La rédaction du « Monde » refuse une prise de contrôle du groupe Lagardère

14/01/2008Par

La crise de direction prend une dimension nouvelle au quotidien « Le Monde ». Lundi 14 janvier, les actionnaires dits « externes » du groupe « Le Monde » ont refusé de nommer à la présidence du directoire Eric Fottorino, directeur du journal. 

Il était candidat à la présidence du groupe depuis la démission de Pierre Jeantet, le 4 janvier. Ce refus des représentants des actionnaires extérieures, soutenus par la représentante de l’association Hubert Beuve- Méry, ouvre une nouvelle phase dans la bataille pour le contrôle du groupe.

 

Lors de ce conseil de surveillance, la société des rédacteurs a violemment mis en cause Alain Minc, président du conseil jusqu’au 31 mars, dont elle demande « le départ immédiat ». Accusé d’avoir volontairement provoqué la crise de direction actuelle en encourageant l’ancien directoire à démissionner, Alain Minc est surtout mis en cause pour organiser la montée en puissance du groupe Lagardère et sa prise de contrôle du quotidien, aux côtés du groupe espagnol Prisa. L’action d’Alain Minc, ajoute la société des rédacteurs dans le texte que nous publions intégralement ci-dessous, vise « à faire perdre son indépendance à l’un des piliers de la presse française depuis 1944 au profit d’un groupe détenu par un proche du président de la République, dont Alain Minc est lui le même le conseiller officieux ».

 

Un nouveau conseil de surveillance du groupe devrait se tenir le 25 janvier. Eric Fottorino a annoncé qu’il maintenait sa candidature à la présidence du directoire du groupe.

 

 

Le texte intégral de la déclaration de la société des rédacteurs lu lors du conseil de surveillance du Monde.

 

« La Société des rédacteurs du Monde (SRM) prend acte de ce que les administrateurs partenaires ne souhaitent pas présenter formellement la candidature d’Eric Fottorino à la présidence du directoire du groupe Le Monde. Elle regrette profondément que des actionnaires dits « partenaires  empêchent le directeur du Monde de concourir à la présidence du directoire de son propre groupe. Pour les raisons qu’elle va maintenant développer, elle demande à Eric Fottorino de maintenir sa candidature. Celle-ci sera soumise au conseil de surveillance du 25 janvier, après que les assemblées générales des sociétés de personnels se seront prononcées.

 

En effet, la SRM regrette que les sociétés de personnels, malgré leurs demandes, n’aient pas pu rencontrer les administrateurs partenaires avant la tenue de ce conseil de surveillance pour chercher des solutions à la crise ouverte par la démission de Bruno Patino et de Pierre Jeantet. Elle aurait également voulu pouvoir informer chacun des partenaires sur les faits qu’elle va aujourd’hui

aborder.

 

Cette difficulté à pouvoir dialoguer, dont nous constatons qu’elle résulte de la volonté d’Alain Minc, est un obstacle à la concertation qui doit prévaloir au sein du conseil de LMPA, où sociétés de personnels, de lecteurs, d’actionnaires historiques et de représentants d’un « capital émietté » investi en 1994, ont tout à gagner à marier leurs cultures et leurs compétences. En cherchant à vous joindre, la SRM souhaitait vous exposer la chronologie des faits suivants.

 

Le 19 décembre, le directoire a démissionné collectivement à la suite de la décision de la SRM de ne pas voter le budget du Monde interactif. Alain Minc a alors menacé de saisir le tribunal de commerce le 4 janvier, date d’effet de cette démission, pour obtenir la nomination d’un administrateur provisoire.

Il est apparu ensuite, dans la semaine qui a suivi, que le président du conseil de surveillance a, selon des protagonistes, « vivement encouragé » le directoire à démissionner, alors que ce dernier pouvait demander un vote de confiance, sur sa stratégie, au conseil de surveillance. Il l’aurait obtenu sans peine, même sans les voix de la SRM. Autrement dit, le président du conseil de surveillance, qui

doit quitter ses fonctions le 31 mars, a délibérément aggravé une situation qui pouvait se régler par le dialogue et par une concertation normale entre actionnaires sur une stratégie d’entreprise.

