Publicité sur la télé publique : quand Jospin n’osait pas faire ce que Sarkozy tente

04/02/2008Par

En 1998, Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tenté de réduire la publicité à 5 minutes par heure sur la télévision publique, et d’instaurer une taxation des transferts de recettes publicitaires vers les chaînes privées, comme le révèlent des documents à ce jour inédits. Mais après plusieurs semaines de tergiversation, Lionel Jospin y a renoncé, sous la pression des parlementaires socialistes et par crainte du coût budgétaire de la mesure.
  « Lionel Jospin a refusé ce premier plan pour ne pas trop augmenter la redevance et parce que cela coûtait trop cher, explique aujourd’hui Catherine Trautmann. Au Parti socialiste, nous avions toujours considéré que la publicité était un risque pour une chaîne publique : une fois que vous en dépendez, vous êtes contraint de faire des émissions qui en attirent. Ce principe était partagé ». Le projet qu’elle présente au conseil des ministres en novembre 1998, jamais publié,  traduit une ligne dure en matière de restriction des ressources publicitaires pour l’audiovisuel public. La durée maximale de la publicité sur France 2 et France 3, alors de 12 minutes par heure, passe à 5 minutes, pour un coût total estimé à 2,5 milliards de francs (environ 385 millions d’euros).

En réalité, les discussions préalables avaient été plus radicales. « Au départ, nous avions envisagé une suppression totale, se souvient un ancien membre de son cabinet. Mais l’effort demandé étant trop important, a surgi l’hypothèse de 4, puis de 5 minutes de pub ». Avec ce plafonnement à 5 minutes, le ministère considère avoir « franchi la moitié du chemin », se souvient l’ancien conseiller. « L’option 0 pub supposait une forte augmentation de la redevance que les parlementaires n’étaient pas prêts à accepter », confirme David Kessler,alors chargé de la culture et de la communication au sein du cabinet Jospin.
 
Matignon doute de la réforme et de la ministre
Le pré-projet Trautmann martèle son désaccord avec un financement publicitaire trop substantiel de la télé publique, décrite comme victime de l’ «obsession de l’audimat ». «Moins de publicité, plus de liberté pour les programmes : ce message est très bien passé parce qu’il sonne comme une évidence pour tous ceux qui ont regretté l’évolution de leur télévision, France 3 notamment, ces dernières années. » Pour la ministre, c’est « l’identité du service public » qui se joue.
 
Mais « le plafond à 5 minutes est vite remonté à 8 à cause du coût budgétaire pour l’Etat et de la crainte de l’effet d’aubaine pour les chaînes privées », se souvient David Kessler, aujourd’hui directeur de France Culture. Le cadeau à TF1, M6 et Canal+ promet d’être conséquent. Il est évalué à 1,3 milliard de francs (environ 200 millions d’euros) par l’Association des agences de publicité, 1,5 milliard (environ 230 millions d’euros) par le CSA, et même 1,7 milliard (environ 260 millions d’euros) par le CNC.
 
« Matignon doutait de la capacité du cabinet à porter une loi ambitieuse sur l’audiovisuel », analyse un ancien du cabinet Trautmann. En réalité, la ministre s’est elle-même placée en position de faiblesse car son projet de loi, déposé en conseil des ministres le 18 novembre, reporte les mesures financières à un arbitrage ultérieur. Ce choix inquiète les parlementaires socialistes. L’opposition de la direction de France Télévision achève de la mettre en difficulté.
 
Catherine Trautmann se souvient ainsi de « ce jour où je me suis rendue au ministère pour annoncer la bonne nouvelle, expliquer que j’avais obtenue de Matignon la compensation complète de la réduction des recettes publicitaires sur les chaînes publiques : j’ai vu devant moi les têtes s’allonger de trois pieds. Xavier Gouyou Beauchamps, alors président de France Télévision, lâche : 'C’est un triste jour' ».

