Abonné depuis peu, je n'ai lu qu'une fraction de tous les articles et commentaires, ainsi que des différentes pages de présentation du site et du projet, mais j'y trouve déjà beaucoup de réflexions qui étaient aussi les miennes, beaucoup de solutions et de plans que j'aurais pu formuler moi-même. C'est agréable et encourageant de voir qu'on est nombreux, que ce soit parmi les professionnels ou parmi les lecteurs comme moi, à penser la même chose et à vivre les mêmes inquiétudes.
Ainsi, tout naturellement nous saurons appréhender les articles et interventions des uns et des autres, avec un peu le même esprit fédérateur, avec la même volonté de fonctionner dans le sens positif pour un renouveau de la presse. Avec le même sentiment positif et le même désir de "bien faire", nous saurons profiter de nos différences et trouver, même dans nos contradictions les plus inconfortables, l'occasion de nous serrer les coudes pour soutenir le projet, pour être toujours capables de maintenir la barre assez haut.
Attention, danger:
Cependant, je crois que je retrouve ici aussi, déjà le signe dangereux que nous ne sommes pas à l'abri de retomber dans les mêmes vieux travers. Je ne suis pas encore prêt à formuler clairement tout ce qui me gêne déjà ici (et je ne le ferai que dans un esprit positif de propositions constructives), mais je voudrais mentionner tout de suite une réflexion qu'il me parait urgent de considérer.
"Le quatrième pouvoir"?
Pouvoir implique responsabilité. Sans commencer à expliquer ici comment je définis ce pouvoir qui serait "le quatrième", je voudrais seulement attirer votre attention sur un point: ce pouvoir, vous journalistes, l'avez perdu. Nous lecteurs, citoyens du monde démocratique, nous l'avons perdu.
Et comme vous l'avez déjà compris malgré l'absence totale de développement sur ce que je crois être le "quatrième pouvoir", ce qui m'intéresse en lui, c'est la responsabilité qu'il implique.
Vous, journalistes, nous, lecteurs, ce dont nous avons besoin, c'est d'un pouvoir responsable (nous pourrions adresser ce genre de doléance exactement pareil aux trois autres pouvoirs, bien évidemment).
Comment être responsables? Par tous les moyens et ambitions que vous énoncez au chapitre Projet et au hasard des nombreux articles et commentaires, mais aussi en introduisant une nouveauté qui, il me semble, manque significativement aux professionnels qui sont allés à l'école de journalisme (pardonnez mon manque de repères: c'est que je ne connais pas de journaliste et ne suis pas allé à l'école moi-même; il s'agit donc de ressenti personnel par rapport à votre travail et au monde extérieur, autant que par rapport aux transformations qui rendent parfois certaines vieilles méthodes obsolètes voire dangereuses).
Cette nouveauté, la voici en deux mots:
"Prévoyez le futur" :-)
Il ne s'agit bien sûr pas de jouer les devins, ni même (et même surtout pas!) de donner dans la prospective. Ce que j'attends de vous journalistes, c'est que MOI, lecteur, je puisse prévoir le futur, grâce à la lecture de vos articles sur le passé et le présent
Vous n'auriez pas à anticiper quoi que ce soit, votre métier après tout c'est l'enquête sur les faits, mais voilà la vision nouvelle que j'attends pour le 21è siècle du journalisme.
Gardez l'idée, au fond de vous-même, pendant que vous faites votre travail, que vos articles doivent servir à d'autres (les lecteurs) pour prévoir le futur avec raisonnablement de justesse.
Pourquoi je commençais par un "attention, danger"?
Parce que je nous (journalistes peut-être moins que lecteurs, et malheureusement, bien moins que les politiciens qui pourtant sont payés pour cela, prévoir le futur)avons tendance à nous satisfaire d'une bonne analyse des événements présents ou passés. Nous avons tendance à juger qu'un bon journal, c'est celui qui a bien compris ce qui se passe.
C'est vrai, mais cela ne suffit pas. En temps de crise comme celle du monde occidental que nous vivons, et celle écologique que vit la planète, il faut AUSSI que la bonne analyse soit orientée pour déclencher chez les lecteurs, des élans constructifs pour le futur. Des conclusions de nature à lui faire prendre des décisions d'avenir, que ce soit sur sa vie personnelle ou sur son boulot, et alors là où ce serait vraiment d'utilité publique, alors là pour le coup on pourrait parler de "pouvoir":
Si ça pouvait influencer les lecteurs politiciens dans le sens de décisions intelligentes pour la société...
Analogie policière:
Une analogie toute simple pour illustrer ce que j'ai en tête, celle de l'enquête policière. Une bonne enquête policière, idéalement débouche sur un bon procès, d'où une peine adaptée pour le coupable et une bonne réparation pour la victime. Justice est faite et la société a bien fonctionné. Sauf que ç'aurait été encore mieux si on avait pu prévenir le crime avant qu'il soit commis?
Prévoir le futur, pour un policier, ce serait, par les informations qu'il réussit à collecter, par les conclusions qu'il parvient à élaborer, réussir à influencer le cours de l'histoire, si ces informastions étaient utilisées correctement avant le crime, ou peut-être sur une autre affaire.
Ces informations n'étant pas toutes reliées directement à un seul sujet, les utiliser correctement c'est aussi savoir les ressortir au bon moment, et savoir relier des sujets qui apparemment n'ont rien à faire entre eux (soit dans l'espace, soit dans le temps).
Comme vous voyez, un tel "pouvoir" n'est pas entre les mains des seuls journalistes. C'est en fait un jeu qui nécessite deux acteurs, d'égale importance: d'une part les journalistes, d'autre part les lecteurs.
Que les lecteurs gardent à l'esprit leur libre arbitre, leur esprit critique, leur exigence un peu mais surtout le choix d'orientation de leurs priorités, moi, ce que je demanderais aux journalistes en général, et à ceux de MediaPart en particulier, c'est de garder en tête, pendant leur travail d'enquêtes ou de recoupements etc, l'influence de cet esprit d'extrapolation:
"Qu'ils puissent prévoir le futur"...
("...à la lecture de mes articles").
Un état d'esprit pour MediaPart, je l'espère.