 

Dans quel but ? Quelques jours avant cette « crise », Alain Minc, selon Didier Quillot, avait demandé à Arnaud Lagardère s’il serait prêt, en cas de crise grave au « Monde » à être une solution pour le groupe. Cette solution s’est matérialisée peu de temps après, le 27 décembre. Le président et la vice présidente de la SRM ont alors été reçus, à sa demande, par Didier Quillot pour leur exposer un projet commun de prise de contrôle du Monde SA par Lagardère et Prisa, par rachat des ORA. Ce projet de prise de contrôle du groupe a ensuite été exposé plus en détail le 8 janvier par Didier Quillot et Juan Luis Cebrian à huit des douze cogérants de la SRM qui les ont reçus au Monde. Pour la Société des rédacteurs du Monde, l’attitude d’Alain Minc, qui a vivement encouragé la démission du directoire, ne peut être considérée que comme un acte incompatible avec ses fonctions, dont le résultat vise:

 

- tout d’abord, à entacher le nom du journal en le confiant aux mains d’un administrateur provisoire, dont il avait, un temps, menacé le groupe.

 

- ensuite, à marginaliser le pouvoir des sociétés de personnels en mettant un terme à l’indépendance économique du groupe Le Monde (alors même qu’après la cession des journaux du Midi, aucun péril imminent, sur les plans économique et financier, ne le menace).

 

- enfin, à faire perdre son indépendance à l’un des piliers de la presse française depuis 1944 au profit d’un groupe détenu par un proche du président de la République, dont Alain Minc est lui le même le conseiller officieux.

La SRM ne met en cause ni le groupe Lagardère, ni le groupe Prisa, qui accompagnent depuis des années le groupe Le Monde pour développer des projets et qui l’ont assisté à des moments difficiles en respectant toujours, jusqu’à présent, sa nature et son indépendance.

 

En revanche, elle dénonce les procédés mis en oeuvre par Alain Minc dans lesquels ces deux groupes, comme le directoire, paraissent avoir été instrumentalisés.

 

Cette attitude conduit la Société des rédacteurs du Monde à demander le départ immédiat d’Alain Minc du conseil de surveillance.

 

La SRM souhaite, d’ici au conseil du 25 janvier, dont elle demande le maintien, rencontrer les administrateurs partenaires, avec les autres sociétés de personnels. Elle appelle les administrateurs partenaires d’ici là à réviser leur premier jugement et plutôt qu’à le sanctionner, à aider Eric Fottorino dans son projet pour que demeurent intactes les valeurs, la qualité et l’indépendance des titres de notre groupe.

Paris, le 14 janvier 2008. »

 

 

Le communiqué de la société des rédacteurs du Monde à la suite du conseil de surveillance du 14 janvier 2008

Bonjour à tous,

Neuf administrateurs "partenaires" (externes), présents au conseil de surveillance de LMPA (Alain Minc, Jean-Louis Beffa, Etienne Pflimlin, Pierre Richard, Mario Colaiacovo, Claude Perdriel, Pierre Lescure, Marie-Louise Antoni, Régis de Laroullière) ont décidé, ce lundi 14 janvier de ne pas soutenir la candidature d'Eric Fottorino à la présidence du directoire au conseil de surveillance prévu le 25 janvier. Ils ont précisé cependant être opposés à la nomination d'un administrateur provisoire.

La Société des lecteurs, représentée par Jean Martin, a indiqué qu'Eric Fottorino avait apporté un certain nombre de garanties satisfaisantes, mais qu'elle en attendait d'autres, tout en appuyant un processus de dialogue entre internes et externes.

L'association Hubert Beuve-Méry  (actionnaire interne), représentée par Monique Dagnaud, a déclaré sa confiance aux administrateurs externes et indiqué qu'elle s'alignerait sur la position majoritaire de ceux-ci.

Chacune des sociétés de personnels, par leurs représentants, se sont ensuite exprimées.

Face à la position des externes, la Société des rédacteurs du Monde, par la voix de son président, a lu un texte préparé par le conseil de gérance (voir fichier joint) au terme duquel elle a demandé le départ immédiat d'Alain Minc. Selon les informations dont dispose la SRM, il apparaît qu'Alain Minc, enfreignant les règles élémentaires de sa fonction, a vivement encouragé le directoire à démissionner le 19 décembre, après s'être préalablement assuré de ce que le groupe Lagardère, associé au groupe Prisa, était en mesure de prendre le contrôle du groupe Le Monde.