« J’ai le sentiment que si en 2008 Sarkozy veut faire plaisir à TF1, Jospin avait peur de faire trop de mal à TF1… On savait que c’était ça qui ressortirait », analyse rétrospectivement Michel Françaix, député socialiste de l’Oise, ancien conseiller de François Mitterrand et fer de lance, à la fin des années 80, d’une pétition réclamant une « télévision publique sans publicité ». 

Le pré-projet de loi Trautmann comportait pourtant cette innovation : la création d’un prélèvement sur les gains publicitaires pour les chaînes privées. Il devait servir à financer la production audiovisuelle et cinématographique. Dans un document de travail pour arbitrage jamais publié que nous avons retrouvé, le mode de calcul de cette taxation « approuvée par le premier ministre dans son principe » est minutieusement détaillé. En fait il s’agit d’une majoration du taux de prélèvement sur les ressources publicitaires des chaînes privées abondant un compte de soutien déjà en place qui mutualise une partie du chiffre d’affaires des diffuseurs au bénéfice de la production d’œuvres audiovisuelles de l’industrie cinématographique. 

Dans le projet, la surtaxation est modulée en fonction du volume des recettes publicitaires : majoration de 2% jusqu’à 1,5 milliard de francs (environ 230 millions d’euros) de ressources publicitaires totales, hausse de 4% au-delà. Le taux effectif de surtaxation varie entre 2% et 3,6%, avec une moyenne de 3,3% pour l’ensemble des chaînes privées et dégage une recette globale de 400 millions de francs (environ 61 millions d’euros). La taxation s’avère donc plus forte pour TF1 que pour M6, permettant un double coup : un effet levier soutenant la production et un effet redistributeur limitant l’écart entre chaînes publiques et privées.

Habillage pour faire accepter la perte des ressources publicitaires
La mise au service de l’industrie des programmes et de la création de ces ressources est considérée comme « un élément essentiel pour la légitimité de la réforme », et pour « minimiser la contestation des chaînes privées ». Selon un ancien membre du cabinet de Trautmann, cette astuce était « un habillage » pour faire accepter au secteur audiovisuel la perte de ressources publicitaires.

Mais ce dernier argument n’aura pas suffi à éteindre les critiques. Lionel Jospin refuse de valider le mécanisme de taxation et retoque le projet.  « Le calcul de la taxation sur les recettes était très compliqué : au bout de deux ans, comment évaluer les recettes supplémentaires ?», interroge David Kessler.

Une réunion de la dernière chance se tient le 1er décembre à Matignon, en présence de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l’économie, des finances et du budget, de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée, Daniel Vaillant, ministre de l’intérieur et Catherine Trautmann, qui raconte : « Je m’aperçois que tout le monde croit que le débat va être trop violent. J’en tire donc les conclusions : si un général manque de troupes, il ne part pas à la bataille ». Défaite, elle se rend devant la commission parlementaire qui doit l’entendre ce jour et annonce à la surprise générale : « Je vous annonce le retrait de l’ordre du jour du projet de loi ».

Ce n’est que le 1er août 2000, deux ans et demi après l’amorce du travail gouvernemental, que la loi sur la liberté de communication est finalement votée, réduisant la durée maximale de publicité sur la télévision publique à huit minutes par heure. La ministre de la culture et de la communication s’appelle désormais Catherine Tasca. Et le dispositif finalement voté laisse tout le monde sur sa faim : la publicité reste une ressource trop importante pour permettre à France Télévision de réduire sa dépendance du marché publicitaire.

Découvert presque dix ans plus tard, cet épisode oublié de l’ère Jospin éclaire d’un jour nouveau la déclaration de Nicolas Sarkozy, le 8 janvier, à propos de la suppression à venir de la publicité sur l’audiovisuel public. En annonçant cette suppression de sa seule initiative, avant même d’avoir établi un mécanisme précis de financement et sans l’accord préalable des professionnels du secteur, Nicolas Sarkozy n’est-il pas en train de commettre la même erreur que Catherine Trautmann en son temps ? 

On constate tout d'abord que la droite comme la gauche sont conscients que la publicité nuit à la qualité de la télévision publique. Dès lors, seule la méthode peut expliquer les réticences de la gauche, et en particulier, comme vous le rappelez, l'absence d'un mécanisme précis de compensation.

