Des sans-papiers de retour au foyer du XIIIe arrondissement

21/02/2008Par

Une semaine après l'intervention policière, les résidents reprennent leurs habitudes et certaines personnes interpellées sont déjà revenues. Mais l'incompréhension face aux méthodes des forces de l'ordre demeure.
Du rez-de-chaussée au cinquième étage, des portes des chambres ont été fracturées parfois cassées en deux. Dans ce foyer du XIIIe arrondissement de Paris où, le 12 février, plus de 300 policiers sont intervenus embarquant 115 résidents sur 300, la vie reprend peu à peu son cours, et les résidents leurs habitudes.

 


Au comptoir du réfectoire, un jeune homme beurre ses tartines d'une margarine en écoutant de la musique, casque vissé sur les oreilles. Le matin, ceux qui reviennent du travail croisent ceux qui s'apprêtent à y aller. Et depuis une semaine, ils retrouvent aussi ceux qui reviennent peu à peu du centre de rétention administrative de Vincennes  où une trentaine d'entre eux sont encore enfermés.

Ce foyer géré par l'AFTAM (Association française des travailleurs africains et malgaches) est un lieu de passage et de rencontre aussi. Avec un café à 0,60 euros, un voisin « qui travaille à côté », vient presque quotidiennement « depuis six ans », déjeuner le matin et dîner le soir. « Je suis Sénégalais et musulman alors je profite aussi de la salle de prière. » Non loin, un jeune cadre, français d'origine tunisienne, a découvert ce lieu il a plusieurs années par un collègue de bureau. Depuis, il s’y rend régulièrement. «Les policiers ont dit que le foyer abritait des marchands de sommeil. Ce n'est pas vrai, tout le quartier, tous les voisins, nous connaissent, il n'y a rien d'illégal ici », plaide Sako Dioké, un des délégués du foyer.


Entre dans la salle une petite femme blonde : la postière dépose le courrier des résidents sur le comptoir. « Ça fait 18 ans que je viens ici, je les connais bien. Ils sont toujours très gentils et puis c'est toujours propre. Regardez, dit-elle en désignant le sol qui vient d'être nettoyé. Et les locaux sont lavés chaque matin. » Il y a bien quelques blattes qui font la course autour du comptoir, dans la salle commune. Même si les  locaux sont vétustes, ils sont propres. Loin des « conditions portant atteinte à la dignité humaine » ainsi que l’affirmait la préfecture de police de Paris pour justifier son intervention.

Moussa Tounkara, résidant dans ce foyer depuis 1980, est revenu du centre de rétention, il y a deux jours. A ses yeux, cette intervention de la police n'avait qu'un objectif : attraper des sans-papiers.

 

Un avis que partage Niamoye Diarra, militante associative et élue du XIIIe arrondissement chargée de l'intégration. Elle dénonce les arrestations massives selon une méthode déjà utilisée par les forces de l'ordre à la fin des années 80.

 

 

 

Il est midi, la grille de la cuisine se lève. Les hommes font la queue devant l'unique femme de l'assistance, celle qui vient de préparer pour eux le poulet yassa, un plat traditionnel malien. Casques de chantier à la main, des ouvriers, parfois étrangers au foyer, viennent se restaurer. A 1,50 euro le plat, ceux qui travaillent dans le coin ne trouveront pas meilleur marché.

Les traits tirés, le regard sombre, deux autres résidents s'installent pour déjeuner. Ils sont aussi de retour rue des Terres au Curé depuis la veille au soir. L'un d’eux, sans papiers raconte à l'autre qu'il est écoeuré par l'attitude de son patron ; il n'a pas levé le petit doigt pour l'aider lorsqu'il a été arrêté alors qu'il travaille pour lui depuis six ans. "Je ne retournerai pas travailler chez lui" confie-t-il à son ami. Il est sans papiers certes mais aussi maçon, une filière où l'on trouve presque toujours du travail.
Ouafia Kheniche et Pierre Puchot (caméra et montage)

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Merci à Ouafia Kheniche et à Pierre Puchot, pour ces vidéos.

Ces travailleurs sont justement les plus intéressants à exploiter par notre système sans scrupules où les employeurs eux-mêmes, souvent ne peuvent faire autrement que de se compromettre dans l'emploi d'ouvriers au noir ou sans assurer toutes les cotisations légales.

Ce sont justement eux qui, toujours fatigués et occupés, ont le moins le temps de développer des habitudes qui nuiraient à l'ordre public.

Tout ça me rappelle certains reportages sur les foyers de travailleurs indiens, pakistanais ou asiatiques qui sont exploités en ce moment même à Dubai et autres petits royaumes pétroliers, qui n'ont que le droit de se taire et même juqu'à mourir pour ces tours prestigieuses qu'ils construisent sans réussir eux-mêmes à amasser de quoi s'en sortir.

Quel est le sens de telles vies?
L'honneur d'avoir construit pour les autres
(ici, la France)
sans rien en retirer pour soi-même?