La SRM a demandé à Eric Fottorino de maintenir sa candidature.

Elle a également demandé à rencontrer les administrateurs "partenaires" en les appelant à réviser leur premier jugement d'ici au conseil de surveillance du 25 janvier.

Une première réunion d'information des personnels est organisée cet après-midi, à 15h30, à l'auditorium.

Bien à vous,
Le conseil de gérance.

antitox
Je dirai simplement, que le vrai journalisme est pour le moment, un métier sinistré, nous le devons à notre cher Président et ses amis. Je n'ai pas hésité une seconde, pour m'abonner à MEDIAPART, dès qu'il y a une lueur d'espoir, je la suis.
Cordialement,

Jacques A. (Yvelines)

Merci pour cette information, introuvable dans "Le Monde" et qui vous met directement dans le grand bain. Médiapart arrive au moment où la presse traditionnelle va vraiment mal.

Nous attendons MediaPart, pour retrouver une info professionnelle, honnête et indépendante, comme en a donné Le Monde pendant 50 ans.

Depuis les plus anciennes civilisations,il a fallu lutter pour la liberté"Je n'aime pas vos idées,mais je me ferai tuer pour que vous puissiez les exprimer",il se trouve que je partage votre esprit de liberté et je suis très heureux de pouvoir appeler tous les adhérents du MODEM à soutenir votre initiative indispensable en ce moment!!!!!!

kairos

Alain Minc... il y a, plus que de raison, de l'abbé Dubois chez ce roué... Il serait temps que la fameuse rupture, dont nous avons les oreilles rabattues, intervienne d'urgence pour que les méfaits de ce personnage nous soient quelque peu épargnés...

Alain Minc ne peut pas rester président d'honneur de la Société des lecteurs...
A supposer que le mot honneur ait un sens pour lui !

Je suis consterné par la médiocrité du personnage qui a représenté aussi longtemps les lecteurs du MONDE! OUI, MINC doit démissionner!

Abonné au Monde depuis de nombreuses années je redoute comme beaucoup de vos e-lecteurs la disparition de "notre "journal.
La liberté de ton et les vraies informations que le Monde publie chaque jour doivent sérieusement agacer en haut lieu et M Minck, déjà habitué de la Lanterne, doit avoir comme mission de saboter le Monde.
Comme toujours les propos sont douceureux mais in fine l'argent va essayer de gagner.
Notre Pays est sur une mauvaise pente, heureusement que l'esprit français saura un jour s'exprimer et comme chaque fois que le balancier est poussé loin il revient encore plus loin.
Nous ferions mieux de centrer nos énergies sur nos soucis sociétaux et le déclin de la "civilisation" française.
Je souhaite que les tentatives actuelles échouent et que le Monde survive à cette nouvelle épreuve.

Ils ont joué...
Ils ont perdu...

Qu'ils prennent leurs pertes.
Le Monde ne vaut plus qu'un franc symbolique (en raison de ses dettes).
Et de ses six années de pertes consécutives.

Ou alors, s'il vaut plus, c'est à la Bourse de le dire.
Et aux actionnaires historiques (les salariés) de conserver le contrôle.
Le New-York Times est côté en Bourse mais les actionnaires financiers acceptent des actions sans droit de vote. Le Monde devrait s'en inspirer.

Si Claude Perdriel continue à soutenir Lagardère et Minc (qui sont prêts à perdre de l'argent pour transformer Le Monde en tract)...

Je boycotte le Nouvel Obs et Challenges (propriété de Perdriel)...

D'ailleurs....

Pour ce qu'on y trouve (je parle du Nouvel Obs)

Scénario (in my dreams) : Le Monde en cessation de paiement et dépôt de bilan, repris 1 € symbolique par les journalistes du Monde sous forme de _coopérative_ !

ancienne journaliste de Top Famille magazine, sabordé par les mêmes actionnaires, je comprends fort bien l'inquiétude des rédacteurs du Monde.
sans même parler du contexte actuel de la presse française...
au passage, merci et bravo à l'équipe de Mediapart !