On ne lutte pas dans le noir, par Denis Quinqueton (Cadre)

C'était il y a quelques années, à propos de terrorisme. L'éditorial d'un magazine français, illustré de la photo d'une bibliothèque londonienne pendant les bombardements nazis. On voyait un bâtiment éventré et un homme, soigneusement habillé en train de chercher attentivement quelque oeuvre littéraire ou volume d'encyclopédie. L'éditorial était titré "We're not afraid". Je l'ai d'abord lu mi- distrait, mi-agacé : qu'est-ce qu'il nous donne encore comme leçon de morale celui-là ? Et pour une raison que je ne m'explique pas tout à fait, j'ai jeté le magazine - dans la bonne poubelle ! - au bout de quelques jours en déchirant la page de l'éditorial afin de la garder. Petit à petit, à chaque fois que je le relisais, l'essentiel s'imposait là, évident, de plus en plus prégnant : ce texte disait tout, enfin je veux dire l'important d'une démocratie comme la nôtre. On ne cède pas devant les diverses formes de terrorisme et de violence. Ca ne veut pas dire que l'on bande ses muscles et que l'on répond au coup par coup au même niveau et avec les mêmes méthodes. Ca ne veut pas dire que l'on doive torturer pour obtenir des aveux de poseurs de bombes. Ca ne veut pas dire qu'on répond à deux nuits de grande violence dans un coin de banlieue en dégainant des comparutions immédiates, les appels à témoins rémunérés et qu'on prépare quelques avions-espions sans pilote sur un tarmac militaire pour aller surveiller les quartiers pauvres. Ca ne veut pas dire non plus qu'on reste, angélique, les bras croisés face à la violence. Ca veut dire tout simplement dire qu'on ne cède pas d'un pouce, pas d'un millimètre pour reprendre nos mesures révolutionnaires, de nos valeurs démocratiques. Parce qu'à la minute où on renonce à l'une de ces valeurs, nous avons collectivement perdu la bataille contre la barbarie. J'ai bien écrit "la barbarie", pas "les barbares", et j'insiste. Je ne me sens pas dans cette France du "second en pire" comme un être civilisé obligé de me battre contre des "sauvages" qui troublent ma tranquille petite bourgeoisie. Je ne me sens pas comme un honnête homme en butte à la "voyoucratie". Tant qu'on 'y est on, devrait aussi nous raconter qu'ils font cuire leur beefsteak en les mettant sur les selles de leurs scooters avant de les chevaucher à travers les quartiers pour semer la terreur, comme on nous décrivait les moeurs d'Attila dans les cours d'histoire quand j'étais enfant. Ca veut dire, tout simplement, mais c'est là que tout se complique, qu' "On ne lutte pas dans le noir" comme l'écrivait Edwy Pleynel dans ce qui est resté pour moi un fameux éditorial. Parce que la violence n'est pas génétique, la barbarie n'est pas un vice. C'est un piège qui coince ses proies avec, en ce moment, la complicité de la société qui se laisse bercer par l'idée que l'on naît bon ou méchant et qu'il n'y a pas à y revenir. S'il n'y a pas de justification à la violence, il y a des explications. Alors oui, "on ne lutte pas dans le noir". Et pour ne pas lutter dans le noir, il faut des journalistes. Ces professionnels de l'esprit critique. Celles et ceux sur qui je compte pour développer plus que je ne le peux moi-même, cette faculté de s'interroger, de chercher à savoir, à décortiquer à décrypter. Comme je compte sur mon pote serririer quand j'ai perdu mes clés et que je veux rentrer chez moi parce que je ne sais pas forcer une serrure. Leur métier est simple et difficile à la fois : nous expliquer notre monde complexe parce que moi, comme l'ensemble de mes contemporains, je n'ai pas le temps ni les moyens de tout comprendre, de tout découvrir, je n'ai aucun moyen sérieux de démêler le faux du vrai, l'information de la manipulation. Et j'ai besoin de ces intermédiaires entre le monde et moi pour pouvoir participer au débat démocratique. C'est crucial. Les intermédiaires, la compréhension et le débat démocratique. D'autant plus qu'une utilisation distraite d'internet, pourrait me laisser croire le contraire. Voilà en quelques mots un peu touffus, en un texte un peu long peut-être, pourquoi je viens d'adhérer à Médiapart... Avec l'idée, que je ne m'explique pas tout à fait, que je ne serai pas déçu. Peut-être l'expérience de l'éditorial de jadis.

Quand on aime la vérité simple et nue , cruelle et libératrice de nos jours comme depuis la nuit des temps on est forcément insatisfait .

Jamais on ne pourra atteindre la perfection ...et puis la vérité des uns n'est pas celle des autres.

Toute initiative visant un travail " honnête " et impartial de l'information même s'il n'est pas parfait peut que me plaire.....mais alors honnête dans l'intention comme dans l'action.

Moi aussi j'adhère à Médiapart sur la pointe des pieds !!

Lea Chapignac
Nous sommes sans doute nombreux à avoir grand besoin d'air frais! La presse écrite (celle que je lis encore, faute de mieux) est soit largement inconsistante (une moitié au moins des articles de Libe), soit destinée à un public dans lequel je ne me reconnais plus ( argent, débauche de pubs et suppléments pour objets de luxe... qui ont fini de pervertir "le Monde", de plus en plus enclin à s'aligner devant le monde tel qu'il va) - j'attends de Mediapart une liberté d'esprit, de ton, qui a largement disparu, fondée sur le sérieux de l'investigation et de l'analyse. Qui n'épargne personne s'il y a lieu, de droite comme de gauche. Qui permette de s'informer et de se forger un point de vue. Que Segolène Royal, par exemple, soutienne Médiapart se conçoit, c'est son intérêt) - que Médiapart s'en fasse le porte- parole, et c'en sera fini de cette liberté d'esprit et de ton que j'attends, qui n'est pas une impossible et plate "neutralité", mais refus de se laisser inféoder à quiconque, et pas seulement aux puissances d'argent.

