de France Télévisions, ramène rapidement le débat sur le sol français: « Un grand défi a été proposé à notre groupe. On le relèvera si on a des garanties pérennes par rapport à nos pertes financières et si l’ambition éditoriale est là. Nous avons eu des garanties orales, nous attendons des garanties formelles et un calendrier car aujourd’hui 11 000 personnes ne savent pas si leur activité existera encore dans onze mois. » Pour lui, « les différences entre les chaînes publiques et privées sont déjà là matin, midi et soir, mais il faut aller plus loin dans la création et continuer à traiter l’ensemble des genres, sans tyrannie de l’audience mais avec un devoir d’audience ».
Du côté des créateurs, on précise que la BBC n’a pas grand chose à voir avec notre télévision publique. « Avec l’anglais, la BBC possède un marché plus important, et surtout, elle n’a pas les mêmes moyens », plaide le producteur Jean-François Boyer, qui souhaite une hausse de la redevance. « La bonne télévision coûte cher !, renchérit un autre. La fiction Maupassant a coûté 1,2 million d’euros par soir ! ». La salle s’échauffe. « Beaucoup de Français disent : " C’est très bien de supprimer la pub, mais on a aucune envie de payer plus". »
Voilà le pouvoir d’achat qui atterrit dans le débat. Laure de Laraudière, députée UMP d’Eure-et-Loire, rappelle que « dans les circonscriptions rurales, les Français s’en fichent de la suppression de la pub et ils ne voient pas la différence entre chaînes publiques et privées. Une hausse de la redevance n’est pas possible aujourd’hui ». Une partie de la salle applaudit.
Emmanuel Forest, de Bouygues Télécom, prend la parole « au nom de la branche des Télécoms et pas de TF1 ». « Nicolas Sarkozy a parlé d’une taxe infinitésimale sur nos chiffres d’affaires, elle est de 2%, c’est-à-dire un cinquième de notre résultat, ce n’est pas rien ! Mieux vaudrait taxer les écrans plats, achetés par des personnes aisées, que les factures de téléphonie mobile ! ». Réplique d’un représentant du SIMAVELEC : « Impossible, c’est un secteur extrêmement concurrentiel ! » À la table des télécoms, on grommelle. Frédéric Lefèbvre reprend le micro pour marteler son concept du « donnant-donnant » [4]: « Chacun des acteurs doit contribuer au financement de l’audiovisuel, tout en voyant ce qu’il peut récupérer. »
Vient alors le tour des annonceurs de réclamer leur part du gâteau. « Il y a un émoi chez nos annonceurs, explique Dominique Delport de l’agence Havas Media. 18% d’entre eux ne travaillent que sur le service public. Où vont-ils toucher leur cible des plus de 50 ans et des CSP + ? Il faut inventer de nouveaux modes d’intervention sur les chaînes publiques, comme au Louvre où il y a des partenariats avec les annonceurs au niveau des audioguides ».
Liens:
[1] http://presite.mediapart.fr/atelier-journal/equipe/marine-turchi
[2] http://www.mediapart.fr/presse-en-debat/pouvoir-et-independance/06022008/demantelement-de-france-3-l-elysee-en-direct
[3] http://cpaa.unblog.fr/
[4] http://www.ump.assemblee-nationale.fr/article.php3?id_article=7160