La France et l’Allemagne veulent une golden share pour EADS

07/03/2008Par

Un calendrier serré pour réformer le pacte d'actionnaires du groupe d'aéronautique et de défense européen. L'Agence de participations de l'Etat freine.

Louis Gallois y avait fait allusion mine de rien. Mi-février, lors d’une réunion d’actionnaires à Paris, le président exécutif d’EADS avait évoqué la nécessité de réfléchir à la création d’une action spécifique ou une golden share pour protéger le groupe européen de défense et d’aéronautique. Mais cela semblait un projet lointain comme lorsque le gouvernement allemand, l’été dernier, avait émis le même souhait. En fait, les discussions sur le sujet sont très avancées. Elles devraient même aboutir, selon nos informations, dans les toutes prochaines semaines.
Les gouvernements français et allemand travaillent sur plusieurs scénarios pour démonter le schéma actionnarial actuel. L’un d’entre eux est le recours à une golden share ou action spécifique accordée aux deux gouvernements afin qu’ils puissent protéger l’entreprise contre toute agression extérieure ou tentative d’OPA ; un autre reposerait sur un droit d’agrément pour tout nouvel actionnaire extérieur consenti par les actionnaires actuels ; enfin, il est aussi envisagé l’utilisation d’une « pilule empoisonnée », en anglais poison pill.

Revenir sur les accords entre actionnaires

L’objectif de cette révision des statuts n’est pas tant comme semble l’indiquer le Financial Times d’aujourd’hui de restreindre l’entrée d’actionnaires étrangers que de remettre en ordre la gouvernance du groupe et préserver les intérêts français et allemands. Depuis la grave crise qu’EADS a traversée en 2006-2007, les deux gouvernements partagent le même constat : il faut en finir avec les troubles et redonner au groupe un mode de fonctionnement normal. Un premier pas a été franchi en juillet dernier lorsque le principe de la co-gouvernance, aboutissant à doubler tous les postes de direction, a été supprimé. Mais les deux gouvernements savent qu’il leur faut aller plus loin et revenir sur les accords actionnariaux existants. D’autant que les deux actionnaires privés -Lagardère côté français et Daimler côté allemand- censés assurer la préservation du groupe, ont jusqu’à présent plus agi pour défendre leurs intérêts que ceux d’EADS. Et ils ne cachent pas ni l’un ni l’autre qu’ils souhaitent vendre à terme leur participation et partir.
Ces derniers mois, l’Elysée a cherché un actionnaire ou un groupement d’actionnaires qui pourrait se substituer à Arnaud Lagardère et lui racheter les 7,5% qu’il détient dans EADS. En vain. Le groupe Dassault, l’autre groupe aéronautique français, ne veut surtout pas en entendre parler, par peur de perdre son autonomie. Quant aux autres, ils n’ont ni l’expertise ni l’argent pour s’engager dans cette entreprise. Côté allemand, la situation n’est guère plus facile. Aucune compagnie n’a l’envie ni l’argent de remplacer Daimler chez EADS. Mais les deux gouvernements savent qu’ils ne pourront pas obliger encore longtemps les deux actionnaires privés à rester, et qu’il faut trouver une issue pour les laisser vendre sans drame. De son côté, EADS pousse à une évolution rapide de ses statuts. Redressé, en partie apaisé, le groupe veut pouvoir mener des alliances, faire des acquisitions, évoluer, sans être freiné à tout instant. Un risque qui n’est pas qu’imaginaire : à l’automne, Arnaud Lagardère a mis son veto au rachat d’une petite entreprise de défense américaine, alors que tout le management et les autres administrateurs soutenaient le projet.
Aucune évolution, cependant, n’est possible sans dénouer le pacte d’actionnaires qui lie Lagardère, Daimler et l’Etat français. Dans le même temps, il faut trouver d’autres mécanismes pour protéger EADS. Le groupe n’est pas à l’abri des convoitises étrangères comme l’a prouvé la tentative d’incursion de la banque publique russe, VTB. D’où l’idée d’introduire une golden share, ou une action spécifique aux gouvernements allemand et français, afin de garder un pouvoir de veto sur toute évolution contraire à leurs intérêts et ceux de l’entreprise.