Ecrivons, pour que les mots ne se vident pas de sens !

Aujourd'hui "social" veut dire l'abbé Pierre et RMI en goutte à goutte pour que "banlieues" acceptent leur condition. C'est aussi le "socioculturel", pour désigner les matons au look ex-baba qui font du "normatif" avec les "jeunes".
Depuis les "restos" du cœur et le téléton, "social" n'a plus rien à voir avec le Droit, y compris dans ladite "bonne presse" des élites. La majorité vote pour ce social de sacristie et tel un Janus, le PS se tient à la porte d'édifice consacré. C'est sans doute ce que leur idole appelle la laïcité-positive, se définir par sa religion.

La bataille sera difficile, s'ils ne parviennent pas à instrumentaliser MédiaPart.

Jean-René LE JEAN/MANINI.

Tout à fait d'accord sur la forme et le fond.Pour ma part je souhaiterais que ce nouveau média
mette une veilleuse sur le "monde catholique" qui intervient déja impunément tous les dimanches matins
sur TV5 et FR culture bien qu'"il" aie TVet Radio "propres spécialisées dans ce genre de conditionnement.
Un Grand Salut avec tous mes voeux et l'espoir que ce médiajournal respecte les lambeaux de
cette belle Loi de 1905.

Engagez vous "qu'ils disaient!!! moi je n'adhere pas sur la pointe des pieds monsieur dudu866
C'est tres important les intermediaires médiatiques pour nous aider à une discution interieure.

Courage messieurs et mesdames de MédiaPart

en adhérant sur la pointe des pieds , je veux ainsi avancer ma vigilance à ce qui pourra être fait et dit , pas me laisser aveugler par un artifice ..... je préfère ma lueur d'espoir ; mais évidemment j'aimerai pouvoir dèjà être certain de fouler tout cela à grands pas ...!! chère madame .

dudu866

Cher Denis,

Ce projet a-t-il donc déjà besoin d'une telle plaidoirie selon vous..? C'est plutôt inquitétant, non ?

Ou alors, et s'il vous reste du cirage, j'ai quelques paires de pompes qui pourraient servir de dommages collatéraux de votre affable prose :-)

Sans rire, êtes-vous donc encore au nombre de ces victimes d'un siècle qui n'est plus le nôtre et au long duquel la populace croyait dur comme fer à «la chose imprimée» ?

Une presse qui permettrait de "démêler le vrai du faux", si tant est qu'elle puisse exister, ne peut être faite de quelques, et à fortiori d'une seule, initiatives isolées. Par définition cette activité (démêler le vrai du faux) ne peut être qu'individuelle, lente, enfouie dans le secret d'une conscience qui cherche à s'éclairer du mieux qu'elle peut au milieu d'un univers de ténèbres joyeuses.

Certes, notre (votre) argent peut nous laisser croire qu'il est possible «d'externaliser» cette tâche, nous qui avons les moyens financiers, et donc la disponibilité intellectuelle - qui n'est pas l'intelligence - de nous éloigner un peu plus des préoccupations immédiates de la survie quotidienne.

Mais ce vrai et ce faux que trouve pour notre compte le journaliste le mieux intentionné ne sont vrai et faux que pour lui. Aujourd'hui je cherche une presse qui ne confondrait pas information et éditorial, fait et interprétation.

Un fait est que votre contribution, ainsi que ma triste réplique à icelle, sont publiées sur ce site. Mon interpréation de ce fait est que nous sommes donc sur un site d'opinion, ce qui dépasse à mes yeux le cadre de l'information.

Quant à la lutte contre la barbarie... la pensée occidentale est devenue tellement aveugle à tout ce qui n'est pas elle que la censure frapperait sans doute bien vite, même ici, si j'ébauchais un commencement de saine et amicale contradiction sur ce point. Je me contenterais donc de dire que, pour ma part, je comprends que l'on aille se faire sauter dans le métro les yeux ouverts en toute lucidité.

Je vous rejoins totalement sur le principe que je crois percevoir dans votre propos et qui consiste, en gros, à ne jamais céder au chantage. Liberté, égalité, fraternité... ou la mort. Mais cette dernière partie de la devise à été escamotée il y a bien longtemps. L'opinion, encore l'opinion, toujours l'opinion... Marx avait décidément bien tort, la religion n'est pas opium.

Qui est prêt à mourir aujourd'hui ? Et surtout pour quoi ? Une liberté avec des laisses électroniques toujours plus performantes, une égalité dont l'opinion croit qu'elle est un graal individuel alors qu'il n'a jamais été question d'égalité que de droits, et une fraternité vide de sens depuis son origine et dont le communautarisme, le sectarisme et le corporatisme ont été les seules véritables expressions concrètes ? Qui ? Vous ? Edwy Pleynel ? Moi ?

Il n'y a pas d'intermédiaires entre le vrai, le faux et nous. Nous les secrétons à chaque instant pour ce que nous croyons être le bon ou le juste. Vous avez adhéré à Mediapart, grand bien vous fasse, mais vous interrogez-vous sur ce qui vous pousse à ce prosélytisme moralisateur et sur la place qu'il a, précisément ici où, par définition, il ne touche que des personnes déjà au courant de l'existence de ce site...

La poignance de votre prose est dangereuse, j'imagine que vous en êtes conscient. Et puisque vous agitez l'épouvantail national socialiste, j'espère seulement que vous n'êtes pas au nombre de ceux qui, dans le noir de la douleur et de la haine, auraient condamné un Céline...