Le couple Tiberi est finalement renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris

14/02/2008Par

Dans le droit fil de l'article que nous avions publié le 12 février, les magistrats chargés du dossier des faux électeurs du Vème arrondissement de Paris ont décidé de renvoyer Jean Tiberi et sa femme Xavière devant le tribunal correctionnel, selon une dépêche de l'AFP datée de jeudi 14 février. De manière inhabituelle, cette décision a été prise malgré l'avis du parquet qui ne souhaitait pas interférer dans la campagne pour les élections municipales. 

Notre article du 12 février.
Décidément, Jean Tiberi, lui-même magistrat de formation, a le chic pour perturber l’institution judiciaire. On se souvient du fameux épisode de l’hélicoptère dépêché dans l’Himalaya par Jacques Toubon, alors garde des Sceaux, pour empêcher le procureur adjoint d’Evry d’ouvrir une information judiciaire contre Xavière Tiberi. Il y a eu le feuilleton de sa mise en cause dans l’affaire des HLM de Paris, dans laquelle il a bénéficié d'un non-lieu ; ou encore la perquisition dans son appartement, au cours de laquelle les policiers, sur ordre de leur hiérarchie, refusèrent d’assister le juge Halphen...

Cette fois, c’est l’opportunité de renvoyer devant le tribunal correctionnel, dans les jours qui viennent, l’ancien maire de Paris –et son épouse- dans l’affaire des faux électeurs du Vème arrondissement qui divise le Palais de justice. D’un côté, le parquet estime que toute initiative dans ce dossier serait inopportune, du fait de la proximité des élections municipales des 9 et 16 mars.  De l’autre, les deux juges d’instruction chargés du dossier, Jean-Louis Périès et Baudouin Thouvenot, sont las d’attendre les réquisitions du procureur et envisagent de signer l’ordonnance de renvoi du couple Tiberi devant le tribunal avant la fin du mois…

L’enjeu n’est pas mince. Candidat à sa propre succession pour un nouveau mandat à la mairie du Vème arrondissement, qu’il dirige depuis 1983 –avec une interruption entre 1995 et 2001, puisqu’il était alors maire de Paris, - Jean Tiberi trouvera une nouvelle fois sur sa route Lyne Cohen-Solal. Or, le scrutin s’annonce plus serré que jamais. Dans ce berceau du chiraquisme municipal, la candidate socialiste pourrait même créer la surprise, si l’on en croit un sondage publié la semaine dernière par Le Nouvel Observateur, qui la place en tête (52% des intentions de vote contre 48%).

Pour mieux comprendre le désaccord qui oppose le parquet aux deux juges, un petit retour en arrière s’impose. Ouverte en 1997 à la suite d'une plainte déposée par la socialiste Lyne Cohen-Solal, l'instruction a rapidement mis en évidence l'enrôlement sur les listes électorales d'électeurs qui ne résidaient pas -ou plus- dans le Vème. Mise en cause par plusieurs témoins dans l'organisation et la surveillance de ce qu'ils ont décrit comme un « système », l'épouse du maire, Xavière Tiberi, fut elle-même mise en examen le 4 juillet 2000, du chef de « manoeuvres frauduleuses de nature à porter atteinte à la sincérité d'un scrutin ». 

Dans un rapport de synthèse remis au juge Périès, les gendarmes de la section de recherches de Paris chargés de l'enquête concluaient, le 22 novembre 2002, qu' « une des conditions à l'obtention d'un logement social sur intervention était l'inscription sur les listes électorales du Vème ». Dénonçant le « rôle prépondérant » de proches de M. et Mme Tiberi « dans les interventions pour les électeurs frauduleusement inscrits », les gendarmes estimaient alors « louable de penser que ces personnes n' [avaient] servi en fait que de prête-nom et que l'aval de ces interventions [provenaient] du couple Tiberi ».

 Le 21 mars 2005, Jean Tiberi était à son tour mis en examen pour « manœuvres frauduleuses de nature à porter atteinte à la sincérité d’un scrutin ». Et le 20 avril suivant, les juges clôturaient leur instruction. Au total, treize personnes sont poursuivies dans la procédure. Le dossier allait alors sombrer dans une apparente léthargie. D’abord, l’ancien bras droit de Jacques Chirac demanda l’annulation de sa mise en examen devant la cour d’appel puis, après le refus de celle-ci, décida de se pourvoir en cassation. 