Hostilité de l'Agence des participations de l'Etat

Berlin comme Paris soutiennent ce dispositif. Curieusement, c’est au sein de l’appareil d’Etat français que les points de vue se heurtent, selon nos informations. L’Agence des participations de l’Etat (APE), chargée de gérer les participations publiques, semble notamment très hostile à une golden share. Pour justifier son opposition, elle a d’abord invoqué l’hostilité de Bruxelles à un tel dispositif. «Je ne vois pas pourquoi la Commission européenne s’opposerait à un mécanisme qui a été mis en vigueur par le gouvernement britannique pour protéger son groupe de défense, BAE systems », s’étonne un défenseur du projet. D’autres pensent que l’opposition de l’APE provient de la crainte de voir à terme l’Etat français vendre sa participation dans EADS. «La golden share ne change rien. L’Etat  restera actionnaire», assure-t-on à l’Elysée.
Pour contrer le projet, l’APE avance d’autres mécanismes. Elle proposerait, selon nos informations, un droit d’agrément pour tout actionnaire extérieur prenant plus de 15% du capital. Une mesure qui est loin de recueillir l’assentiment des différents interlocuteurs. Certains y voient un moyen de maintenir en l’état le pacte d’actionnaires existant et de bloquer toute évolution.
Enfin, s’appuyant sur les possibilités du droit néerlandais –EADS est immatriculé aux Pays-Bas– , d’autres intervenants suggèrent la possibilité d’une « pilule empoisonnée », permettant de bloquer toute tentative de prise de contrôle quelle que soit la participation détenue.
Le débat entre administrations françaises en est là. Le différend, cependant, ne pourra s’éterniser. Pour présenter les modifications statutaires à son assemblée générale du 29 mai, comme EADS paraît le souhaiter, une série d’accords doit être obtenue auparavant.  Les conseils des  structures intermédiaires qui regroupent les intérêts de l’Etat et de Lagardère doivent notamment être réunis pour avaliser la fin du pacte d’actionnaire actuel. Ils sont prévus pour avril. «Cela nous laisse peu de temps. Nous devons avoir  arrêté tous les principes d’ici à fin mars», dit un négociateur.

Bonjour,

Je soutiens votre journal depuis que je connais le projet et lis vos articles.
Mon opinion personnelle sur EADS est qu'il devrait appartenir à l'UE.

Je ne suis pas financier. Vous parlez de « pilule empoisonnée » mais vous n'expliquez pas ce que c'est.
Peut-on avoir des éclaircissements ?

Merci

Librement

TV

Je suis heureuse d'ètre aussi adhérente à votre journal,et lis aussi beaucoup vos articles,moi aussi je penses qe EADS devrait appartenir à l'Europe.
Toutes leurs façons de faire et manipulations ne sont pas trés claires!

Golden share ???

Wikipedia :

La Golden Share ("action spécifique") permet à celui qui la détient de conserver un droit de veto sur l'ensemble du capital d'une société dans certaines circonstances spécifiques1. Elles sont souvent détenues par un État dans le cas d'une compagnie publique soumise au processus de privatisation et de transformation en société côtée. La Golden share est limitée dans le temps......

Suite sur ce site

Oui, et on pouvait aussi comprendre en lisant l'article.
N'empêche, ça me gêne toujours, un titre qui donne l'impression de s'adresser uniquement à ceux qui maîtrisent le jargon. En temps ordinaire, je zappe automatiquement.
Serait-ce inévitable ?

la golden share est un droit de véto mais l'on peut être sceptique sur son utilité réelle. L'Etat est actionnaire d'Eads mais a confié le soin à Lagardère de le représenter au sein du conseil d'administration durant de longs mois, ce qui a permis à l'Etat de feindre d'ignorer les difficultés d'Eads et du délit d'initiés qui a permis à mille deux cents cadres dont Noel Forgeard de vendre leurs actions avant l'annonce des problèmes sur l'a 380. Golden share ou pas, la question de l'actionnariat est certes importante mais ne résolve pas la question du transfert des savoirs faire à l'étranger lesquels, un jour prochain, reviendront sous forme de boomerang fragiliser EADS et l'emploi. je pense aux chinois qui vont assembler leur A 320 et préparent un avion de cent places notamment et au transfert en zone dollar d'au moins 50% du travail à faire pour concevoir l'a 350 XWB. Coté emploi, golden share ou pas, le programme d'économie poewer 8 se poursuit. officiellement 3 mille des 10 mille postes à supprimer l'ont déjà été et malgré des carnets de commandes pleins pour les 6 ans à venir, les suppressions d'emplois et les ventes de sites au sous traitant Latécoère notamment continuent. L'article est donc intéressant mais il s'intéresse à l'architecture de l'entreprise non à la réalité de son fonctionnement.