Enfin, selon moi, Sarkozy mènera cette réforme jusqu'au bout quitte à faire beaucoup de concessions car s'il y a bien une chose que notre monarque élu n'aime pas c'est qu'on lui rappelle qu'il n'a pas fait ce qu'il avait dit...

On constate aussi que le courage d'augmenter la redevance pour se donner les moyens de cette ambition fait toujours défaut : pourtant, je ne pense pas que les Français y seraient hostiles, surtout si celle-ci est calculée en fonction du revenu.

Les politiques sont des poules mouillées et ce n'est pas le courage qui les étouffe.
La solution doit être ailleurs que chez les princes de la république, de droite comme de gauche ! La preuve.

Mobilisons nous pour sauvez FRANCE TELEVISION de le réforme actuelle qui faute de réelles solutions risque de remettre en cause son financement et sa programmation.

Il s'agit ici de faire une sorte de pétition virtuelle sur l'augmentation de la redevance. Une faible augmentation de la redevance peut résoudre rapidement le futur problème de financement de FRANCE TELEVISION et le manque à gagner par la diminution , l'arrêt de la publicité.

Tous ceux qui sont d'accord pour signer cette pétition, apportez votre soutien et vos suggestions en devenant membre du groupe "PETITION POUR FRANCE TELEVISION SUR FACEBOOK, en cliquant sur le lien suivant

http://www.facebook.com/group.php?gid=20760505593

Merci à tous pour votre soutien à cette initiative citoyenne.
SMILE

Plus je réfléchis moins je comprends l'intérêt de cette réforme car si 8m par heure de pub c'est trop alors je n'y comprend plus rien. Il faut quand même que SARKO pense à nos pauses: en 8 mn on peut faire plein de choses (changer de chaîne et tomber sur une pub de Carla par exemple).

plus le temps passe et plus je me dis que nous avons bien fait, mon épouse et moi, de détruire cette bête immonde qui polluait nos soirées de jeunes mariés...en 1985. Nos enfants nés depuis sans téléviseurs n'en sont pas des ânes exclus des cours de récréation pour autant.
dlm71

Toutes ces bonnes paroles vous honorent tous, mais surtout n'augmentez pas la redevance, qui est chère pour les français d'en bas.

Il y en a marre de l'utilisation des mots, "augmenter - redevance - taxes- impots" la France d'en bas souffre.

Une mesurette pour rendre rentable ces chaînes télé serait de revoir les salaires mirobolant des acteurs, journalistes, et autres......(OCKRENT 120 ooo euros annuels) PPDA - Claire CHAZALS et tous les autres.

Alors l'augmentation de la redevance pas question, la redevance est trop chère pour la piteuse prestation de la télévision.

Comme les émissions caritative où les animateurs se font payer et demande au peuple d'en bas de donner - donner - donner.

Alors les donneurs de leçon revoyez votre morale.

Si la redevance est calculée en fonction du revenu, elle ne devrait pas toucher les personnes qui ne pourraient la supporter, ce que nous sommes de plus en plus nombreux à proposer.
Les salaires et cachets exorbitants de la télé, feront partie d'une vieille époque, j'en suis persuadée :
En 1992, j'avais interpellé un syndicat d'une chaîne de télévision sur cette question, qui ne l'estimait pas pertinente, estimant qu'il étaient la contrepartie de "vitrines".
Aujourd'hui, ils montent au créneau : tout arrive !!!

J'ai lu ce matin un papier dans L'Express, intitulé "le plan anti-France Télévisions de TF1". Il est édifiant. Il aurait été envoyé à l'Elysée. Au menu des recommandations de TF1 pour la chaîne publique : leur allouer un budgt de 500 millions d'euros, limiter la diffusion de séries américaines et de grands événements sportifs et bien sûr augmenter l'espace le temps d'espace publicitaire sur les chaînes privées. A lire d'autres papiers parus aujourd'hui dans la presse quotidienne (les chaînes privées qui ne veulent pas payer notamment), on comprend nettement mieux l'ambition "culturelle" de notre cher président.