Son pourvoi fut rejeté en avril 2006, et le dossier enfin transmis au procureur pour règlement. Ainsi que le prévoit la procédure, il revient au parquet, au terme d’une information judiciaire, de rédiger un réquisitoire définitif, un document synthétisant le dossier, assorti de réquisitions concernant les personnes poursuivies. En clair, le parquet doit dire s’il souhaite obtenir le renvoi devant le tribunal des mis en examen ou leur accorder un non-lieu. Le document est ensuite transmis aux magistrats instructeurs, qui sont libres de suivre ou non l’avis du parquet.

Dans l’affaire Tiberi, les deux juges semblent avoir perdu patience, las d’attendre depuis maintenant près de deux ans des réquisitions. Il est vrai qu’ils subissent l’amicale pression des parties civiles, persuadées, à l’image de l’avocate de Lyne Cohen-Solal, Me Claude Pollet-Bailleux, que "le parquet a tout fait pour ralentir l’affaire". "Le but, et il est en passe d’être atteint, était d’éviter que l’ordonnance de renvoi du couple Tiberi soit signée avant les municipales ", accuse l’avocate. Selon elle, « même s’il est exact qu’il s’agit d’un gros dossier, puisqu’il fait plus de vingt tomes, il est ahurissant de penser qu’il a fallu près de deux ans pour le régler. Il ne s’agit à l’évidence que d’un prétexte ».

Au parquet de Paris, on confirme que le réquisitoire définitif est effectivement prêt. Il préconise, selon nos informations, le renvoi du couple Tiberi devant le tribunal correctionnel. Mais, estime le parquet, il serait totalement déplacé de le verser à la procédure à quelques semaines du premier tour des municipales. 

L’entourage du procureur rappelle que, par tradition républicaine, la justice observe, dans les affaires mettant en cause des personnalités politiques, une sorte de « trêve » au moment des grandes échéances électorales. Le parquet rappelle quelques précédents (Robert Hue, Pierre Bédier, etc.). D’ailleurs, dans une autre affaire révélée lundi par MediaPart et susceptible de mettre en cause l’ex-directeur de campagne de Vincent Roger, candidat UMP dans le IVème arrondissement, le parquet a également choisi de laisser passer les municipales avant de prendre une décision. Les proches du procureur font par ailleurs remarquer que, si le ministère public est critiqué dans cette affaire pour retarder ses réquisitions, il le serait tout autant, voire plus, s’il décidait de les communiquer en pleine campagne électorale.

A la chancellerie, où le dossier Tiberi est suivi de près, on affirme partager l’analyse du procureur, tout en déplorant qu’il ait fallu autant de temps pour régler ce dossier. Les deux magistrats instructeurs, eux, n’ont guère été sensibles aux arguments du parquet. Ils lui ont récemment fait savoir qu’ils signeraient prochainement l’ordonnance de renvoi, et ce sans attendre ses réquisitions ! Théoriquement, ils en ont le droit. Mais une telle initiative, rarissime, ne manquerait pas de susciter une vive polémique ; et pas seulement au Palais de justice de Paris.

 

 

 

 

 

 

C'est article vient de me rappeler de mauvais souvenirs concernant Tibéri.
Comment peut-on imaginer qu'une telle affaire n'est pas encore été jugée dix ans après son ouverture?
Et pendant ce temps, Tibéri tente de se faire réélire...

Une justice à deux vitesses

"... par tradition républicaine, la justice observe, dans les affaires mettant en cause des personnalités politiques, une sorte de « trêve » au moment des grandes échéances électorales."

Vous avez raison Orius8, la justice n'est pas la même suivant que l'on fasse partie des "personnalités politiques" ou du vulgaire peuple.

voir le cas de Jean Sarkozy...

Bonjour Alexos,
Pouvez-vous me rafraichir la mémoire en m'indiquant dans quelle affaire judiciaire Jean Sarkozy est impliqué ?
Merci

accrochage avec une voiture BMW, délit de fuite.
Jean Sarkozy nie. C'est parole contre parole ! Jugement en juin !!
allez sur Yahoo et vous en saurez plus.
Ceci a été bien décrit dans un canard enchaîné.
C'est également le scooter volé de JS qui avait défrayé la chronique. Il avait été retrouvé grâce aux services de papa.

Vous imaginez ce que serait un délit de fuite pour un citoyen normal, ou pour un beur ?
C'est vrai, il est présumé innocent...

Je suis scandalisé que plus de dix ans après les faits les plus graves que l'on puisse reprocher à un homme politique, de surcroît ancien maire de Paris, à savoir tricher avec le suffrage universel, on ne l'ait pas blanchi de ces accusations infâmes.
Je suis persuadé que Monsieur Tibéri ne craint ni la vérité ni la justice.
Puisqu'il est innocent et honnête, il doit réclamer lui-même que son procès ait lieu le plus rapidement possible.
Sinon, cela voudrait dire qu'il a quelque chose à se reprocher.
Je n'ose le croire.

Un peu de calme. Certes, la justice poursuit l'actuel maire du 5ème. Mais la justice se doit de rester juste, même pour lui. Juste, c'est de ne pas interférer dans la vie politique. C'est un devoir républicain ! Certes, M Rullier a raison de dire que si l'actuel maire du 5ème était innocent, il ne devrait nullement craindre la fau de la justice.

Mais aujourd'hui, c'est au citoyen de faire un choix en conscience ! M Tiberi prétend avoir un bilan, mais on ne gagne pas sur un bilan. Alors, que veut-il faire pour « son » arrondissement ?

A-t-il une liste ? Non ! On sait juste qu'il veut y placer son fils, telle une monarchie de droit divin...

A-t-il un programme ? Non ! On sait juste que son programme, c'est lui...

Alors, électeurs, accepterez-vous encore longtemps de voir ainsi se dégrader la qualité de vie dans le 5ème, alors qu'elle augmente à Paris ?

A vous de choisir...

Il y a un domaine dans lequel il a été un très grand maire. C'est celui de l'urbanisme. Alors que sous chirac, c'était un sujet de guerre entre la mairie de paris et les associations, Tibéri a su régler cette question. Il a su désamorcer le conflit et a réalisé de véritables concertations avec les associations engagées dans ce domaine. je le sais, j'y étais. Puis sous l'ère Delanoe, fin de la concertation avec le grand public. Celle-ci ne s'est plus faite qu'entre politiques PS/Verts qui se pensent plus représentatifs de leurs habitants que les élus de droite. L'élection leur donne les rênes du pouvoir bien sr, mais dans certains domaines - dont celui de l'urbanisme - ils ne peuvent prétendre être les seuls "pensants".

Dans le domaine des faux électeurs, ils devraient être plus nombreux à être poursuivis : tout d'abord celui qui voulait réaliser le grand schlem, il a été un maire de paris omnipotent mais personne ne lui demande de compte à ce sujet, ensuite bien les listes électorales de bien d'autres arrondissements étaient perclus par de faux électeurs et enfin les services de la préfecture qui fermaient les yeux alors qu'ils sont présents lors des commissions électorales avec voix délibérative...

bonjour
Je suis étonnée d'une telle réaction quant à l'urbanisme
les parisiens on été consultés et on pu donner leur avis et même voter pour les projets
exemple dans le troisième arrondissement et le carreau du temple
ils ont été 120 000 à défendre leurs idées et peuvent encore le faire à tout moment sur le blog de l'actuel maire de Paris
Mais on ne parle sans doute pas de la même chose
et je vous prie de m'excuser si je n'ai pas bien compris ce que vous vouliez dire par seuls "pensants"

Alexos, merci de votre réponse. Il est vrai que la position du parquet est régulièrement celle évoquée dans l'article lorsqu'un homme politique est incriminé, il ne veut pas être accusé d'interférer dans une élection et ceci me semble convenable. On aurait beau jeu de crier à la manoeuvre politique si les magistrats du ministère publique agissaient autrement. Ce qui est chocant en l'espèce c'est l'extrème lenteur de l'enquète préliminaire.

Le concept de mediapart est attrayant
abonnement à venir je pense ...

Cependant, le sujet que vous abordez montre les limites d'une information
"même" honnête, "même" informée, "même" professionnelle ...

Combien de fois l'évidence n'est-elle point apparue, toute presse confondue,
lors du traitement de ce dossier?

Je pose donc l'axiome "au travers de ma gorge" suivant : un journalisme "veritas" ne peut que révéler, souligner, décortiquer, dépeindre, historiser, analyser,
mais n'a aucun impact réel (sinon de proposer à mon ego : nous sommes plusieurs à penser la même chose) sur une délinquance d'état.

Donc pourvoir (pouvoir) prouvez moi le contraire (je plaisante)

bon vent, bon courage

Remarque hors-sujet :
J'aimerais tant pouvoir lire une presse professionnelle qui ne parle pas de sondages... et je trouve qu'en l'occurrence votre article s'en passerait bien.
Cordialement,
Alexis

Bonjour,

Vous pouvez lire la réaction de Philippe Meyer, candidat dans le 5ème sur son blog : http://meyerpourle5eme.fr

Cordialement, paul

Ces deux magistrats sont courageux et c'est tout à l'honneur de notre Justice!

Par ailleurs, merci pour la mise à jour détachée de l'article! En effet, certains articles sont souvent mis à jour mais, il est souvent impossible de bien localiser cette mise à jour sauf à relire entièrement l'article.
Il serait donc appréciable que la version officielle du site prévoit quelque chose pour identifier les mises à jour.